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JAVIER VELASQUEZ REMPLACE YEHUDE SIMON
Pérou: nouveau Premier ministre après la révolte d'Amérindiens

LIMA, lundi 13 juillet 2009 (LatinReporters.com) - Trois jours après la démission du Premier ministre Yehude Simon, son successeur Javier Velasquez Quesquen, président sortant du Congrès (Parlement), prêtait serment le 11 juillet à Lima devant le président du Pérou, Alan Garcia. Critiquée par l'opposition et des communautés amérindiennes, cette nomination est vue comme une reprise en mains de l'exécutif par le Parti Apriste Péruvien (PAP) du chef de l'Etat après la révolte d'indigènes amazoniens. Le nouveau cabinet est le 3e d'Alan Garcia en 3 ans.

Le départ de Yehude Simon était attendu. Assumant sa part de responsabilité dans les affrontements meurtriers du 5 juin dernier à Bagua entre forces de l'ordre et autochtones de l'Amazonie péruvienne (34 morts, dont 24 policiers), il avait alors annoncé sa prochaine démission, lorsque le pays serait "tranquille".

En quête de cette incertaine tranquillité, Yehude Simon a multiplié concessions ou promesses aux populations autochtones et à des secteurs de la société -transporteurs, agriculteurs, professeurs, mineurs- dont les mobilisations débouchent parfois sur des paralysies régionales.

Javier Velasquez concrétisera-t-il les engagements pris au nom de la paix sociale par son prédécesseur et par le Congrès, qui a abrogé des décrets contestés par les indigènes amazoniens? La tâche la plus délicate du nouveau chef de gouvernement sera de rendre compatibles la mise à profit de la richesse pétrolière de l'Amazonie péruvienne et la revendication de la propriété de leurs terres ancestrales par les autochtones de cette région qui couvre 60% du pays. Les heurts de Bagua découlaient de cette dualité d'intérêts.

Indépendant de gauche, auréolé de la compétence, de la probité et de la capacité de dialogue affichées dans sa gestion de la région de Lambayeque, Yehude Simon avait apporté une caution morale au président Alan Garcia en succédant en octobre 2008 au Premier ministre Jorge del Castillo, dont le gouvernement fut acculé à la démission par un scandale de corruption présumée dans le secteur pétrolier.

Président du Parti Humaniste Péruvien (PHP, centre gauche) qu'il créa en 2001, Yehude Simon était et est peut-être encore, si le drame de Bagua ne l'en a pas dissuadé, candidat potentiel à l'élection présidentielle de 2011. Alan Garcia ne pourra pas s'y présenter en vertu de l'interdiction constitutionnelle de réélection consécutive.

L'image d'homme de gauche et de dialogue de Yehude Simon équilibrait la conversion d'Alan Garcia, autrefois socialiste radical, au néolibéralisme coulé dans l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis et encouragé par une croissance record en Amérique latine (plus de 9% en 2008). Cet équilibre est brisé par l'avènement de Javier Velasquez.

Inconditionnel du président Garcia, fidèle au PAP présidentiel qui domine le gouvernement remanié, le nouveau Premier ministre s'est forgé une réputation de "main dure" à la présidence du Congrès. Il n'hésita pas à suspendre pendant 120 jours, pour protestation dans l'hémicycle, sept députés de la principale formation de l'opposition, le Parti Nationaliste Péruvien (PNP) d'Ollanta Humala, représentant au Pérou de la gauche radicale promue en Amérique latine par le président vénézuélien Hugo Chavez.

Javier Velasquez est aussi connu pour ses manoeuvres visant à éviter l'abrogation par le Congrès, acquise seulement après la tuerie de Bagua, de décrets considérés anticonstitutionnels pour ne pas respecter le droit de consultation préalable des populations amérindiennes.

En outre, associée donc au Congrès, l'image de Javier Velasquez n'est pas favorisée par l'impopularité de cette institution, approuvée, selon les sondages, par à peine 10% des Péruviens, qui soupçonnent volontiers leurs élus de corruption.

"J'espère que ce cabinet sera le dernier dont je recevrai la prestation de serment" déclarait samedi le président Alan Garcia, qui souhaite donc qu'aucun nouveau sursaut ne secoue les deux dernières années de son mandat.

Les réactions de l'opposition alimentent toutefois le scepticisme. "Ce sera un cabinet de choc et de répression" estime Mario Huaman, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP). "La ligne dure s'impose au sein du gouvernement" considère également Carlos Tapia, porte-parole du PNP d'Ollanta Humala.

Réaction négative aussi d'Amérindiens. "Le cabinet sera alaniste [d'Alan Garcia; ndlr] et cela ne nous inspire aucune confiance" déclare Daisy Zapata, présidente en fonction de l'organisation autochtone AIDESEP (Association interethnique de développement de la forêt péruvienne). L'AIDESEP était à la tête des protestations régionales endeuillées à Bagua.

Plusieurs médias péruviens soulignent que la première déclaration publique de Javier Velasquez en qualité de Premier ministre fut la répétition de la directive donnée par le président Garcia avant la prestation de serment du 11 juillet: "La priorité de ce cabinet sera de faire régner l'ordre". Mais où en particulier et à quel prix? s'interrogent des observateurs.



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