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Fin du 2e sommet de la Communauté sud-américaine des nations (CSN) Bolivie - Chavez juge peu utile le sommet sud-américain, divisé sur les modalités d'union
"Nous avons besoin d'un viagra politique!" s'est exclamé Hugo Chavez. Selon lui, "on prend des décisions, mais nous n'avons pas le pouvoir de les faire exécuter; elles se réduisent à des tonnes de papier, car la Communauté sud-américaine n'a ni forme ni structure". Et de qualifier la Déclaration de Cochabamba, document final du sommet, de "nouvelle déclaration aérienne que, je le parie, beaucoup n'ont même pas lue". Le bouillant vénézuélien avait proposé la création d'un secrétariat général, mais le sommet s'est clôturé sans même en débattre. Deux ans après avoir été lancée à Cuzco (Pérou), la CSN n'a toujours pas de personnalité juridique. Elle n'a été dotée à Cochabamba que d'une Commission de hauts fonctionnaires qui poursuivra pendant un an à Rio de Janeiro la réflexion sur les multiples facettes de l'intégration continentale. Confirmée par un premier sommet des chefs d'Etat, en septembre 2005 à Brasilia, l'ambition originelle est pourtant grandiose. Il s'agit en principe d'unifier politiquement et économiquement l'Amérique du Sud, de la doter d'un Parlement et d'une monnaie en s'inspirant de la longue marche de l'Union européenne. Cette intégration pourrait résulter de la convergence progressive de deux blocs existants, le Mercosur (marché commun regroupant Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Venezuela) et la Communauté andine des nations (la CAN, qui réduit les barrières douanières entre Colombie, Pérou, Equateur et Bolivie). Avec aussi le Chili, le Surinam et le Guyana, la CSN comprend la totalité des douze pays qui forment l'Amérique du Sud, soit 377 millions d'habitants sur 17,6 millions de km². Dix de ces douze pays et les huit présidents venus au sommet de Cochabamba relèvent tous de la nouvelle gauche sud-américaine, mais les affinités idéologiques sont teintées de nuances et de choix économiques divergents qui compliquent l'intégration. Amphitryon du sommet, le Bolivien Evo Morales a été contredit lors du sommet devant ses pairs par le Vénézuélien Hugo Chavez qu'il invitait à réintégrer la CAN (dont Chavez claqua la porte en avril) sans abandonner le Mercosur. Le président Morales juge les deux organismes utiles à l'intégration continentale. "Tu m'obliges à le dire, mais, avec tout mon respect, je crois que la CAN ne sert à rien et le Mercosur non plus" a répondu Chavez. Le président vénézuélien croit que tant la CAN que le Mercosur devraient être "reformatés" au profit des peuples. Il a proposé, sans obtenir de réponse jusqu'à présent, "la désignation d'un groupe de choc, d'un commando de présidents pour mettre cela [les projets d'intégration] en forme et en rendre compte ensuite à nos collègues". Le président social-démocrate du Pérou, Alan Garcia, justifia la signature de traités de libre-échange, tel celui signé par Lima avec Washington, en soulignant que les pays qui ne disposent pas de matières premières suffisantes [allusion indirecte à la richesse pétrolière du Venezuela; ndlr] doivent élaborer des produits pour lesquels il faut trouver des marchés. En avril dernier, les accords de libre-échange conclus avec les Etats-Unis par le Pérou et la Colombie furent invoqués par Hugo Chavez pour justifier sa sortie de la Communauté andine. Le président vénézuélien soutint en outre ouvertement l'ex-officier putschiste Ollanta Humala, candidat à la présidence du Pérou, avant l'élection présidentielle gagnée au second tour par Alan Garcia le 4 juin dernier. Alors gelées, les relations diplomatiques entre Lima et Caracas seront peut-être réactivées après la réconciliation personnelle -mais non idéologique- de Chavez et Garcia à Cochabamba. "La globalisation est une réalité" qui bénéficie aux nations qui savent la gérer nota pour sa part en substance la socialiste Michelle Bachelet, présidente du Chili. Depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet, son pays a noué des accords de libre-échange tant avec les Etats-Unis qu'avec l'Union européenne, l'Association européenne de libre-échange, la Corée du Sud, la Chine et bientôt avec le Japon, le Vietnam et l'Inde. Principal promoteur de la Communauté sud-américaine des nations qui consacrerait son ambition de puissance continentale, le Brésil joua à Cochabamba le rôle d'arbitre par la voix de son président socialiste Luiz Inacio Lula da Silva. Regardant Hugo Chavez pour répondre à ses critiques, Lula déclara: "Nous n'avons pas le droit d'échouer. Je suis convaincu que sans une authentique intégration politique, l'Amérique latine [donc pas seulement l'Amérique du Sud; ndlr] ne s'en sortira pas. Et nous ne pouvons pas attendre 50 ans comme le fit la Communauté européenne". Sur proposition de Lula, le sommet décida de soutenir la ville de Cochabamba comme siège d'un éventuel et futur parlement sud-américain. Une initiative qui mit du baume au coeur d'Evo Morales, pris à contre-pied par son allié Hugo Chavez et dont le sommet social qu'il avait organisé parallèlement au sommet politique est quasi ignoré par la Déclaration de Cochabamba. Ce 2e sommet de la CSN n'entrera pas dans l'Histoire. Plus homogène dans les domaines linguistique, culturel et confessionnel que l'Union européenne, mobilisée par la volonté de combattre la pauvreté omniprésente et de s'affranchir d'une dépendance excessive des Etats-Unis (sans nécessairement les maudire comme Hugo Chavez), l'Amérique du Sud voit son intégration freinée par les divisions, même au sein de ses gauches, sur le modèle de société. En Europe, le consensus sur l'économie sociale de marché a favorisé l'aventure communautaire.
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