BRASILIA, lundi 4 octobre 2010 (LatinReporters.com) - Non,
n'en déplaise aux sondages, la dauphine
et ex-chef de cabinet du très populaire président Lula da Silva
n'a pas remporté l'élection présidentielle au premier
tour. Dilma Rousseff, 62 ans, a plafonné le 3 octobre à 46,90%
des suffrages, ce qui la met tout de même en ballottage très
favorable pour affronter le 31 octobre au second tour le social-démocrate
José Serra, 68 ans, crédité dimanche d'un score de 32,61%.
Ces pourcentages découlent du décompte par le Tribunal supérieur
électoral de la quasi totalité (99,97%) des votes électroniques
de 81,88 % des 135.804.433 Brésiliens appelés
aux urnes. Cette participation élevée s'explique par l'obligation
légale de vote, en l'occurrence pour élire à la fois le président,
les gouverneurs des 27 Etats, les deux tiers des sénateurs, les 513
députés fédéraux et les législateurs régionaux.
Luiz Inacio Lula da Silva ne pouvait pas, selon la Constitution, briguer un troisième mandat
présidentiel consécutif.
La surprise est venue de la candidate du Parti
vert, l'écologiste Marina Silva, ex-ministre de l'Environnement du
président Lula. Ce sont ses 19,33% des voix, six points de plus que
prédit par les sondages, qui ont privé Dilma, comme on l'appelle,
d'une victoire à la majorité absolue au premier tour.
L'ex-guérillera Dilma Rousseff étant de gauche et Marina Silva
tout autant sinon plus, le report des voix de l'écologiste sur la
protégée de Lula sera-t-il automatique le 31 octobre? Eh bien
non! Le président du Parti vert, José Luiz de França
Penna, s'est en effet déjà prononcé pour un appui "décisif"
à José Serra. Marina Silva invite les verts à en débattre
davantage. Mais, à propos de Dilma, c'est en lui reprochant de se
soucier trop peu de la protection des Indiens et de l'Amazonie que Marina Silva claquait en 2008
la porte du gouvernement et du Parti des travailleurs de Lula.
Ainsi, non seulement Dilma n'est pas encore élue présidente
(la fête préparée à Brasilia pour son triomphe
a été annulée dimanche), mais en outre les verts font
donc planer sur le second tour une incertitude mathématique inattendue.
Le président Lula, quoique jouissant d'un taux de popularité
de 85%, aurait-il par ailleurs agacé un nombre significatif d'électeurs
en mettant abusivement sa charge au service exclusif de sa dauphine pendant
la campagne électorale?
"Le Brésil n'a pas de maître. Le Brésil appartient à
tous les Brésiliens" rappelait perfidement José Serra après
avoir voté dimanche à Sao Paulo. "Le Brésil a besoin
de politiciens réels et non de fantoches" qui bénéficient
d'un "rouleau compresseur gouvernemental sans précédent" lançait
pour sa part contre Dilma l'ex-président brésilien Fernando
Henrique Cardoso, fondateur comme José Serra du Parti de la social-démocratie
brésilienne (PSDB).
Il y a deux semaines, la cote de Dilma Rousseff dans les sondages pour le
premier tour culminait à 57%. De nouveaux échos de corruption
gouvernementale et l'appui supposé, quoique démenti, de Dilma
à l'avortement auraient contribué à dégonfler
cette avance.
Des Brésiliens se seront aussi rappelés que José Serra
n'est pas un vil exploiteur du peuple. Il avait dû s'exiler sous la dictature
militaire (1964-1985) et comme ministre de la Santé, de 1998 à
2002, il fit plier les multinationales pharmaceutiques sur les médicaments
génériques, notamment pour combattre le sida. La même
année 2002, il était écrasé par les 61% de Lula
au second tour de la présidentielle.
Dilma Rousseff et son protecteur Lula da Silva devront encore suer pour
préparer le second tour du 31 octobre, d'autant que des gouverneurs
du PSDB de José Serra s'imposent à nouveau à la majorité
absolue dans les deux Etats les plus peuplés, ceux de Sao Paulo et
de Minas Gerais, qui totalisent 44,8 millions d'électeurs. En fin
de campagne, Lula avait pourtant concentré ses efforts sur l'Etat
de Sao Paulo pour "en finir", disait-il, avec la domination du PSDB dans
ce poumon économique où le président brésilien se forgea
au syndicalisme et à la politique.
Difficile d'oublier, en revanche, que Lula a sorti 17 millions de Brésiliens
de la pauvreté, élargi la classe moyenne, forte aujourd'hui
de 90 des 193 millions d'habitants, et fait du Brésil l'un des Etats
émergents qui contribuent à transformer le paysage politico-économique
international en ce début du 21 siècle.
Mais Lula, c'est Lula et le premier tour de la présidentielle montre
qu'à peine un peu plus de la moitié de sa popularité
s'est reportée sur son ancienne chef de cabinet Dilma Rousseff. Au
vu de la surprise relative de dimanche, impliquer davantage la présidence
et l'Etat dans la campagne électorale de la candidate du Parti des
travailleurs la servirait-il ou cela précipiterait-il le soutien des
verts à José Serra? Car au-delà de l'environnement, Marina Silva
fait aussi figure de gardienne de l'éthique.
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