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"Décès en masse d'immigrants" selon la garde civile Espagne-immigration: l'Atlantique, cimetière d'Africains
"Au cours des 45 derniers jours, entre 2.000 et 2.500 immigrants se sont embarqués [en Mauritanie] sur des pirogues avec pour objectif d'atteindre les îles [Canaries]. Parmi eux, à peine 800 à 900 sont arrivés. Cela supposerait qu'entre 1.200 et 1.700 se seraient noyés dans les eaux de l'océan Atlantique" affirme la note de la garde civile, datée du 21 décembre 2005 et basée sur des estimations des corps de sécurité mauritaniens. Révélée lundi par l'agence espagnole Europa Press, la note était adressée par le sous-directeur général des opérations de la garde civile, José Manuel Garcia Varela, au colonel en chef de la zone des Canaries, Antonio Cañamero. Ce dernier était prié d'intensifier la vigilance maritime. La note reste d'actualité. Vingt-cinq cadavres d'émigrants subsahariens ont été repêchés le 15 mars au large de la Mauritanie par le navire-hôpital espagnol Esperanza del Mar. La nouvelle vague d'immigration clandestine venant de Mauritanie s'accentue. Madrid en a saisi le Conseil européen, estimant que l'Union européenne doit contribuer à une solution. L'Espagne négocie parallèlement avec la Mauritanie le rapatriement d'immigrés et la mise en place d'un dispositif commun de dissuasion de l'émigration clandestine. Interviewé le 7 mars par la radio privée espagnole Cadena Ser, le directeur du Croissant rouge mauritanien, Ahmed Ould Haya, estimait que 40% des embarcations légères qui quittent la Mauritanie pour les Canaries font naufrage en cours de route. Selon lui, entre novembre 2005 et la première semaine de mars 2006, 1.200 à 1.300 personnes ont péri dans cette traversée qu'il compare à "un jeu de roulette russe". Quelque 1.000 km d'océan séparent l'archipel des Canaries de la Mauritanie. Au prix d'environ mille euros chacun, gagnés dans l'économie souterraine à Nouakchott ou à Nouadhibou, les clandestins venus de divers pays d'Afrique noire se lancent dans la traversée entassés à 40 ou 50 et parfois 70 sur des barques de pêche relativement robustes, que les médias espagnols ont baptisées "cayucos". (Le véritable cayuco est une pirogue amérindienne). Une panne de moteur ou une trop grosse vague seraient trop souvent mortelles. Selon des estimations officieuses, au moins 15.000 Subsahariens attendraient leur tour dans les ports mauritaniens. Dans leur périple vers l'Eldorado européen, ils ont délaissé la filière marocaine. Depuis les événements tragiques de l'été et de l'automne 2005 autour de Ceuta et Melilla, les deux villes espagnoles enclavées au Maroc, Rabat rapatrie ou déporte vers le Sud les clandestins en transit, parfois abandonnés dans le désert du Sahara. Du 1er janvier au 19 mars derniers, 3.567 sans papiers subsahariens ont été interceptés au large ou sur les côtes des Canaries. Ce chiffre risque de signifier que plusieurs milliers d'autres auraient péri dans l'Atlantique pendant la même période si on applique le rapport départs-arrivées relevé le 21 décembre par la garde civile ou le 7 mars par le directeur du Croissant rouge mauritanien. La note de la garde civile avertissait de l'intensification probable de cette émigration maritime, les nombreux candidats au voyage vers les Canaries n'étant pas informés de l'ampleur des noyades dans l'Atlantique. La note relève même qu'en décembre, en Mauritanie, les clandestins subsahariens étaient encouragés par "la rumeur d'un relâchement [de la vigilance] de la police espagnole à l'occasion des fêtes de Noël". Toujours selon cette note, des fonctionnaires mauritaniens souligneraient la responsabilité du Maroc, qui "déporte de manière continue des immigrants" subsahariens vers la frontière entre les deux pays. A Madrid, le Parti Populaire (PP, opposition conservatrice) associe le drame des Subsahariens à "l'effet d'appel" de la régularisation massive ouverte au printemps 2005 à plus de 600.000 sans papiers par l'exécutif socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Le PP et les nationalistes catalans de Convergence et Union (CiU) exigent que le ministre de l'Intérieur explique au Parlement pourquoi le gouvernement, averti dès décembre d'une catastrophe humanitaire, n'a pas pris aussitôt les mesures mises en oeuvre depuis quelques jours seulement avec la Mauritanie. Dans le cadre des flux migratoires records vers l'Espagne (652.300 immigrés de plus en 2005 selon Eurostat), l'immigration clandestine en provenance de l'Afrique noire est quantitativement peu significative. Même au rythme actuel, elle représenterait moins de trois pour cent du flux annuel global. Cette immigration est néanmoins très médiatisée en fonction de son caractère dramatique et spectaculaire. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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