Argentine: le populisme néokeynésien de Kirchner supplante le populisme néoconservateur de Menem, mais...
BUENOS AIRES, vendredi 7 novembre 2003 (NuevaMayoria.com) - Sur les vingt
élections de gouverneur de province convoquées en 2003 en
Argentine, dix-huit, totalisant quasi 98% des votants, ont été
gagnées par "l'officialisme" local. Cette continuité apparente
pourrait surprendre après le cri "Qu'ils s'en aillent tous" lancé
par les argentins fin 2001.
La bataille pour la direction du péronisme étant la véritable compétition électorale dans une Argentine caractérisée par un parti dominant, le résultat global le plus significatif des diverses élections a été le recul important du populisme néoconservateur des années 1990. A l'exception de Sobisch (province de Neuquén), aucun des nouveaux gouverneurs ne s'est déclaré opposé au gouvernement national, quoique Cobos (province de Mendoza) et Colazo (Tierra del Fuego) ont jeté des bases d'indépendance politique. Au Congrès, le Parti Justicialiste (PJ, nom habituel du parti péroniste) -divisé en divers blocs, dont Duhalde et Kirchner dominent les principaux- est déjà assuré de la majorité absolue dans les deux chambres. Le péronisme gouvernera en outre 15 des 24 provinces argentines. Quoique le péronisme soit plutôt une confédération de partis provinciaux, ses principales références nationales, Duhalde et Kirchner, ont démontré leur capacité à imposer une orientation. Les deux leaders rivalisent pour occuper des espaces de pouvoir, mais ils ont une vision pleinement convergente en ce qui concerne l'économie. L'opinion publique accepte cette vision, ce qui a permis de déplacer le populisme néoconservateur. L'organisation déficiente de l'opposition et la confusion dans laquelle reste immergé le radicalisme a fait en sorte qu'un seul des 24 gouverneurs de province soit un opposant déclaré, les 23 autres se débattant entre différentes tonalités d'adhésion, voire d'obséquiosité. Mais au-delà de cette première perception, il convient de s'interroger sur la consistance de cette "consolidation". Elle constitue une étrange combinaison de forces et de faiblesses. Le président Kirchner a reçu un grand appui, quasi inédit. Mais cet appui lui est donné par une opinion publique volatile -si l'on s'en tient à l'expérience historique- encore orgueilleuse d'avoir renversé il y a deux ans un président (le radical Fernando de la Rua). Le soutien vient aussi d'un parti dominant qui est en réalité une confédération fragmentée d'intérêts provinciaux, ainsi que d'une alliance avec le "duhaldisme" (courant contrôlé par Eduardo Duhalde) de Buenos Aires qui, en dépit de la convergence idéologique, est parsemée de zones de tension potentielles ou explicites ouvertes à la lutte pour le pouvoir. Si en cette année électorale le pragmatique président Kirchner a donc consolidé ses positions, il dispose néanmoins d'une marge de manoeuvre limitée -et cela depuis le début de son mandat- par la nécessité d'affermir son pouvoir (il n'a été élu qu'avec 22% des suffrages). Cela différencie Nestor Kirchner de présidents originairement forts tels que Carlos Menem ou le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. En fait, la grande triomphatrice est actuellement la coalition politico-sociale qui se propose depuis des années d'effacer les réformes libérales des années 1990. Cette évolution ne doit pas nous faire perdre de vue qu'elle pourrait n'être qu'une caisse de résonance dans un pays qui, comme la plupart des Etats sud-américains, a démontré que le chemin vers la crise politique et l'instabilité est trop court. La fragilité sous-jacente ne doit pas être attribuée au président Kirchner, mais à la crise politique et institutionnelle, sous-jacente aussi, qui n'est pas encore surpassée. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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