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Consolidation d'une dérive hyperlibérale
Espagne: leçons de la première grève générale de l'ère Zapatero
par Christian GALLOY
MADRID, jeudi 30 septembre 2010 (LatinReporters.com) - L'impact modéré, le 29 septembre en Espagne, de la première
grève générale de l'ère Zapatero et la quasi
unanimité des éditorialistes quant à sa présumée inutilité
accréditent la consolidation d'une dérive hyperlibérale dont
les socialistes deviennent les complices obligés pour tenter de surmonter
la crise globale.
Les deux grands syndicats espagnols, l'Union générale des travailleurs (UGT, socialiste) et les Commissions ouvrières (CO, longtemps liées au Parti communiste) avaient convoqué la grève générale contre la récente réforme du marché du travail conçue et appliquée par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, au pouvoir depuis 2004. Perles de cette réforme: les entreprises peuvent désormais recourir au licenciement économique en invoquant "des pertes actuelles ou prévues" et l'indemnité de licenciement par année d'ancienneté est alors réduite à 20 jours de salaire au lieu de 45. Le gouvernement espagnol croit que cette facilité inédite de défenestrer des travailleurs inciterait les patrons à doper l'embauche et à réduire la cohorte de plus de 4,6 millions de chômeurs, soit 20,3% de la population active, record absolu des 27 pays de l'Union européenne relevé fin juillet par Eurostat. Auparavant, M. Zapatero avait déjà baissé les salaires des fonctionnaires, gelé les retraites et mis fin à des prestations comme le "chèque-bébé" pour les nouveaux parents ou l'aide aux chômeurs de longue durée. Avant la fin de l'année, il s'attaquera à l'âge de la retraite pour le porter de 65 à 67 ans. Candido Mendez et Ignacio Fernandez Toxo, secrétaires généraux respectifs de l'UGT et des CO, y voient "la plus forte attaque jamais menée en démocratie contre les droits des travailleurs". Dans ce panorama d'austérité, des mesures telles que le mariage homosexuel qui firent applaudir le socialisme zapatériste au-delà des Pyrénées font soudain figure de colifichets populistes. Pressé par le Fonds monétaire international et l'Union européenne de réduire les déficits publics (11,2% du PIB en 2009), M. Zapatero a dû se convertir à la rigueur, devenir le gardien de l'orthodoxie financière et l'allié d'un virage vers l'hyperlibéralisme dans le sillage de la crise planétaire. L'Espagne, comme la Grèce et le Portugal, est en Europe l'une des principales victimes du marasme global. Ce sont là trois îlots socialistes particulièrement frappés au sud du Vieux continent qui vire à droite. Hasard, stratégie délibérée ou preuve de l'obsolescence du modèle social-démocrate? Cinquième du genre en 35 ans de démocratie post-franquiste, la grève générale du 29 septembre a paralysé l'industrie, réduit les transports et effleuré les autres secteurs. Candido Mendez et Ignacio Fernandez Toxo clament victoire en prétendant avoir été suivis par 70% des 15 millions de salariés appelés à la grève. "Suivi inégal et effet modéré" tempère le ministre du Travail, le socialiste Celestino Corbacho. Il reconnaît la paralysie totale de l'industrie automobile, mais réduit le taux de grévistes à 23% dans les entreprises publiques, 21% dans les transports, 12% dans l'administration régionale et municipale, 7% dans celle de l'Etat, 10% dans le commerce et 3% dans l'hôtellerie. Le ministre précise que la consommation d'électricité a été sur la journée inférieure de 16,5% par rapport à la normale. Des médias notent qu'une véritable grève générale aurait fait baisser cette consommation de 25%, comme lors d'un jour férié. La presse est quasi unanime à souligner tant l'échec de la grève que l'impossibilité d'une marche arrière gouvernementale, sous peine d'une perte de tout crédit sur les marchés financiers internationaux. Les syndicats n'en attendent pas moins la "rectification" de la politique "antisociale" de M. Zapatero. En chute libre dans les sondages pour sa gestion jugée longtemps catastrophique de la crise et conspué dans le monde syndical qui était sa principale base sociale, le chef du gouvernement "est désormais entre le mur et l'épée", selon l'expression du secrétaire général de l'UGT. "L'affrontement direct [des syndicats] avec l'exécutif ne résout pas le problème réel de la récession espagnole", à savoir que "l'activité économique n'est pas suffisante pour générer de l'emploi, tandis que le réseau de protection sociale ne peut se financer que grâce à la dette dont les prestataires exigent un plan d'ajustement convaincant" écrit l'éditorialiste de l'influent quotidien de centre gauche El Pais. Pedro J. Ramirez, directeur du grand journal de centre droit El Mundo, est plus tranchant. A ses yeux, "l'unique bien de la journée [du 29 novembre] est que le mythe de la grève générale s'est définitivement effondré. Il faudrait des événements beaucoup plus graves pour que les syndicats se risquent à en convoquer une autre. Ils sont aujourd'hui beaucoup plus faibles qu'hier. Et les citoyens savent maintenant que s'ils veulent changer la politique économique du gouvernement, ils devront le faire par les urnes. Plût au ciel que ce soit le plus tôt possible". Un appel identique à des élections anticipées est répété depuis plusieurs mois par le Parti Populaire (PP, opposition conservatrice) de Mariano Rajoy, crédité dans les sondages d'une large victoire si les législatives prévues pour début 2012 avaient lieu aujourd'hui. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |