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Déclarations sur le modèle cubain, le péril nucléaire et le Moyen-Orient
Cuba - Choisir son Fidel Castro: le repenti ou le révolutionnaire de toujours?

MADRID, dimanche 12 septembre 2010 (LatinReporters.com) - Comment préférez-vous Fidel Castro? Défenseur du peuple juif et repenti d'avoir imposé un modèle social auquel, à 84 ans, il ne croirait enfin plus ou toujours aussi révolutionnaire, antiaméricain et pro-palestinien? A quelques jours d'intervalle, deux sources dignes de foi ont brossé successivement ces deux portraits antagonistes. D'abord le journaliste américain Jeffrey Goldberg, invité à Cuba par l'historique Comandante. Puis Castro lui-même, qui a corrigé Goldberg, sans pourtant le démentir.

"Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous" (Fidel Castro)

"Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous"...! déclarait début septembre à La Havane Fidel Castro. Il répondait à son invité Jeffrey Goldberg, qui venait de lui demander si le modèle cubain valait encore la peine d'être exporté. Ce journaliste américain publiait les 8 et 9 septembre sur le site Internet de la revue The Atlantic les premiers comptes rendus de ses entretiens des jours précédents avec Fidel Castro.

L'apparent et inattendu verdict ou repentir historique de Fidel sur le modèle cubain surprit son intervieweur, au point qu'il sollicita l'interprétation de son accompagnatrice, Julia Sweig, directrice des études sur l'Amérique latine au Council on Foreing Relations, le plus influent think tank des Etats-Unis en matière de politique étrangère. Cette experte réduisit aux seuls aspects économiques du régime cubain le scepticisme supposé de Fidel Castro.

"Il [Fidel Castro] n'a pas rejeté les idées de la Révolution. Je l'ai prise [la phrase de Fidel] comme une reconnaissance que, dans le modèle cubain, l'Etat a un rôle beaucoup trop important dans la vie économique du pays" interpréta Julia Sweig, citée par Jeffrey Goldberg. Elle souligna que Fidel semblait vouloir ainsi faciliter à son frère cadet Raul, actuel président de Cuba, la mise oeuvre de réformes nécessaires auxquelles s'opposeraient la bureaucratie et les orthodoxes du Parti communiste cubain.

Cette opinion de Julia Sweig fut répercutée et souvent partagée par de nombreux médias occidentaux. Fidel, perçu jusqu'alors comme le principal rempart de l'immobilisme, était soudain rangé parmi les partisans d'une évolution mesurée centrée sur l'économie cubaine. Depuis le discours du 10 septembre de Fidel Castro à l'Université de La Havane, rien n'est moins sûr.

A propos des avertissements répétés de Fidel Castro sur les menaces d'une guerre nucléaire qu'aviveraient les tensions entre l'Occident et l'Iran, Jeffrey Goldberg lui demanda si ses craintes découlaient de sa propre expérience vécue lors de la crise des missiles de Cuba, en 1962.

Jeffrey Goldberg expliquait dans son article que l'Union soviétique et les Etats-Unis furent alors au bord de la guerre à cause de l'installation à Cuba, sur invitation de Fidel Castro, de missiles russes à tête nucléaire. Le journaliste dit avoir rappelé à l'ex-président cubain sa lettre adressée au leader soviétique Nikita Khrouchtchev, au moment le plus aigu de la crise, lui recommandant de considérer une frappe nucléaire contre les Etats-Unis si les Américains attaquaient Cuba. Selon Jeffrey Goldberg, Fidel Castro écrivit à l'époque que "ce serait le moment de songer à liquider pour toujours ce danger en utilisant un droit légal d'auto-défense".

"A un certain moment, cela vous semblait logique de recommander que les Soviétiques bombardent les Etats-Unis. Ce que vous recommandiez vous paraît-il encore logique maintenant?" insista le journaliste américain, reformulant en quelque sorte sa question sur l'expérience tirée par Fidel Castro de la crise des missiles.

La réponse du leader cubain, "Après avoir vu ce que j'ai vu et sachant ce que je sais maintenant, cela n'en valait pas du tout la peine", a pu être perçue par des lecteurs du compte-rendu de Jeffrey Goldberg, lequel aurait constaté "les regrets" de Castro, comme un mea culpa du Lider maximo sur les risques qu'il fit courir à la planète en 1962.

Le journaliste américain relevait aussi les critiques adressées par Fidel Castro au président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour ses déclarations antisémites et sa négation de l'holocauste. L'ex-président cubain lui a demandé de "ne plus diffamer les juifs", estimant que Téhéran servirait mieux la cause de la paix en essayant de comprendre pourquoi les Israéliens craignent pour leur existence.

Le gouvernement iranien devrait comprendre que les juifs "furent chassés de leur pays, persécutés et maltraités partout dans le monde (...) Les juifs ont vécu une existence beaucoup plus dure que la nôtre. Rien n'est comparable à l'holocauste" a affirmé Fidel Castro, toujours cité par le journaliste américain.///
"C'est le système capitaliste qui ne sert plus" (... l'autre Fidel Castro)

Présentant le 10 septembre à l'Université de La Havane son livre intitulé "De la Sierra Maestra a Santiago de Cuba: La contraofensiva estratégica", Fidel Castro évoqua ses entretiens des jours précédents avec le "grand journaliste" [sic] américain Jeffrey Goldberg. L'ex-président cubain a confirmé avoir prononcé la phrase "Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous", mais il a réfuté, quoique de manière peu cartésienne, l'interprétation qui en a été faite.

Propos de Fidel Castro (10 septembre 2010) :

MODÈLE CUBAIN
"Goldberg relate: "Je lui ai demandé si le modèle cubain valait encore la peine d'être exporté". Il est évident que cette question soutenait implicitement la théorie que Cuba exportait la Révolution. Je lui ai répondu: "Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous". Je le lui ai dit sans amertume ni préoccupation. Je m'amuse maintenant en voyant qu'il l'interpréta au pied de la lettre et qu'il consulta, dit-il, Julia Sweig, analyste du CFR [Council on Foreing Relations] qui l'accompagnait, pour élaborer la théorie qu'il a exposée. Mais en réalité, ma réponse signifiait exactement le contraire de l'interprétation des deux journalistes nord-américains à propos du modèle cubain.

Mon idée, que tout le monde connaît, est que le système capitaliste ne sert plus ni aux Etats-Unis ni dans le monde, qu'il conduit de crise en crise, chaque fois plus graves, globales et répétées, crises auxquelles il [le système capitaliste] ne peut échapper. Comment un tel système pourrait-il être utile à un pays socialiste comme Cuba?"


JUIFS, ARABES, MOYEN-ORIENT
"Beaucoup d'amis arabes, après avoir appris que je m'étais entretenu avec Goldberg, se préoccupèrent et envoyèrent des messages le présentant comme le plus grand défenseur du sionisme (...)

J'ai toujours condamné l'Holocauste (...) Je n'ai jamais été un ennemi du peuple hébreu, dont j'admire la capacité de résistance, depuis deux mille ans, à la dispersion et aux persécutions. (...)

Ils [les juifs] ne furent pas les seuls à être poursuivis et calomniés pour leurs croyances. Les musulmans, pendant plus de 12 siècles, furent attaqués et poursuivis par les chrétiens européens, à cause de leurs croyances, comme l'avaient été les premiers chrétiens dans la Rome antique. (...)

Elles sont effrayantes les images qui viennent du Moyen-Orient où les Palestiniens sont privés de leurs terres, leurs maisons sont démolies par de monstrueuses machines et hommes, femmes et enfants sont bombardés avec du phosphore vif et d'autres moyens d'extermination; ainsi que les scènes dantesques de familles exterminées par les bombes lancées sur les villages afghans et pakistanais par des avions sans pilote; et les Irakiens, qui meurent après des années de guerre, plus d'un million de vies sacrifiées dans ce combat imposé par un président des Etats Unis".


NUCLÉAIRE IRANIEN
Après avoir critiqué, dans ses entretiens avec le journaliste Jeffrey Goldberg, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour ses déclarations antisémites et sa négation de l'holocauste, Fidel Castro a pris le 10 septembre la défense de l'Iran face aux Etats-Unis et ses alliés occidentaux. Il a estimé que c'est "à des fins médicales et de production d'énergie électrique" que Téhéran enrichit de l'uranium. "La crainte que l'Iran cherche à produire des armes nucléaires n'est qu'une supposition" selon Fidel Castro.

CRISE DES MISSILES DE CUBA EN 1962
Fidel Castro a confirmé, dans don discours du 10 septembre à l'Université de la Havane, qu'il était partisan, en 1962, de frapper les Etats-Unis avec des fusées russes à tête nucléaire installées à Cuba en cas d'invasion de l'île par les Américains. Jeffrey Goldberg l'affirmait dans le compte rendu de ses entretiens avec l'ex-président cubain.

Dans la crise des missiles, Fidel Castro estime avoir subi "la trahison commise par un président russe saturé de substance éthylique". C'est Nikita Khrouchtchev qui est visé. Les regrets imputés dans ce dossier à Fidel Castro par Jeffrey Goldberg sembleraient donc, selon ces déclarations du 10 septembre, porter non sur le risque d'apocalypse nucléaire, mais plutôt sur le retrait des missiles russes installés à Cuba face à la détermination du président des Etats-Unis, John F. Kennedy.///

RÉFÉRENCES
- Fidel: 'Cuban Model Doesn't Even Work For Us Anymore', by Jeffrey Goldberg (The Atlantic, 8 septembre 2010)
- Fidel to Ahmadinejad: 'Stop Slandering the Jews', by Jeffrey Goldberg (The Atlantic, 7 septembre 2010)
- Mensaje de Fidel en la presentación de “La contraofensiva estratégica” (Granma, 11 septembre 2010)


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