Nouvelle majorité parlementaire confrontée au président Maduro
Venezuela: «réversibilité des expropriations» chavistes, annonce l'opposition
CARACAS, dimanche 13 décembrre 2015 (LatinReporters.com) – « Réversibilité des expropriations » chavistes, élimination de « la manipulation idéologique » des aides sociales, indépendance des médias publics et amnistie des « prisonniers politiques » sont, parmi d'autres mesures, au menu de « l'offre législative » de l'opposition, victorieuse aux élections du 6 décembre au Venezuela.
Les résultats définitifs officiels du scrutin octroient 56,2 % des suffrages et 112 des 167 députés de l'Assemblée nationale monocamérale, soit la majorité qualifiée des deux tiers, à l'opposition réunie au sein de la plate-forme Table de l'unité démocratique (MUD). Subissant sa première défaite parlementaire en 16 ans de « révolution bolivarienne » instaurée en 1999 par Hugo Chávez, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro est crédité de 40,8 % des votes et 55 élus. Après avoir reconnu sa défaite, le chef de l'État l'a attribuée à une « guerre économique » menée par « le capitalisme sauvage » et il a annoncé son intention de lancer « une nouvelle étape de la révolution » pour s'opposer à « la droite fasciste contre-révolutionnaire qui a obtenu un succès électoral ». « Ce n'est pas le moment de la cohabitation » (entre le législatif et l'exécutif présidentiel) a précisé Nicolas Maduro, pourtant jugé responsable de son échec par au moins deux anciens ministres d'Hugo Chavez. Référendum révocatoire C'est dans ce climat de guérilla institutionnelle que la nouvelle législature s'ouvrira le 5 janvier prochain pour une durée de cinq ans. La majorité stratégique des deux tiers de la MUD lui permettrait théoriquement d'amender ou abroger les lois fondamentales du chavisme, de convoquer des référendums, notamment sur des traités internationaux, de réviser la Constitution et même de convoquer une Assemblée constituante. En outre, l'opposition pourrait être tentée de promouvoir un référendum révocatoire qui destituerait Nicolas Maduro, élu pour la période 2013-2019, et permettrait une élection présidentielle anticipée. Les votes pour la révocation devraient alors égaler ou surpasser les 7.587.579 suffrages qui portèrent Nicolas Maduro à la présidence en avril 2013. Les 7.707.422 voix engrangées par l'opposition aux législatives du 6 décembre dernier indiquent que ce serait possible, mais avec une marge relativement étroite qui ne garantirait pas d'avance le succès de l'opération. Le référendum révocatoire n'est toutefois pas au menu de « l'offre législative pour le changement » que les 112 députés de la MUD et le site Internet de leur plate-forme ont présenté vendredi. « Réversibilité des expropriations » … pour ne pas dire dénationalisation ? Un point de cette « offre législative » peu commenté jusqu'à présent, quoique voué à nourrir la belligérance entre législatif et exécutif, est une loi de « réversibilité des expropriations ». Il s'agit, explique la MUD, « d'établir les conditions et garanties afin que les investisseurs dont les entreprises ont été expropriées ou soumises à intervention puissent les réactiver rapidement » en bénéficiant « d'encouragements fiscaux et d'accords d'indemnisation ». « L'idée est la réactivation d'entreprises dans des secteurs essentiels tels que l'alimentation, les médicaments, les produits de nettoyage ménagers et d'hygiène personnelle » précise l'opposition, soucieuse de remédier aux pénuries qui affligent les Vénézuéliens. Dans le même registre, la MUD propose aussi une « loi cadre de croissance de la productivité ». Cette loi « laisserait sans effet la déclaration d'utilité publique qui met en danger la propriété des actifs des chefs d'entreprises privées et ordonnerait la révision de toutes les lois qui établissent des compétences discrétionnaires pour exproprier, soumettre à intervention ou occuper des entreprises ». Le Venezuela pourrait donc bientôt être agité par la dénationalisation, quoique l'opposition ne s'aventure pas à prononcer ouvertement ce mot dans son « offre législative ». Le géant public Petróleos de Venezuela SA (PDVSA) sera-t-il mêlé à cette bataille ? Le président Maduro, qui dispose encore de larges prérogatives, peut saisir la Salle constitutionnelle du Tribunal suprême pour freiner ou torpiller des lois qu'il accuserait de piétiner des garanties constitutionnelles, par exemple en matière sociale. Or, l'Assemblée nationale, dominée par les partisans de Nicolas Maduro jusqu'à la veille du 5 janvier prochain, pourrait renforcer l'influence de l'exécutif au sein du Tribunal suprême en y nommant dans les prochains jours une dizaine de magistrats prochavistes. L'amnistie des « prisonniers politiques » Les embûches auxquelles sera confronté le travail législatif de l'opposition sont très perceptibles si l'on considère sa promesse de « loi d'amnistie générale », qui offrirait la liberté aux 75 opposants que la MUD appelle « prisonniers politiques ». Parmi eux, le leader du parti Volonté populaire, Leopoldo Lopez, condamné à près de 14 ans de prison pour avoir inspiré les manifestations antigouvernementales qui firent 43 morts au premier semestre de 2014. Le président Maduro prétend que Leopoldo Lopez est coupable de « délits de lèse-humanité » et de « violations graves des droits de l'homme », dont l'amnistie serait inconstitutionnelle, car expressément prohibée par l'article 29 de la Charte fondamentale. Dans sa composition actuelle, la Salle constitutionnelle du Tribunal suprême trancherait probablement en faveur de Nicolas Maduro. Sur le site internet prochaviste aporrea.org, Víctor Álvarez Rodríguez, ex-ministre des Industries de base et des Mines sous Hugo Chávez, a invité l'opposition et le gouvernement de Nicolas Maduro à nouer un « dialogue politique en vue d'un accord sur un gouvernement d'unité nationale, avec un programme de base qui stoppe la détérioration » de l'économie. Au préalable, il faudrait sans doute que les contradictions entre modérés et radicaux s'apaisent tant au sein du chavisme que parmi l'opposition. |