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RÉSOLUTION DE 3 GROUPES REPRÉSENTANT 55% DES EURODÉPUTÉS Venezuela: "dérive autoritaire inquiétante" de Chavez selon le Parlement européen
STRASBOURG, vendredi 8 mai 2009 (LatinReporters.com) - Une
"dérive autoritaire inquiétante" attribuée au
président du Venezuela, Hugo Chavez, est dénoncée dans
une résolution adoptée le 7 mai à Strasbourg par le
Parlement européen. Ce dernier "fait part de ses très vives inquiétudes
devant la dégradation de la situation et de la qualité de la démocratie au
Venezuela, laquelle court un grave risque d'effondrement en raison de la concentration
du pouvoir et de l'autoritarisme croissant de la part du président
de la République". La résolution émane de trois
groupes totalisant 433 parlementaires, soit 55% des 785 eurodéputés.
Le texte a été adopté par 27 voix pour, 1 contre et aucune abstention. Ce vote dans l'après-midi du 7 mai, dans un hémicycle quasi déserté, fut l'ultime de la dernière session plénière du Parlement européen avant les élections européennes du 7 juin. Au-delà d'un vote de fin de législature et de fin de journée, si peu nourri qu'il pourrait faire sourire (les europarlementaires sont toujours pressés de quitter Strasbourg), l'important est la majorité absolue que représentent les trois groupes de centre droit et de droite auteurs de la résolution désormais assumée par le Parlement, à savoir le Parti populaire européen - Démocrates européens (PPE-DE, 288 députés), l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE, 101 députés), ainsi que l'Union pour l'Europe des nations (UEN, 44 députés). Le matin du même 7 mai, la session plénière du Parlement européen avait adopté par 429 voix pour, 36 contre et 55 abstentions le rapport annuel (2008) sur les droits de l'homme dans le monde élaboré par l'eurodéputé socialiste espagnol Raimon Obiols i Germa. Le rapport critique notamment le Venezuela et le Nicaragua pour des attaques contre des organisations de défense des droits humains et Cuba pour le traitement appliqué à ses dissidents. "Persécution politique et pénale de l'opposition" La résolution des groupes PPE-DE, ADLE et UEN, devenue donc résolution du Parlement européen, dénonce ce qu'elle appelle "la situation politique tendue qui règne au Venezuela, pays qui connaît ces derniers temps une dérive autoritaire inquiétante, qui se traduit par le harcèlement, la menace, l'intimidation et la persécution politique et pénale de l'opposition, de ses maires et de ses gouverneurs élus démocratiquement, du mouvement estudiantin et des journalistes, et qui implique la modification des règles du jeu démocratique, l'absence absolue d'indépendance des différents pouvoirs étatiques et le faible respect des lois et de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela". La résolution considère longuement "le cas de l'ancien candidat à la présidence, ancien gouverneur de l'Etat de Zulia et maire actuel, démocratiquement élu, de la ville de Maracaibo, Manuel Rosales, chef de l'opposition, que le président Chavez a menacé publiquement à plusieurs reprises d'incarcérer, situation qui a abouti en fin de compte à l'ouverture d'un procès à partir d'une plainte déposée en 2004 relative à une divergence supposée dans sa déclaration de revenus lorsqu'il était gouverneur de l'Etat de Zulia, procès qui, par ailleurs, présente toutes les apparences d'un cas manifeste de persécution politique, car ni les règles procédurales pertinentes ni les garanties juridictionnelles voulues ne sont respectées, et dont l'issue inéluctable est une condamnation manifestement politique". "Manuel Rosales a demandé, en raison de la persécution politique qu'il subit, l'asile politique à la République du Pérou, lequel asile lui a été accordé par les autorités de ce pays, sur la base des aspects politiques et humanitaires de l'affaire, ce qui a conduit le Venezuela à rappeler immédiatement son ambassadeur au Pérou" rappelle la résolution. Dans cette résolution devenue sienne, le Parlement européen note aussi que "le général en retraite Raul Isaias Baduel, ministre de la défense du Président Chavez jusqu'à il n'y a pas si longtemps, qui a depuis rejoint les rangs de l'opposition, a été arrêté le 2 avril 2009 après avoir été menacé d'un pistolet par des agents des services du renseignement militaire et accusé, vu son appartenance actuelle à l'opposition, d'un détournement présumé de fonds des forces armées alors qu'il était ministre de la défense". Est aussi dénoncé le sort d'une autre importante personnalité de l'opposition, le maire de Caracas, Antonio Ledezma, lequel, "élu démocratiquement le 23 novembre 2008, n'a pas pu prendre ses fonctions de maire, étant donné que les bâtiments de la mairie de Caracas, au Palais du gouvernement, ont été occupés illégalement par les "cercles bolivariens" sans que le ministère de l'intérieur vénézuélien n'ait jusqu'à présent daigné les déloger". La résolution ajoute que "le président Chavez a fait adopter dernièrement une loi concernant le district de la capitale qui vise directement les compétences du maire, prévoyant la nomination discrétionnaire par le président de la République d'un haut fonctionnaire comme chef du gouvernement de Caracas, dont dépendra automatiquement le maire de Caracas". Le Parlement européen s'insurge aussi, dans la résolution, contre l'occupation militaire "en mars 2009, sur ordre du président de la République, de nombreux ports et aéroports situés la plupart dans les régions dirigées par des opposants, comme suite à une loi qui rendait au gouvernement vénézuélien la gestion de telles infrastructures". Cette mesure viserait à "limiter l'assise financière des adversaires politiques et les étrangler économiquement". La résolution reproche encore au président Chavez d'avoir "imposé un deuxième référendum, en février 2009, pour faire approuver la réélection indéfinie du président et de tous les responsables publics élus, bien qu'il ait perdu le référendum sur la réforme constitutionnelle qui prévoyait cette même mesure en décembre 2007". Il s'agirait d'une "violation de la Constitution vénézuélienne qui interdit de représenter un même projet de réforme au cours de la même législature parlementaire". Le Parlement européen appelle Hugo Chavez à "respecter l'état de droit" Vu les considérations précédentes, la résolution, et avec elle le Parlement européen, "fait part de ses très vives inquiétudes devant la dégradation de la situation et de la qualité de la démocratie au Venezuela, laquelle court un grave risque d'effondrement en raison de la concentration du pouvoir et de l'autoritarisme croissant de la part du président de la République". Le Parlement européen "assure de sa solidarité toutes les personnes aux prises avec la persécution politique au Venezuela, laquelle persécution est symbolisée aujourd'hui par Manuel Rosales; se félicite de la décision prise par le gouvernement péruvien d'accorder l'asile politique à Manuel Rosales; rejette sans ambages la menace, la violence, l'abus de pouvoir, l'insulte et le recours aux organes judiciaires comme moyens d'action politique visant à intimider et à éliminer les adversaires". Il est aussi rappelé au président Hugo Chavez que "conformément à la charte démocratique interaméricaine de l'Organisation des États américains, il doit exister également, dans une démocratie, aux côtés de la légitimité originaire incontestée, confortée et obtenue par les urnes, ... une légitimité de l'exercice du pouvoir qui doit être cautionnée par le respect des règles du jeu préétablies, de la Constitution en vigueur, des lois et de l'état de droit". Enfin, le Parlement européen "lance un appel aux autorités du pays [le Venezuela], et notamment au président de la République [Hugo Chavez], afin qu'il oriente son action politique vers le dialogue, le respect de l'état de droit et de la légalité constitutionnelle, la tolérance à l'égard des adversaires politiques, pour que puissent s'exprimer et être représentées valablement dans la vie publique les différentes options politiques pour lesquelles la société vénézuélienne s'est exprimée". RÉACTION DE HUGO CHAVEZ Il qualifie d'"ordure" la résolution européenne CARACAS, vendredi 8 mai 2009 (LatinReporters) - Réagissant jeudi soir à Caracas en direct sur la chaîne publique de télévision VTV, le président vénézuélien Hugo Chavez a qualifié d'"ordure" la résolution adoptée quelques heures plus tôt à Strasbourg par le Parlement européen, qui dénonçait la "dérive autoritaire inquiétante" au Venezuela et la "persécution politique" de l'opposition. (Article ci-dessus). "En guise de commentaire sur cette ordure de document", le président Chavez a évoqué les idéaux de souveraineté nationale et de construction de la "patrie" qu'il dit défendre aujourd'hui comme les défendaient autrefois les héros de l'indépendance des pays d'Amérique latine. Il a avertit ses opposants qu'ils pouvaient aller chercher appui et "crier au Parlement européen" et "où ils en ont envie", mais que cela n'arrêterait pas le processus de changements socialistes au Venezuela. "Le Parlement européen ou la droite européenne ne nous importent pas. Ici, nous sommes libres et cela nous est égal" a ajouté Hugo Chavez. Des sources diplomatiques vénézuéliennes ont pour leur part rejeté "énergiquement" la résolution du Parlement européen, l'accusant de "méconnaître la légalité" des actions en justice menées au Venezuela contre des opposants au président Chavez. "La droite et l'extrême droite du Parlement européen prétendent convertir des corrompus en persécutés politiques" estiment les mêmes sources. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |