"Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous" (Fidel Castro)
"Le modèle cubain ne fonctionne même plus pour nous"...! déclarait
début septembre à La Havane Fidel Castro. Il répondait
à son invité Jeffrey Goldberg, qui venait de lui demander si
le modèle cubain valait encore la peine d'être exporté.
Ce journaliste américain publiait les 8 et 9 septembre sur le site
Internet de la revue The Atlantic les premiers comptes rendus de ses entretiens
des jours précédents avec Fidel Castro.
L'apparent et inattendu verdict ou repentir historique de Fidel sur le modèle cubain surprit
son intervieweur, au point qu'il sollicita l'interprétation de son accompagnatrice,
Julia Sweig, directrice des études sur l'Amérique latine
au Council on Foreing Relations, le plus influent think tank des Etats-Unis
en matière de politique étrangère. Cette experte réduisit
aux seuls aspects économiques du régime cubain le scepticisme
supposé de Fidel Castro.
"Il [Fidel Castro] n'a pas rejeté les idées de la Révolution.
Je l'ai prise [la phrase de Fidel] comme une reconnaissance que, dans le
modèle cubain, l'Etat a un rôle beaucoup trop important dans
la vie économique du pays" interpréta Julia Sweig, citée
par Jeffrey Goldberg. Elle souligna que Fidel semblait vouloir ainsi faciliter à
son frère cadet Raul, actuel président de Cuba, la mise oeuvre
de réformes nécessaires auxquelles s'opposeraient la bureaucratie
et les orthodoxes du Parti communiste cubain.
Cette opinion de Julia Sweig fut répercutée et souvent partagée
par de nombreux médias occidentaux. Fidel, perçu jusqu'alors
comme le principal rempart de l'immobilisme, était soudain rangé
parmi les partisans d'une évolution mesurée centrée
sur l'économie cubaine. Depuis le discours du 10 septembre de Fidel Castro à
l'Université de La Havane, rien n'est moins sûr.
A propos des avertissements répétés de Fidel
Castro sur les menaces d'une guerre nucléaire qu'aviveraient
les tensions entre l'Occident et l'Iran, Jeffrey Goldberg lui demanda si
ses craintes découlaient de sa propre expérience vécue lors de la
crise des missiles de Cuba, en 1962.
Jeffrey Goldberg expliquait dans son article que l'Union soviétique et
les Etats-Unis furent alors au bord de la guerre à cause de l'installation
à Cuba, sur invitation de Fidel Castro, de missiles russes à
tête nucléaire. Le journaliste dit avoir rappelé à
l'ex-président cubain sa lettre adressée au leader soviétique
Nikita Khrouchtchev, au moment le plus aigu de la crise, lui recommandant
de considérer une frappe nucléaire contre les Etats-Unis si
les Américains attaquaient Cuba. Selon Jeffrey Goldberg, Fidel Castro
écrivit à l'époque que "ce serait le moment de songer
à liquider pour toujours ce danger en utilisant un droit légal
d'auto-défense".
"A un certain moment, cela vous semblait logique de recommander que les
Soviétiques bombardent les Etats-Unis. Ce que vous recommandiez vous
paraît-il encore logique maintenant?" insista le journaliste américain,
reformulant en quelque sorte sa question sur l'expérience tirée
par Fidel Castro de la crise des missiles.
La réponse du leader cubain,
"Après avoir vu ce que j'ai vu et sachant ce que je sais maintenant,
cela n'en valait pas du tout la peine", a pu être perçue par
des lecteurs du compte-rendu de Jeffrey Goldberg, lequel aurait constaté "les
regrets" de Castro, comme un mea culpa du Lider maximo sur les risques qu'il fit
courir à la planète en 1962.
Le journaliste américain relevait aussi les critiques adressées
par Fidel Castro au président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour
ses déclarations antisémites et sa négation de l'holocauste.
L'ex-président cubain lui a demandé de "ne plus diffamer les
juifs", estimant que Téhéran servirait mieux la cause de la
paix en essayant de comprendre pourquoi les Israéliens craignent pour
leur existence.
Le gouvernement iranien devrait comprendre que les juifs "furent chassés
de leur pays, persécutés et maltraités partout dans le
monde (...) Les juifs ont vécu une existence beaucoup plus dure que
la nôtre. Rien n'est comparable à l'holocauste" a affirmé
Fidel Castro, toujours cité par le journaliste américain.///
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"C'est le système capitaliste qui ne sert plus" (... l'autre Fidel Castro)
Présentant le 10 septembre à l'Université de La Havane
son livre intitulé "De la Sierra Maestra a Santiago de Cuba: La contraofensiva
estratégica", Fidel Castro évoqua ses entretiens
des jours précédents avec le "grand journaliste" [sic] américain
Jeffrey Goldberg. L'ex-président cubain a confirmé avoir
prononcé la phrase "Le modèle cubain ne fonctionne même
plus pour nous", mais il a réfuté, quoique de manière peu cartésienne,
l'interprétation qui en a été faite.
