Retour / Back

Duel final pour la présidence le 29 novembre entre l'ex-guérillero José Mujica et l'ex-président Luis Alberto Lacalle
L'Uruguay renvoie la gauche au 2e tour de la présidentielle et maintient l'amnistie de crimes de la dictature

MONTEVIDEO, lundi 26 octobre 2009 (LatinReporters.com) - Etre largement en tête, mais subir le même jour quatre revers est le paradoxe que vient de s'offrir la gauche uruguayenne, représentée toutes tendances confondues par le Front élargi (Frente Amplio), aux élections présidentielle et législatives du 25 octobre, assorties de deux référendums. La présidence de l'Uruguay se jouera au second tour, le 29 novembre, entre l'ex-guérillero assagi José Mujica, 74 ans, et l'ex-président conservateur Luis Alberto Lacalle, 68 ans.

Après dépouillement de la totalité des bulletins de vote, le Front élargi conduit par José Mujica, surnommé Pepe, est crédité par la Cour électorale d'un splendide 48,16% des voix. Il devance largement les 28,94% du Parti national (conservateur), appelé aussi Parti Blanco, mené par Luis Alberto Lacalle, qui présida l'Uruguay de 1990 à 1995. Le candidat de l'historique Parti Colorado (centre droit), Pedro Bordaberry, occupe la 3e position avec 16,90%.

Quoique prévisible, l'annonce immédiate d'une coalition de droite, Bordaberry offrant dès dimanche soir le report de ses voix en faveur de Lacalle pour le second tour de la présidentielle, n'est pas une bonne nouvelle pour l'ancien dirigeant des guérilleros Tupamaros Pepe Mujica. Il est en ballottage plus que favorable, mais il sait qu'en 1999 la coalition des droites menée alors par le colorado Jorge Batlle s'était imposée au second tour au Front élargi, qui avait remporté le premier. Ce précédent gonfle l'inquiétude surgie de ces 4 revers qui accompagnent l'actuel triomphe numérique provisoire de Mujica :

1. Défaite morale, très visible sur le visage des dirigeants et des militants de la gauche, pour n'avoir pas remporté la majorité absolue et l'élection à la présidence au premier tour. Le président sortant, le socialiste Tabaré Vazquez, avait, lui, conquis d'emblée la présidence pour le Front élargi en 2004 avec 50,5% des suffrages, devenant le premier chef d'Etat de gauche de l'histoire de l'Uruguay.

2. Recul du nombre d'élus du Front élargi au Parlement et perte possible de sa majorité absolue à la Chambre des représentants (députés).

3. Echec du référendum sur l'abolition de la loi d'amnistie de crimes de la dictature (Loi de Caducité). Datant de 1986 et déjà confirmée par référendum en 1989, cette loi protège la plupart des militaires et policiers, mains non les civils, de poursuites judiciaires pour crimes perpétrés sur le territoire uruguayen sous la dictature imposée de 1973 à 1985. Pepe Mujica s'était personnellement engagé en faveur de l'abolition, réclamée aussi par Amnesty International. Elle nécessitait une majorité absolue des oui, mais ils ont plafonné à 47,36%.

4. Echec du référendum sur l'octroi du droit de vote par courrier aux Uruguayens résidant à l'étranger, soutenu par seulement 36,93% des électeurs. Sur cette question aussi, la gauche prônait le oui.

S'ils prédisaient en choeur, avant le 25 octobre, l'élection à la présidence de Pepe Mujica au premier ou au second tour, les directeurs des instituts de sondages observent désormais une réserve prudente. Le quotidien El Observador estime "très ouverte" l'issue du prochain duel pour la présidence. Son confrère La Republica affirme néanmoins que "Mujica sera président en novembre".

Le candidat conservateur Luis Alberto Lacalle a annoncé qu'il se "dépouille" de son étiquette partisane pour la campagne du second tour. Il prétend accréditer une image d'homme d'Etat, offrant "la meilleure option pour la sécurité, la paix et le dialogue dont le pays a besoin". Ce recentrage cosmétique permettra peut-être de débaucher les électeurs les moins motivés du Front élargi sans démobiliser les partisans de la droite.

Pepe Mujica, qui a déjà pris de nettes distances par rapport à la gauche radicale du Vénézuélien Hugo Chavez, affirmant lui préférer le socialisme modéré de Tabaré Vazquez et du président brésilien Lula da Silva, pourrait difficilement, lui, se dépouiller de son étiquette partisane sans accroître le doute parmi les siens. S'il invite la gauche, à laquelle "rien n'a jamais été offert", à "combattre pour la nation", ce sera clairement au profit de "ceux qui ont le moins".

L'ancien guérillero s'est reconnu surpris par le maintien de la loi d'amnistie de crimes de la dictature. Il y voit une "décision mystérieuse" des électeurs. A ce propos, l'ex-président uruguayen Julio Maria Sanguinetti, du Parti Colorado, a rappelé lundi que bénéficièrent aussi d'une amnistie des condamnés pour "terrorisme révolutionnaire" [dont José Mujica; ndlr], qui tentèrent voici 40 ans, plusieurs années avant l'instauration de la dictature qu'ils auraient précipitée, d'importer la révolution cubaine en attaquant par les armes la démocratie uruguayenne pourtant conduite alors, comme aujourd'hui, par un Parlement et un président élus.

Dernière heure
LA GAUCHE CONSERVE SA MAJORITÉ ABSOLUE AU PARLEMENT

MONTEVIDEO, dimanche 1er novembre 2009 - La coalition de gauche Front élargi a obtenu 16 des 30 sénateurs (comme en 2004) et 50 des 99 députés (deux de moins qu'en 2004). Elle conserve donc de justesse sa majorité absolue dans les deux chambres du Parlement uruguayen selon les résultats définitifs des élections générales du 25 octobre communiqués le 1er novembre par la Cour électorale.

Lors de ces élections, le 1er tour de la présidentielle a été remporté par le candidat du Front élargi, l'ex-guérillero José Mugica, avec 47,96% des suffrages indique la Cour électorale après vérification de 32.154 bulletins de vote contestés. José Mugica est le net favori du second tour, fixé au 29 novembre.



© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne