Union européenne-Amérique latine: partenariat stratégiquepar Christian Galloy
Les échanges commerciaux entre l'UE et l'ALC ont doublé
au cours des dix dernières années. En 2000, selon les statistiques
d'Eurostat, l'ALC absorbait 6% (58,2 milliards d'euros) du commerce extérieur
de l'UE et 12% de ses investissements directs, dont un tiers pour le seul
Brésil. En échange, l'Union européenne recevait 9%
des exportations totales de l'Amérique latine et des Caraïbes. Cette évolution vient d'être esquissée à Madrid, mais sans parvenir aux résultats souhaités par les partenaires latino-américains. Un demi-siècle de gestation d'une Union européenne en mutation et croissance permanentes ont donné aux chefs d'Etat du Vieux Continent une patience et une dimension temporelle auxquelles les mandataires d'Amérique latine ont quelque peine à s'adapter. Pour assurer, fût-ce lentement, l'avenir de leur "partenariat stratégique", l'UE et l'ALC ont passé à Madrid le témoin au Mexique, pays qui accueillera dans deux ans le troisième sommet réunissant ces deux groupes de pays. Premier pays d'Amérique latine lié à l'UE par un accord d'association entré en vigueur en juillet 2000, le Mexique assume ainsi un rôle important, non seulement parce qu'il sera l'hôte du prochain sommet Union européenne-Amérique Latine et Caraïbes en 2004, mais aussi car il sera le siège de la prochaine réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2003, dont dépend en grande partie la définition de la future relation euro-latino-américaine. L'enregistrement de l'aboutissement des négociations sur l'accord d'association entre l'UE et le Chili est le meilleur résultat symbolique du sommet de Madrid. Le président chilien lui-même, le socialiste Ricardo Lagos, l'a défini comme "l'espoir de toute l'Amérique latine". Président en exercice de l'UE, le chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, veut y voir le réveil de "l'espoir de nous faire progresser dans notre relation stratégique avec l'Amérique latine". L'accord UE-Chili devrait entrer en vigueur avant juillet 2003. Après sa prochaine signature officielle, il devra encore être ratifié par les parlements de tous les pays concernés. Au Chili, le secteur de la pêche s'oppose vivement au contenu de l'accord. Mercosur, Amérique centrale et pays andins Le sommet de Madrid a aussi permis de déblayer le chemin des négociations d'un accord d'association avec Mercosur, le marché commun sud-américain. Ces négociations seront renouées dès juillet prochain à Brasilia, a annoncé José Maria Aznar. Il a précisé que "les négociations politiques sont dans la pratique terminées et celles sur la coopération aussi". Les directives de la négociation avec Mercosur ont été adoptées en septembre 1999, mais jusqu'à juillet 2001 le volet commercial n'a pas été entamé. Compliqué par la crise argentine, il demeure le plat de résistance d'une négociation dans laquelle Mercosur insiste notamment sur la nécessité, pour le développement de l'Amérique latine, d'une réduction du protectionnisme agricole et des quotas imposés par l'UE. "Nous ne voulons pas d'aumônes, mais que l'UE ouvre ses marchés et laisse entrer nos produits" a déclaré à Madrid le ministre argentin des Affaires étrangères, Carlos Ruckhauf. Selon lui, "si l'Amérique latine jouissait d'une liberté commerciale pour ses produits, sa dette extérieure s'effacerait". Mais à propos de sa crise économique et sociale sans précédent, l'Argentine n'a reçu du sommet de Madrid que le conseil déjà connu d'adopter un plan économique "soutenable" conforme aux exigences du Fonds monétaire international (FMI). Le sommet de Madrid a laissé sur leur faim les pays d'Amérique centrale et de la Communauté andine. Ils devront attendre 2004 pour ouvrir avec l'UE des négociations commerciales, conditionnées en outre aux résultats d'autres négociations en cours au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Pour "dédommager" ces pays, l'UE leur a offert l'ouverture immédiate d'un dialogue politique formel. Probablement déçu, le président du Pérou, Alejandro Toledo, a réaffirmé qu'en privant de débouchés les produits des agriculteurs latino-américains, le protectionnisme des pays développés et notamment celui de l'UE favorise la culture et le trafic de drogues, associés au terrorisme. La Colombie, pays d'Amérique latine le plus secoué par le terrorisme politique, a apparemment réussi à Madrid, par la voix de son président Andres Pastrana, à convaincre l'UE d'inscrire dès ce mois de mai sur sa liste officielle des organisations terroristes la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie, marxistes). Les pays de l'UE auraient alors l'obligation de geler sur leur territoire les biens et avoirs financiers des FARC et des personnes liées à cette organisation. Les 17.000 combattants des FARC sont armés et maintenus par un budget annuel de plus de 500 millions de dollars, alimenté principalement par leur contrôle d'une part importante de la production colombienne de cocaïne. Le sommet UE-ALC de Madrid a condamné dans sa déclaration finale le terrorisme "sous toutes ses formes et manifestations". La déclaration souligne aussi la nécessité de lutter contre le trafic de drogues et l'immigration illégale. Le texte comprend, au total, 33 engagements dans les domaines politique, économique, scientifique, culturel, éducatif, social et humain.
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