NEW YORK, jeudi 17 décembre 2009 (LatinReporters.com) -
Trois experts indépendants auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU) se sont
déclarés profondément troublés le 16 décembre par l'arrestation
controversée d'une juge au Venezuela rapporte à New York le Service d'information
de l'ONU. Ces experts estiment qu'il s'agit "d'un coup porté par le président Hugo Chavez
à l'indépendance des juges et des avocats dans le pays".
La juge Maria Lourdes Afiuni a été arrêtée par
la police du renseignement après avoir ordonné la libération
conditionnelle d'Eligio Cedeno en attente de son procès.
La détention de M. Cedeno, un banquier, avait été qualifiée d'arbitraire
par le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire le 1er
septembre dernier. Son équipe d'avocats avait introduit l'avis du groupe
d'experts de l'ONU lors d'une audience devant la juge Afiuni le 10 décembre
2009, ce qui avait entraîné sa libération conditionnelle
après près de trois ans de détention sans procès.
"Nous sommes particulièrement troublés par les allégations
selon lesquelles le président Hugo Chavez a attaqué à
la fois M. Cedeno et la Juge Afiuni, les qualifiant de bandits et accusant
la juge Afiuni de corruption", ont souligné les trois experts dans
un communiqué.
Ces trois experts sont le président-rapporteur du Groupe de travail
sur la détention arbitraire, El Hadji Makick Sow, la rapporteuse spéciale
sur l'indépendance des juges et des avocats, Gabriela Carina Knaul
de Albuquerque e Silva, et la rapporteuse spéciale sur la situation
des défenseurs des droits de l'homme, Margaret Sekaggya.
Lors d'une apparition télévisée, le président
vénézuélien a demandé que la Juge Afiuni soit
condamnée à 30 ans de prison. Il a donné instruction
au ministre de la Justice et au président de la Cour suprême
de punir la juge aussi sévèrement que possible.
"Exercer des représailles contre ceux qui exercent des fonctions
garanties par la Constitution et créer un climat de peur au sein de
la profession des juges et des avocats n'a pour seul objectif que de saper
l'Etat de droit et de faire obstruction à la justice" ont déclaré
les trois experts. "La libération immédiate et sans condition
de la juge Afiuni est impérative" ont-ils ajouté.
La juge Afiuni a été inculpée notamment de corruption
et d'abus de pouvoir. On lui a refusé un avocat. Les avocats vénézuéliens
de M. Cedeno sont également menacés d'arrestation. Ce dernier
est accusé d'avoir violé la loi sur les transactions en devises.
En juin dernier, le Parlement européen dénonçait
"la dérive autoritaire inquiétante" du président Hugo
Chavez et soulignait de manière détaillée son utilisation
de la justice comme instrument de persécution politique d'opposants.
Le dernier rapport
annuel, portant sur l'année 2008, de la Commission
interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) dénonce pour
sa part, parmi diverses violations de droits et libertés au Venezuela,
"le grave danger pour l'indépendance du pouvoir judiciaire vénézuélien"
découlant de la nomination d'un grand nombre de "juges temporaires
et provisoires".
Nommés "sans que soient respectés les préceptes constitutionnels",
ces juges vivent dans une situation d'instabilité les exposant particulièrement
"à de possibles pressions indues dans l'exercice de leurs fonctions"
estime la CIDH, qui est l'une des institutions de l'Organisation des Etats
américains (OEA).