"Débrayage national" convoqué par les réseaux sociaux
Mexique / disparus : 2e anniversaire amer pour le président Peña Nieto

par Pilar VALERO
 

MEXICO / MADRID, 14 novembre 2014 (LatinReporters.com) - La disparition de 43 jeunes étudiants à Iguala (État de Guerrero) a suscitéla colère des Mexicains, appelés à un « débrayage national » le 20 novembre par les réseaux sociaux. Cette protestation inédite d'indignation collective donnera un goût amer au deuxième anniversaire de la présidence d'Enrique Peña Nieto, quelques jours plus tard, le 1er décembre.

Dans une revendication massive de régénération politique et de fin de l'impunité, le début de la Révolution mexicaine de 1910 a été la date symbolique choisie pour le « débrayage », qui n'est pas organisé par les partis politiques.

L'assassinat présumé des étudiants le 26 septembre dernier, attribué au gang « Guerreros Unidos » dominant dans l'État de Guerrero, avec la complicité du maire d'Iguala et de policiers locaux, a propagé la fureur à l'ensemble du pays et provoquéla consternation internationale.

Ce crime et ses conséquences imprévisibles portent un rude coup à Enrique Peña Nieto, arrivéà la présidence avec un ambitieux programme réformiste et avec la promesse de renforcer le rôle d'acteur global de la seconde économie latino-américaine.

Le « Pacte pour le Mexique » qu'il signa le lendemain de son investiture avec les trois principaux partis politiques du pays, le PRI gouvernemental (Parti révolutionnaire institutionnel, centriste), le PAN (Parti d'action nationale, droite) et le PRD (Parti de la révolution démocratique, gauche), a été reconnu comme une grande réussite consensuelle du politicien priiste pragmatique qu'est Peña Nieto. Et, précisément, parmi les points essentiels de ce pacte figurent les accords en matière de sécurité et de justice.

Ces deux premières années du mandat présidentiel enregistrèrent aussi de grands coups frappant des organisations criminelles. On a considérécomme un succès l'arrestation, dans la première moitiéde 2014, des puissants chefs du cartel de Sinaola, Joaquin Guzman (alias « El Chapo Guzman »), et du cartel du Golfe, Juan Manuel Rodríguez García.

Parallèlement, l'économie a vu le produit intérieur brut (PIB) progresser de 2,4 % cette année et il devrait croître de 3,5 % en 2015, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), qui a récemment qualifié d' « impressionnant »le progrès de la mise en œuvre des réformes au Mexique, y compris dans le secteur de l'énergie, historiquement sensible.

« J'en ai marre de la peur »

Mais maintenant, une vague de colère accuse le gouvernement et l'État de n'être pas capable de protéger les citoyens dans de nombreuses régions du pays, où bandes criminelles et trafiquants de drogue dominent les autorités locales et terrorisent la population.

« J'en ai marre de la peur » est le slogan devenu viral sur les réseaux sociaux pour encourager la participation à la protestation nationale du 20 novembre, précédée de troubles et de manifestations convoquées dans tout le pays.

L'e_xpression est née de la réaction indignée au commentaire « J'en ai marre » du procureur général, Jésus Murillo, qui signifia ainsi la fin de la conférence de presse au cours de laquelle il informa de l'assassinat probable des étudiants à Iguala.

Cette affaire a aussi donné des arguments aux partisans de réviser les politiques antidrogue en recherchant des formes de légalisation qui liquideraient le négoce des cartels du narcotrafic et la violence des bandes criminelles.

En juin 2015, les Mexicains renouvelleront leur Chambre des députés et éliront aussi parlementaires et gouverneurs dans 9 des 31 États du pays. Ce sera le premier test électoral, depuis l'investiture du président Peña Nieto, mesurant l'image des partis politiques et en particulier l'appui au PRI gouvernemental.

La fureur de la population vise aussi, à gauche, le PRD, auquel appartenait le déjà ex-maire d'Iguala, José Luis Abarca. Il entretenait, ainsi que sa femme, Maria Angeles Pineda, des liens étroits avec le gang des « Guerreros Unidos ».

Enrique Peña Nieto devra faire preuve d'un fort leadership pour affronter cette grande crise de sa présidence, qui risque d'estomper des réussites dans la modernisation et la croissance du Mexique.

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