Propos de Fidel Castro (10 septembre 2010) :
MODÈLE CUBAIN
"Goldberg relate: "Je lui ai demandé si le modèle cubain
valait encore la peine d'être exporté". Il est évident
que cette question soutenait implicitement la théorie que Cuba exportait
la Révolution. Je lui ai répondu: "Le modèle cubain
ne fonctionne même plus pour nous". Je le lui ai dit sans amertume ni
préoccupation. Je m'amuse maintenant en voyant qu'il l'interpréta
au pied de la lettre et qu'il consulta, dit-il, Julia Sweig, analyste du
CFR [Council on Foreing Relations] qui l'accompagnait, pour élaborer
la théorie qu'il a exposée. Mais en réalité,
ma réponse signifiait exactement le contraire de l'interprétation
des deux journalistes nord-américains à propos du modèle
cubain.
Mon idée, que tout le monde connaît, est que le système
capitaliste ne sert plus ni aux Etats-Unis ni dans le monde, qu'il conduit
de crise en crise, chaque fois plus graves, globales et répétées,
crises auxquelles il [le système capitaliste] ne peut échapper.
Comment un tel système pourrait-il être utile à un pays
socialiste comme Cuba?"
JUIFS, ARABES, MOYEN-ORIENT
"Beaucoup d'amis arabes, après avoir appris que je m'étais
entretenu avec Goldberg, se préoccupèrent et envoyèrent
des messages le présentant comme le plus grand défenseur du
sionisme (...)
J'ai toujours condamné l'Holocauste (...) Je n'ai jamais été
un ennemi du peuple hébreu, dont j'admire la capacité
de résistance, depuis deux mille ans, à la dispersion et aux persécutions.
(...)
Ils [les juifs] ne furent pas les seuls à être poursuivis et
calomniés pour leurs croyances. Les musulmans, pendant plus de 12
siècles, furent attaqués et poursuivis par les chrétiens
européens, à cause de leurs croyances, comme l'avaient été
les premiers chrétiens dans la Rome antique. (...)
Elles sont effrayantes les images qui viennent du Moyen-Orient où
les Palestiniens sont privés de leurs terres, leurs maisons sont démolies
par de monstrueuses machines et hommes, femmes et enfants sont bombardés
avec du phosphore vif et d'autres moyens d'extermination; ainsi que les scènes
dantesques de familles exterminées par les bombes lancées sur
les villages afghans et pakistanais par des avions sans pilote; et les Irakiens,
qui meurent après des années de guerre, plus d'un million de
vies sacrifiées dans ce combat imposé par un président
des Etats Unis".
NUCLÉAIRE IRANIEN
Après avoir critiqué, dans ses entretiens avec le journaliste
Jeffrey Goldberg, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour ses
déclarations antisémites et sa négation de l'holocauste,
Fidel Castro a pris le 10 septembre la défense de l'Iran face aux
Etats-Unis et ses alliés occidentaux. Il a estimé que c'est
"à des fins médicales et de production d'énergie
électrique" que Téhéran enrichit de l'uranium. "La
crainte que l'Iran cherche à produire des armes nucléaires
n'est qu'une supposition" selon Fidel Castro.
CRISE DES MISSILES DE CUBA EN 1962
Fidel Castro a confirmé, dans don discours du 10 septembre à
l'Université de la Havane, qu'il était partisan, en 1962, de
frapper les Etats-Unis avec des fusées russes à tête
nucléaire installées à Cuba en cas d'invasion de l'île
par les Américains. Jeffrey Goldberg l'affirmait dans
le compte rendu de ses entretiens avec l'ex-président cubain.
Dans la crise des missiles, Fidel Castro estime avoir subi "la trahison commise
par un président russe saturé de substance éthylique".
C'est Nikita Khrouchtchev qui est visé. Les regrets
imputés dans ce dossier à Fidel Castro par Jeffrey Goldberg
sembleraient donc, selon ces déclarations du 10 septembre, porter
non sur le risque d'apocalypse nucléaire, mais plutôt sur le
retrait des missiles russes installés à Cuba face à
la détermination du président des Etats-Unis, John F. Kennedy.///
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