Brésil : l’ordinateur du peuple contre l’apartheid digitalRIO DE JANEIRO, 19 mai 2001 (latinreporters.com) - Pour freiner l’accroissement d’inégalités sociales déjà très prononcées, le Brésil déclare la guerre à " l’apartheid digital ". Un " ordinateur du peuple " sera lancé sur le marché brésilien au cours du second semestre de cette année. Son prix, le quart de celui des ordinateurs personnels de bas de gamme, rapprochera les populations défavorisées des nouvelles technologies. Au Brésil, la moitié la plus pauvre des habitants ne jouit que de 14% du PIB (produit intérieur brut), alors que le petit 1% des Brésiliens les plus riches détient à lui seul 13,1% du même PIB. Le président social-démocrate, Fernando Henrique Cardoso, et des organisations non gouvernementales veulent éviter que la brèche digitale élargisse ce fossé socio-économique. La perle du plan national pour la démocratisation digitale est " l’ordinateur du peuple ". En décembre dernier déjà, l’Université fédérale du Minas Gerais (Etat du nord-est brésilien déprimé) était chargée par le gouvernement de la création de cet outil égalitaire. Le système opérationnel de la machine, basé sur Linux, est gratuit. Dépourvu de tout accessoire superflu, mais assurant la navigation sur Internet, l’ordinateur sera commercialisé dans quelques mois à un prix équivalent à 250 dollars, soit quatre fois moins cher que les PC actuels les plus courants au Brésil. Ce prix peu élevé restera néanmoins considérable dans un pays où le salaire mensuel minimum plafonne à 75 dollars. Aussi le gouvernement prévoit-il la vente à crédit de " l’ordinateur du peuple ", avec des mensualités de 15 dollars. Mais commercialiser l’ordinateur ne suffit pas. Il faut aussi qu’il soit connecté au réseau téléphonique, alors que le téléphone est encore un luxe inaccessible pour de nombreux Brésiliens. C’est pourquoi le gouvernement donne la priorité à l’installation de son nouveau-né dans les écoles publiques. Sept millions d’écoliers brésiliens pourraient ainsi être reliés à Internet. Des organisations non gouvernementales (ONG) pourraient aussi en profiter. Le Comité pour la démocratisation de l’informatique, par exemple, est l’un des premiers intéressés. Cette ONG a créé dans les favelas du Brésil 252 écoles d’informatique équipées d’ordinateurs de seconde main. " L’ordinateur du peuple " les aidera davantage à contribuer à la promotion sociale d’enfants et d’adolescents pauvres, les détournant ainsi de la délinquance. Avec ou sans " l’ordinateur du peuple ", des entreprises parient également sur l’accès collectif à Internet des Brésiliens les moins fortunés. Telemar, opérateur téléphonique dans 16 Etats du Brésil, dont celui de Rio de Janeiro, va installer dans des lieux publics des terminaux d’accès au web fonctionnant avec les même cartes que les téléphones urbains. Quant à la banque Caixa Economica, elle a déjà ses kiosques d’accès Internet jusque dans les boulangeries. Elle devrait en offrir plus de 3.000 avant la fin de l’année. Le nombre d’internautes brésiliens pourrait ainsi exploser au cours des prochains mois. Ils sont actuellement 10,4 millions sur 170 millions d’habitants. Ils représentent la moitié de tous les internautes de l'Amérique latine. Le Brésil rêve en outre de développer sa propre Silicon Valley autour de l’Université fédérale du Minas Gerais. Cette université mise sur les chips et la formation de professeurs d’informatique. La petite ville de 35.000 habitants où elle est installée, Campina Grande, tire déjà 20 % de ses ressources annuelles des entreprises de haute technologie installées sur son territoire.
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