Protection des Indiens au Brésil: un combat à l'issue incertaine
Etudiante en licence d'ethnologie à l'Université René Descartes de Paris, Sabrina Vitalis souligne que des cinq à six millions d'Indiens qui vivaient au Brésil à l'époque de la "découverte", il n'en restait plus que cent mille en 1950, quand les autorités décidèrent enfin de s'en inquiéter réellement. Le gouvernement brésilien, en coordination avec la communauté internationale, offrit alors de meilleures conditions aux Indiens, dont le nombre remontait à trois cent mille en 1997.
Au début du 20ème siècle, il était évident que les missionnaires n'avaient pas réussi à convertir les Indiens ni à les préserver de la maladie ni encore à les protéger des tueurs professionnels -les "bugreiros"- sous contrat pour "nettoyer" les terres de l'immigration. En 1908, pendant le Congrès des Américanistes de Vienne
(Autriche), le Brésil fut dénoncé pour sa politique
de massacre des Indiens. Pour regagner la considération internationale,
les autorités brésiliennes fondèrent en 1910 le SPI
(Serviço de Proteçao aos Indios - Service de protection des
Indiens). Sa principale tâche était de "pacifier" les peuples
aborigènes en conflit avec la société nationale sur
des questions de territoire. Le 5 décembre 1967, le SPI est remplacé par la FUNAI (Fundaçao Nacional do Indio- Fondation nationale de l'Indien). La protection des Indiens change alors de cap. La FUNAI respecte davantage leurs différences et n'essaie plus de les intégrer à tout prix ni de les mener vers le "stade ultime" de la civilisation. On va même jusqu'à éviter d'exposer les Indiens au monde "moderne", le contact n'étant établi qu'en dernier recours, si les Indiens sont en danger et qu'il est jugé nécessaire d'intervenir. Cette politique de protection soulève des réactions hostiles, au point de demeurer un combat à l'issue incertaine. Sabrina Vitalis relève que pour les colons, les agriculteurs et les autorités locales du Brésil, l'étendue des réserves attribuées aux Indiens est jugée trop importante par rapport à leur nombre. Alors qu'environ 350.000 Indiens sont répertoriés, le total des terres que le Brésil a délimitées et leur a remises formellement équivaut à près d'une fois et demie la superficie de la France. Le nombre de réserves devrait en outre croître au cours des prochaines années. Les défenseurs de cette politique y voient néanmoins une compensation à "cinq siècles de génocide" et certains jugent insuffisante une délimitation de territoires "qui n'empêche pas que 85% de ces terres soient envahies par des colons et des petits agriculteurs". Des territoires sont même remis en question, tel le territoire yanomami. Le ministre brésilien de la Défense évoque une "erreur" concernant sa démarcation et manifeste l'urgence de la "réviser", ce qui, en clair, signifiera une réduction de superficie. L'installation récente sur ce territoire de trois casernes ajoute en outre la menace de la propagation, par les soldats, de maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, constate Sabrina Vitalis, non seulement toutes les réserves devant être attribuées aux Indiens ne le sont pas, mais en plus ces réserves ne suffisent pas à assurer leur protection. D'autant que, malgré l'action de la FUNAI, la violence envers les Indiens reste un problème de fond non résolu. La célébration du 500e anniversaire de la "découverte" du Brésil illustra l'escalade de la violence. Cet anniversaire tourna au désastre du fait de la dure répression policière de manifestations indigènes contre les célébrations officielles. Ces incidents empêchèrent la remise au président brésilien, Fernando Henrique Cardoso, d'une Charte dans laquelle les Indiens revendiquaient notamment l'abrogation de leur statut obsolète, qui les considère encore comme mineurs et les place sous la tutelle de l'Etat, sans droit de vote ni celui de posséder un passeport. Le combat continue donc, conclut Sabrina Vitalis. Selon elle, c'est en faisant connaître le sort de ces populations qu'elles pourront accéder à l'égalité. Et de citer Davi Kopenawa, porte-parole yanomami: "Je voudrais que vous, nos amis blancs, puissiez continuer à nous aider. Ne nous laissez pas seuls dans ce combat. Maintenez votre pression sur notre gouvernement. Continuez vos campagnes de lettres, continuez à lutter pour que nous vivions".
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