MADRID, 10 janvier 2015 (LatinReporters.com) - Avec une promesse d'investir 250 milliards de dollars en 10 ans, la Chine vient d'accroître son pouvoir de séduction sur l'Amérique latine, qui voue désormais sa priorité extérieure au géant asiatique tout en s'éloignant des États-Unis et de l'Union européenne. Il s'agit d'une nouvelle preuve des revirements de la géopolitique mondiale.
Clôturant le premier forum ministériel conjoint, la Déclaration de Pékin, signée le 9 janvier par la Chine et les 33 pays de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (Celac), a scellé un partenariat stratégique visant des objectifs politiques et économiques ambitieux.
La Celac, dont le sommet constitutif eut lieu en décembre 2011 à Caracas, fut forgée sous l'impulsion essentielle de Luiz Inácio Lula da Silva et Hugo Chávez, alors présidents, respectivement, du Brésil et du Venezuela.
L'organisation rassemble 590 millions d'habitants, soit ceux de tous les pays du continent américain, à la notable exception de deux tenus à l'écart, les États-Unis et le Canada. Cette particularité est en soi un fait politique notable.
Le forum ministériel de Pékin a lancé un Plan quinquennal de coopération (2015-2019) portant sur des secteurs essentiels tels que les infrastructures, l'énergie, l'industrie, les mines, l'agriculture, l'innovation ou les politiques sociales.
Dès l'inauguration du forum, le président chinois Xi Jinping annonça que son pays investirait ces dix prochaines années 250 milliards de dollars (210 milliards d'euros) en Amérique latine et aux Caraïbes.
Complémentarité et participation à des projets stratégiques
Jinping, qui a déjà effectué deux visites dans la région en moins de deux ans de mandat, a en outre mentionné l'objectif de hausser en dix ans le commerce bilatéral annuel à 500 milliards de dollars, le double du chiffre actuel.
La complémentarité des économies chinoise et latino-américaine facilite cet objectif.
La Chine est une consommatrice vorace des matières premières et des ressources énergétiques de l'Amérique latine, tandis qu'elle exporte des produits manufacturés et finance des projets industriels et des infrastructures dans plusieurs pays de la région.
La deuxième économie mondiale achète du soja en Argentine et au Brésil, du cuivre au Chili et au Pérou ou du pétrole au Venezuela, ainsi que de multiples autres matières premières pour satisfaire la consommation de ses plus de 1,3 milliard d'habitants.
La Chine participe aussi à des projets d'importance stratégique. L'exemple le plus récent et le plus spectaculaire est le lancement en décembre dernier au Nicaragua, par une entreprise chinoise, du percement d'un canal interocéanique qui devrait concurrencer le canal de Panama. Et au Venezuela, des capitaux chinois sont investis dans l'exploitation de la ceinture pétrolifère de l'Orénoque, considérée comme la plus grande réserve de pétrole lourd au monde.
Le forum ministériel de Pékin, rehaussé par la présence du président Xi Jinping, l'était aussi par celle des présidents Nicolás Maduro (Venezuela), Rafael Correa (Équateur) et Luis Guillermo Solis (Costa Rica). L'Équateur héritera fin janvier de la présidence annuelle de la Celac, assumée actuellement par le Costa Rica.
Le Premier ministre des Bahamas, Perry Christie, y assistait également au nom des quinze pays de la Communauté caribéenne (Caricom). Des organisations régionales telles que la Banque interaméricaine de développement (BID) ou la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) y avaient aussi leurs délégués.
États-Unis déplacés comme principal partenaire commercial
Des représentants latino-américains ont souligné que le forum de Pékin a dessiné un nouveau modèle important de coopération sud-sud, distanciant clairement les pays d'Amérique latine de leur partenaire économique traditionnel, les États-Unis.
Alors que Washington était absorbé cette dernière décennie par la politique intérieure et les conflits au Moyen-Orient, la Chine, par ses achats et ses investissements, a accru son influence en Amérique latine au point de déplacer les États-Unis comme principal partenaire commercial de l'ensemble de la région.
Il a été convenu à Pékin que le Chili accueillera en janvier 2018 le deuxième forum Chine-Celac.
Sur le plan bilatéral, le président équatorien Rafael Correa a exprimé sa volonté de renforcer en 2015 l'alliance stratégique entre la Chine et l'Équateur, qui dit avoir obtenu 7,53 milliards de dollars en prêts et ouvertures de ligne de crédit.
Le président du Venezuela, Nicolás Maduro, a affirmé pour sa part avoir conclu en Chine des accords portant sur plus de 20 milliards de dollars d'investissements. Et le ministre vénézuélien de la Défense, Vladimir Padrino López, a annoncé "l'approfondissement des relations technico-militaires" avec Pékin.