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Bolivie, Pérou, Colombie, Equateur et Venezuela concernés
Communauté andine (CAN) en crise: retrait du Venezuela annoncé par Chavez
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Hugo Chavez, président du Venezuela © Photo Norma Domínguez |
ASUNCION / LIMA, samedi 22 avril 2006 (LatinReporters.com)
- Les préoccupations politico-économiques ont succédé
à la surprise en Amérique du Sud après l'annonce par
le président Hugo Chavez du Venezuela du retrait de son pays de la
Communauté andine de nations (CAN), dont sont membres aussi la Bolivie, le Pérou, la Colombie et l'Equateur.
"La Communauté andine de nations est morte. Ils l'ont tuée.
Le Venezuela s'en retire"
déclarait le 19 avril à Asuncion le
président Chavez devant ses homologues du
Paraguay (Nicanor Duarte),
d'Uruguay (Tabaré Vazquez) et
de Bolivie (Evo Morales), réunis
autour d'un projet de gazoduc qui relierait ces trois derniers pays à partir
des gisements de gaz naturel du Sud bolivien.
Marqué politiquement par son antiaméricanisme et son alliance
avec le régime cubain de
Fidel Castro,
le président vénézuélien
a affirmé que la CAN "sert les élites, les multinationales,
mais non les Indiens ni les noirs ni les blancs ni les pauvres". Il a estimé
que les traités de libre-échange signés cette année
avec les Etats-Unis par la
Colombie
(le 27 février) et par le
Pérou
(le 12 avril) auraient donné le coup de grâce à la Communauté
andine. [NDLR; l'Equateur
à son tour tente de finaliser la négociation avec Washington d'un traité similaire].
Paradoxalement, Hugo Chavez est en principe jusqu'en juin prochain le
président en exercice de la CAN, selon la norme de rotation annuelle. Par ailleurs,
le pouvoir d'achat que confère au Venezuela sa manne pétrolière est
un stimulant important de l'économie de la Communauté andine.
A Asuncion, Hugo Chavez a réaffirmé qu'il mise désormais
sur le Mercosur, le marché commun sud-américain créé
par le Brésil,
l'Argentine,
le Paraguay et l'Uruguay. Mais même le Mercosur devrait, selon M. Chavez, "être
restructuré à fond".
L'adhésion du Venezuela au Mercosur était signée le
9 décembre 2005 à Montevideo. Elle ne sera effective et assortie
du droit de vote qu'après plusieurs mois encore d'adaptation aux règles
communes de ce bloc. "Il faut aller au socialisme pour sauver nos peuples
de l'abîme" clamait à l'époque Hugo Chavez avant la cérémonie
de signature.
Née en 1969, la CAN et ses 120 millions d'habitants forment une zone
de libre-échange imparfaite avec une barrière douanière
extérieure commune de 13,6% en moyenne. Elle représente le
tiers du commerce sud-américain. Les exportations intracommunautaires
des cinq pays de la CAN s'élevaient à 8,9 milliards de dollars
en 2005 (+ 21% par rapport à 2004). Les Etats-Unis absorbent plus
de 40% de leurs exportations extracommunautaires.
Un processus de convergence basé sur le libre-échange rapproche
graduellement la CAN et le Mercosur, avec pour toile de fond l'ambitieuse
Communauté
sud-américaine de nations ébauchée
en décembre 2004 à Cuzco par les 12 pays d'Amérique
du Sud.
La CAN souhaite aussi signer un accord d'association avec l'Union européenne.
Précisément, le coup de tonnerre lancé par le président
vénézuélien Hugo Chavez a surpris le secrétaire
général de la CAN, le Péruvien Allan Wagner, en plein
séjour de travail à Bruxelles dans les bureaux de la Commission
européenne. M. Wagner envisage un sommet des chefs d'Etat de la Communauté
andine pour endiguer la crise ouverte par M. Chavez.
Au Pérou et en Bolivie, les alliés d'Hugo Chavez sur la défensive
Au Pérou, dont la capitale abrite le siège de la CAN, la décision
d'Hugo Chavez risque d'avoir des conséquences électorales immédiates.
Le second tour de l'élection présidentielle aura lieu fin mai
ou début juin. Tant le vainqueur du premier tour, le nationaliste
Ollanta Humala, que son adversaire probable du second tour, le social-démocrate
Alan Garcia, ont regretté l'annonce de l'abandon de la CAN par le
Venezuela.
Cette crise gêne manifestement Ollanta Humala, proche d'Hugo Chavez
qui lui exprimait publiquement son soutien en janvier dernier. Alan Garcia
l'a compris. Visant indirectement Humala, il traite le vénézuélien
Chavez "d'antibolivarien", car il "tue pour la seconde fois le libertador
Simon Bolivar", héros au 19e siècle d'une indépendance
sud-américaine axée sur l'union des républiques andines.
[NDLR; depuis 1999, sur décision d'Hugo Chavez, le Venezuela est officiellement
la "République bolivarienne du Venezuela"].
Un autre allié du président vénézuélien,
l'Amérindien Evo Morales, président de la Bolivie, est lui
aussi sur la défensive. Il avait appuyé à Asuncion, s'en
prenant aux "gouvernements de désintégration", les attaques
d'Hugo Chavez contre les signataires de traités de libre-échange avec les
Etats-Unis.
Mais les organisations patronales boliviennes affirment que la CAN,
ébranlée par le partenaire idéologique d'Evo Morales,
absorbe 17% des exportations nationales et que la balance commerciale de
la Bolivie avec cette zone est positive depuis plusieurs années. Le
gouvernement de La Paz est en conséquence prié, tant par le
patronat que par divers médias, de lutter pour la survie de la
Communauté andine.
Evo Morales, qui devrait succéder en juin à Hugo Chavez à la
présidence de la CAN, a dénoncé à plusieurs reprises
le grave préjudice dont souffriraient les exportations de soja bolivien vers la Colombie -pays le
plus peuplé de la CAN avec 45 millions d'habitants- à cause de l'ouverture au soja
nord-américain prévu dans le traité de libre-échange conclu entre Bogota
et Washington. Le gouvernement bolivien y voit une "déloyauté" à l'égard
de la Communauté andine.
La Colombie, elle, risque de subir plus que ses partenaires l'impact de la sortie de la CAN de son voisin
vénézuélien, quoiqu'un pays abandonnant la Communauté andine
soit théoriquement tenu, selon les traités, de maintenir pendant
cinq ans avec les pays membres les avantages du libre-échange intracommunautaire.
Avec 2,1 milliards de dollars d'exportations vers le Venezuela en 2005 contre
1,02 milliard de dollars d'importations, la balance commerciale bilatérale
est largement favorable à la Colombie. On estime que ces échanges
font vivre dans les deux pays un total d'un million de travailleurs.
Le gouvernement de Bogota tente d'organiser d'urgence une rencontre entre
Hugo Chavez et le président colombien Alvaro Uribe, qui briguera sa
réélection le 28 mai. Difficile d'évaluer si la crise
de la CAN influera aussi sur cette élection présidentielle.
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