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Election présidentielle le 27 avril

Le nouveau président argentin ne sera sans doute élu qu'au second tour

BUENOS AIRES, lundi 31 mars 2003 (latinreporters.com) - A cause surtout de la division des péronistes, le successeur du président argentin Eduardo Duhalde ne sera sans doute pas élu le 27 avril, date du premier tour du scrutin présidentiel, mais au second tour prévu pour le 18 mai.

Président durant deux mandats consécutifs, de 1989 à 1999, le péroniste pro-américain Carlos Menem, partisan d'une redollarisation de l'Argentine, briguera un troisième mandat. Son âge respectable - 73 ans le 7 juin prochain- n'altère ni sa vigueur ni son ambition. Il a symbolisé, avant la grave crise économique actuelle, une décennie de prospérité, mais aussi de corruption.

Deux de ses adversaires sont eux aussi péronistes: le gouverneur de la province de Santa Cruz, Nestor Kirchner, populiste soutenu par le président sortant Eduardo Duhalde, et l'ex-président Adolfo Rodriguez Saa, éphémère chef de l'Etat du 23 au 30 décembre 2001. Il démissionna pour n'être pas soutenu par les "barons" du péronisme, mais ses sept jours de mandat ont marqué l'Argentine, car Adolfo Rodriguez Saa décréta la suspension, toujours en vigueur, du remboursement de la dette publique.

Conséquence d'ambitions personnelles et de luttes de clans, cette division du péronisme est sans précédent. Les trois frères ennemis ne se présenteront même pas sous le sigle du Parti justicialiste fondé par Juan Domingo Peron. Carlos Menem brigue en effet la présidence au nom d'un Front pour la loyauté; Nestor Kirchner mène le Front pour la victoire et Adolfo Rodriguez Saa le Front mouvement populaire.

Parmi les 19 candidats à la présidence, le vainqueur devrait surgir d'un groupe de cinq, comprenant le trio péroniste, ainsi que Ricardo Lopez Murphy, ex-ministre de la Défense et de l'Economie sous la présidence de Fernando De la Rua, et la députée Elisa Carrio, pasionaria anticorruption qui avait claqué la porte de l'Union civique radicale (UCR, sociale-démocrate) pour fonder l'ARI (Alternative pour une république d'égaux).

Aucun de ces cinq principaux candidats ne surpasse 20% des intentions de vote et les marges qui les séparent varient constamment. Actuellement, les sondages octroient un léger avantage à Nestor Kirchner.

Argentine: nouvelle politique et nouvelle gouvernabilité

Par Julio Burdman

BUENOS AIRES, lundi 31 mars 2003 (NuevaMayoria.com) - L'Argentine affronte dans un nouveau contexte la succession du président Eduardo Duhalde. Dans le cas présent, la nouvelle politique n'est pas un progrès, mais plutôt le contraire: une incertitude exceptionnelle, les séquelles de la détérioration institutionnelle laissée par la crise, la perspective d'un gouvernement faible et l'absence d'idées claires et de plans soutenables pour faire face à la prochaine transition, voilà quelques unes des caractéristiques de ce nouveau scénario qui se répercute déjà négativement sur les perspectives concernant l'Argentine jusqu'à la fin de l'actuelle décade.

La crise des partis et l'évolution provincialiste de la politique, phénomènes liés entre eux, sont les axes de cette nouvelle politique qui apporte avec elle de nouveaux défis à la gouvernabilité.

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Ces nouveaux défis permettent d'anticiper la faiblesse du prochain président, caractérisée par un maigre soutien électoral, par l'absence d'un système de partis permettant d'articuler des coalitions et par le maintien de la composition actuelle du Congrès au moins jusqu'au 10 décembre. Le pays sera difficile à gouverner et, pour sûr, plusieurs candidats susceptibles de remporter l'élection présidentielle n'ont pas les qualités requises.

La base électorale du prochain président sera l'une des plus étroites de l'histoire. Il est quasi sûr que la fragmentation de l'électorat débouchera sur un ballottage au premier tour. Une forte abstention est également probable au second tour, surtout s'il oppose deux péronistes, ce qui inciterait de nombreux non-péronistes à ne pas participer au scrutin.

Le Congrès actuel -avec encore une forte proportion de députés radicaux et frepasistes (1) et un justicialisme (2) à la fois inférieur à 50% des députés et subdivisé en trois ou quatre blocs consistants- se maintiendra jusqu'au 10 décembre. Le mois de mars a démontré que les initiatives de l'exécutif aboutissent (rappelons-nous les lois prévues par le mini-accord avec le FMI), mais après plusieurs tours de négociations sectorielles.

Les coûts de transaction dans la relation nation-provinces seront très élevés. La tendance au provincialisme perçue depuis la fin des années 1990 se consolidera, à moins que le prochain président ne prenne la tête d'une stratégie visant à transformer le fédéralisme politique en Argentine.

Il y a enfin les résistances que le nouveau gouvernement pourrait rencontrer dans certains secteurs de la population. Le rejet de la politique par la classe moyenne ne se dissipera pas du jour au lendemain et moins encore en cas de victoire de Carlos Menem. Les plans sociaux se convertiront en politique d'Etat, mais, dans une mesure dépendant de la personnalité du prochain président, on assistera à un changement dans les relations avec les piqueteros (3), aujourd'hui alliés du gouvernement dans la gestion de la politique sociale. Une rupture de cette alliance avec les organisations de piqueteros accroîtrait le risque de conflit social pendant la première étape du prochain exécutif.

Voilà donc certains des nouveaux problèmes que devra esquiver le prochain président. Ces problèmes sont neufs non quant à leur nature, mais plutôt quant à leur forme et leur intensité. Ils impliquent des difficultés sur divers fronts et une diminution des ressources pour les affronter.

Cela ne signifie pas que le pays sera ingouvernable - la moitié des gouvernants du monde affronte des problèmes plus graves- mais la matrice de gouvernabilité sera différente. En fonction de la fragmentation des partis et de la réalité politique provincialisée, les appuis pour gouverner s'obtiendront en négociant, point par point, avec divers gouverneurs et législateurs. L'influence des leaders nationaux et des partis majoritaires sera moindre et les chefs de groupes parlementaires -rappelons, par exemple, le rôle joué par Augusto Alasino (4)- ne détiendront plus autant de pouvoir.

Les restrictions fiscales de la prochaine période limiteront aussi le pouvoir de négociation du gouvernement central avec les provinces. Tant le rôle politique comme la crise fiscale de Buenos Aires au cours des dernières années ont ouvert les portes à un conflit potentiel entre les provinces, qui risque d'éclater à court terme si le prochain président n'y prend garde.

Ce panorama semble suggérer un parcours impossible, mais ce n'est pas le cas. La matrice de gouvernabilité sera la même que celle qui a caractérisé le Brésil au long de quasi toute son histoire, y compris les époques du président Cardoso et de son successeur actuel, Lula. Il s'agit d'un scénario qui, s'il se maintient, rendra nécessaire à la longue la naissance d'une culture de consensus et de coalitions que l'Argentine ne possède pas, comme l'a démontré l'échec de l'Alliance (5).

Dans l'immédiat, il faudra de l'habileté et de la patience pour négocier. Si le prochain président est justicialiste, il trouvera une large coalition potentielle au sein de son propre mouvement, pour autant qu'il parvienne à le réunifier lors d'intenses négociations avec les factions internes, les gouverneurs et les législateurs. Le contexte dans lequel évoluera le prochain président ne sera pas celui d'un pays ingouvernable, mais d'une gouvernabilité à la brésilienne. Ce qui revient à dire une gouvernabilité plus coûteuse.


Notes explicatives de latinreporters.com

(1) "Frepasistes": membres ou partisans du FREPASO (Front pays solidaire), coalition de péronistes dissidents et de militants de centre gauche. Avec 30% des suffrages à l'élection présidentielle de 1995, il mit fin au bipartisme traditionnel de l'Union civique radicale (UCR, sociale-démocrate) et du Parti justicialiste (parti des péronistes).

(2) "Justicialisme" ou "péronisme": doctrine de Juan Domingo Peron (président de 1946 à 1955 et de 1973 à 1974, année de sa mort). Cette doctrine conciliait mesures sociales, antiaméricanisme, catholicisme, nationalisations et répression.

(3) "Piqueteros": chômeurs qui protestent contre la crise économique et sociale en dressant sur les routes des barrages appelés "pìquetes".

(4) Ex-président du groupe des sénateurs nationaux du Parti justicialiste, Augusto Alasino fut très influent sous la présidence de Carlos Menem. Il dut se défendre contre l'accusation d'enrichissement illicite.

(5) L'Alliance désigne celle formée pour l'élection présidentielle de 1999 par l'UCR et le FREPASO. Sa victoire déboucha sur la formation d'un gouvernement de coalition dirigé par le président de la République Fernando De la Rua (UCR). Les principales figures du FREPASO abandonnèrent ce gouvernement, qu'elles jugeaient trop à droite, avant que le président De la Rua ne soit contraint à la démission par les émeutes sanglantes du 20 décembre 2001.

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