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"Décès en masse d'immigrants" selon la garde civile
Espagne-immigration: l'Atlantique, cimetière d'Africains
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Arrivée à Los Cristianos (Canaries) d'un cayuco de Subsahariens venus de Mauritanie - © Dux Garuti - La Opinion |
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Subsahariens déportés au Sahara par le Maroc (octobre 2005) - © MSF |
MADRID, mardi 21 mars 2006 (LatinReporters.com) - L'océan
Atlantique est probablement le cimetière de milliers d'émigrants
africains inconnus qui s'y noient en tentant de gagner l'archipel espagnol
des Canaries à partir de la Mauritanie. En Espagne, une note interne
de la garde civile intitulée "Décès en masse d'immigrants"
semble confirmer ce drame.
"Au cours des 45 derniers jours, entre 2.000 et 2.500 immigrants se sont
embarqués [en Mauritanie] sur des pirogues avec pour objectif d'atteindre
les îles [Canaries]. Parmi eux, à peine 800 à 900 sont
arrivés. Cela supposerait qu'entre 1.200 et 1.700 se seraient noyés
dans les eaux de l'océan Atlantique" affirme la note de la garde civile,
datée du 21 décembre 2005 et basée sur des estimations
des corps de sécurité mauritaniens.
Révélée lundi par l'agence espagnole Europa Press, la note était
adressée par le sous-directeur général des opérations de la garde civile, José
Manuel Garcia Varela, au colonel en chef de la zone des Canaries, Antonio
Cañamero. Ce dernier était prié d'intensifier la vigilance maritime.
La note reste d'actualité. Vingt-cinq cadavres
d'émigrants subsahariens ont été repêchés
le 15 mars au large de la Mauritanie par le navire-hôpital espagnol
Esperanza del Mar. La nouvelle vague d'immigration clandestine venant de
Mauritanie s'accentue. Madrid en a saisi le Conseil européen, estimant
que l'Union européenne doit contribuer à une solution. L'Espagne
négocie parallèlement avec la Mauritanie le rapatriement d'immigrés
et la mise en place d'un dispositif commun de dissuasion de l'émigration
clandestine.
Interviewé le 7 mars par la radio privée
espagnole Cadena Ser, le directeur du Croissant rouge mauritanien, Ahmed
Ould Haya, estimait que 40% des embarcations légères qui quittent
la Mauritanie pour les Canaries font naufrage en cours de route. Selon
lui, entre novembre 2005 et la première semaine de mars 2006,
1.200 à 1.300 personnes ont péri dans cette traversée
qu'il compare à "un jeu de roulette russe".
Quelque 1.000 km d'océan séparent
l'archipel des Canaries de la Mauritanie. Au prix d'environ mille euros chacun,
gagnés dans l'économie souterraine à Nouakchott ou à
Nouadhibou, les clandestins venus de divers pays d'Afrique noire se lancent
dans la traversée entassés à 40 ou 50 et parfois 70 sur des barques
de pêche relativement robustes, que les médias espagnols ont
baptisées "cayucos". (Le véritable cayuco est une pirogue
amérindienne). Une panne de moteur ou une trop grosse vague seraient trop souvent
mortelles.
Selon des estimations officieuses, au moins 15.000 Subsahariens attendraient
leur tour dans les ports mauritaniens. Dans leur périple vers l'Eldorado
européen, ils ont délaissé la filière marocaine. Depuis
les événements tragiques de l'été et de l'automne 2005 autour
de Ceuta et Melilla, les deux villes espagnoles enclavées au Maroc,
Rabat rapatrie ou déporte vers le Sud les clandestins en transit,
parfois abandonnés dans le désert du Sahara.
Du 1er janvier au 19 mars derniers, 3.567 sans papiers subsahariens ont été
interceptés au large ou sur les côtes des Canaries. Ce chiffre risque de signifier que
plusieurs milliers d'autres auraient péri dans l'Atlantique pendant la même période
si on applique le rapport départs-arrivées relevé le
21 décembre par la garde civile ou le 7 mars par le directeur du Croissant
rouge mauritanien.
La note de la garde civile avertissait de l'intensification probable de cette
émigration maritime, les nombreux candidats au voyage vers les Canaries
n'étant pas informés de l'ampleur des noyades dans l'Atlantique.
La note relève même qu'en décembre, en Mauritanie,
les clandestins subsahariens étaient encouragés par "la rumeur
d'un relâchement [de la vigilance] de la
police espagnole à l'occasion des fêtes de Noël".
Toujours selon cette note, des fonctionnaires mauritaniens souligneraient
la responsabilité du Maroc, qui "déporte de manière
continue des immigrants" subsahariens vers la frontière entre les
deux pays.
A Madrid, le Parti Populaire (PP, opposition conservatrice) associe le drame
des Subsahariens à "l'effet d'appel" de la régularisation massive
ouverte au printemps 2005 à plus de 600.000 sans papiers par
l'exécutif socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero.
Le PP et les nationalistes catalans de Convergence et Union (CiU) exigent que le ministre de
l'Intérieur explique au Parlement pourquoi le gouvernement,
averti dès décembre d'une catastrophe humanitaire, n'a pas pris aussitôt
les mesures mises en oeuvre depuis quelques jours seulement avec la Mauritanie.
Dans le cadre des flux migratoires records vers l'Espagne (652.300 immigrés
de plus en 2005 selon Eurostat), l'immigration clandestine en provenance
de l'Afrique noire est quantitativement peu significative. Même au rythme
actuel, elle représenterait moins de trois pour cent du flux
annuel global. Cette immigration est néanmoins très médiatisée
en fonction de son caractère dramatique et spectaculaire.
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