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APRÈS LES AFFRONTEMENTS MEURTRIERS DE BAGUA
Pérou - Amazonie : pas de génocide indien selon l'ONU, qui demande une commission d'enquête

LIMA, dimanche 21 juin 2009 (LatinReporters.com) - Américain d'origine indienne apache, le rapporteur spécial de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur les peuples indigènes, James Anaya, a clairement réfuté le terme "génocide" pour qualifier les affrontements qui ont fait 34 morts -24 policiers et 10 Indiens amazoniens- les 5 et 6 juin à Bagua, au nord du Pérou. Le rapporteur demande aux autorités péruviennes une commission d'enquête, avec participation internationale, sur ces violences.

Lors d'une conférence de presse tenue vendredi soir à Lima, au terme d'une évaluation de trois jours au Pérou des affrontements de Bagua, James Anaya a déclaré: "En tant que juriste, je n'ai pas trouvé de preuves d'éléments de génocide. Cela implique l'extermination d'un peuple ou d'un groupe en tant que tel et de ce que j'ai vu au Pérou, ce ne peut pas être perçu ainsi, du moins au sens de la définition juridique internationale".

L'accusation de "génocide" d'autochtones avait été lancée contre le président péruvien Alan Garcia et son gouvernement par le dirigeant Indien Alberto Pizango, qui a obtenu l'asile politique au Nicaragua, ainsi que par le président de la Bolivie, l'Amérindien Evo Morales, et par une ministre du gouvernement vénézuélien de Hugo Chavez.

L'Agence France Presse rappelle que "des versions très contradictoires ont circulé sur le film des 24 heures de violences de Bagua, concernant les premiers tirs, de grenades lacrymogènes ou de balles, le degré de maladresse de la police dans sa tentative de levée du blocus routier et le degré de surréaction des indigènes qui ont exécuté des policiers retenus en otage, à coup de lances et machettes."

La police était intervenue à Bagua pour libérer une route et un oléoduc dont le blocage persistant provoquait de graves pénuries régionales. Depuis le mois d'avril, des collectivités indiennes dressaient des barrages routiers et fluviaux et occupaient des installations pétrolières pour protester contre des décrets-lois organisant, sans consultation des quelque 400.000 autochtones de la région, l'exploitation de ressources minières, forestières, pétrolières et hydriques de l'Amazonie péruvienne dans le cadre de l'accord de libre-échange entre le Pérou et les Etats-Unis.

L'émotion nationale et internationale soulevée par le drame de Bagua a contraint le gouvernement péruvien à faire marche arrière. Les deux décrets les plus contestés ont été abrogés le 18 juin par le Congrès (Parlement) sur requête du président Alan Garcia. Depuis, les communautés indigènes lèvent leurs barrages. Elles ont renoué le dialogue avec le pouvoir, qui leur propose d'élaborer ensemble "un plan intégral de développement durable pour les peuples de l'Amazonie".

Selon James Anaya, la protestation indigène "a ses explications dans les affaires internes du Pérou, mais on ne peut pas exclure la possibilité qu'il y ait eu d'autres acteurs" impliqués. Les deux principaux leaders de la gauche radicale sud-américaine, le président bolivien Evo Morales, mis en cause explicitement par des parlementaires péruviens, et le président vénézuélien Hugo Chavez, montré du doigt implicitement par Alan Garcia, sont soupçonnés à Lima d'avoir attisé la révolte indienne.

Au cours de ses réunions avec les responsables autochtones et avec les autorités gouvernementales et judiciaires, le rapporteur de l'ONU dit avoir écouté "des versions divergentes et mêmes antagoniques des événements". Aussi demande-t-il "une commission d'enquête impartiale pour examiner les faits et consolider le processus de dialogue" entre le gouvernement et les indigènes amazoniens.

La commission, a précisé James Anaya, devrait comprendre "une représentation de niveau international comme garantie" et "la participation de tous les acteurs concernés, indigènes et autorités", afin d'inspirer la confiance dans ses conclusions. "Eclaircir les événements est essentiel" estime le rapporteur des Nations unies.

Il recommande en outre, pour rétablir la confiance et faciliter le dialogue, "la révision des inculpations et actions judiciaires visant des dirigeants et des autorités indigènes, dont la participation au dialogue est indispensable". C'est parce qu'il était poursuivi pour sédition et homicides après le drame de Bagua que le principal dirigeant autochtone de l'Amazonie péruvienne, Alberto Pizango, a sollicité et obtenu du Nicaragua l'asile politique. Il est toujours président de l'AIDESEP (Association interethnique de développement de la forêt péruvienne), qui était à la tête de la révolte.



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