Accentuée par le débat sur l’euro, la crise argentine secoue le Brésil et MercosurBUENOS AIRES / SAO PAULO, 25 avril 2001 (latinreporters.com) - Bien malgré lui, l’euro ébranle les deux
puissances économiques de l’Amérique du Sud, l’Argentine et le Brésil. La crise de confiance dans ces deux
pays secoue Mercosur, le 3e bloc commercial de la planète, formé par le Brésil, l’Argentine, le
Paraguay et l’Uruguay, avec la Bolivie et le Chili comme pays associés. Un mois après le lancement de son plan de " compétitivité ", le ministre argentin de l’Economie, Domingo Cavallo, passe encore l’essentiel de ses journées à tenter de rassurer les agents économiques et les investisseurs étrangers. En proposant une loi ajoutant l’euro à la parité dollar-peso qu’il avait instaurée dix ans plus tôt, Domingo Cavallo ne se doutait sans doute pas qu’il ouvrait une boîte de Pandore. Le texte de la loi, sur lequel le Parlement doit encore se prononcer, dit qu’elle deviendra effective " dès le lendemain du jour où la valeur de l’euro sera égale à celle du dollar sur le marché de Londres ". La valeur du peso serait alors alignée sur la moyenne des deux devises. Le tripartisme euro-peso-dollar a sa logique. L’Union européenne, qui absorbe 30% des exportations de l’Argentine, est en effet pour elle un partenaire commercial plus important que les Etats-Unis. En outre, la parité actuelle peso-dollar pénalise les exportateurs argentins dont les produits sont renchéris sur les marchés internationaux par la trop bonne santé de la devise américaine. Malheureusement, les investisseurs et les exportateurs brésiliens ont considéré que " l’eurodollarisation " équivaudrait de fait à une dévaluation du peso, réduisant le rendement des investissements et la compétitivité des produits brésiliens en Argentine. La bourse de Sao Paulo, principale place financière d’Amérique latine, plongeait aussitôt, entraînant une baisse de la bourse de Buenos Aires, laquelle se répercutait à son tour sur Sao Paulo qui baissait davantage... Ce processus cumulatif d’une baisse ne cessant de s’autoalimenter est bien connu dans les facultés de sciences économiques. En outre, la politique venait jeter de l’huile sur le feu. L’ex-président argentin Carlos Menem, partisan à outrance de la dollarisation, partait en guerre contre l’introduction de l’euro en invitant ses concitoyens " ayant un peso dans le porte-monnaie à le convertir en dollar le plus vite possible ". Le président de la Banque centrale, Pedro Pou, soutenait Carlos Menem. Tous deux étaient aussitôt accusés par le ministre Domingo Cavallo de vouloir provoquer la panique afin de détourner l’attention de graves procès qui les menacent. Sur proposition d’une commission parlementaire, Pedro Pou a été destitué et remplacé ce 25 avril par le président argentin Fernando de la Rua. A la fin du mois de mars, le ministre Domingo Cavallo avait déjà ébranlé le Brésil et ses autres partenaires régionaux en éliminant les droits de douane argentins sur les biens d’investissement. A titre d’exemple, cette mesure permet l’entrée libre de produits informatiques du monde entier en Argentine, donc dans le Mercosur, ce qui porte un coup sérieux à l’industrie informatique brésilienne. Aujourd’hui, le doute règne sur la capacité de remboursement de l’Argentine, alors que sa dette publique atteint 128 milliards de dollars, soit, reconnaît le ministre Cavallo, 50,8% de son produit intérieur brut. Pour avancer de l'argent à l'Etat argentin, les banques réclament désormais un taux de 15%. Le réal brésilien, lui, est à son plus bas niveau historique face au dollar (2,31 réals pour 1 $ le 25 avril). Depuis le début de l’année, il s’est déprécié de 17% par rapport à la devise américaine. Déjà menacé par le lancement, en 2005, de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) et par la volonté du Chili de conclure unilatéralement avant la fin de l’année un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le Mercosur vient donc de voir son tarif douanier extérieur voler en éclats du fait de Domingo Cavallo. La crise qui secoue l’Argentine et le Brésil devrait continuer à dissoudre les solidarités au sein du marché commun sud-américain.
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