Seule la droite gouvernementale progresse aux législatives
Espagne: Rajoy gagne des élections secouées par le Brexit
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De g. à dr.: Mariano Rajoy (PP), Pedro Sanchez (PSOE), Pablo Iglesias (Podemos) et Albert Rivera (Ciudadanos). Le quadripartisme a supplanté à nouveau le bipartisme. (Source : elperiodico.com) |
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MADRID, lundi 27 juin 2016 (LatinReporters.com) - Trois jours après le choc du Brexit, qui a dessiné une Union européenne (UE) bientôt amputée du Royaume-Uni, la crainte continentale de l'instabilité semble avoir favorisé la victoire du Parti Populaire (PP, droite gouvernementale) de Mariano Rajoy aux élections législatives de dimanche en Espagne.
Déception, par contre, de la gauche anti-austérité de Podemos. Malgré son alliance Unidos Podemos avec les écolo-communistes d'Izquierda Unida, elle stagne en sièges, recule en voix et échoue dans sa tentative de ravir au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, social-démocrate) la suprématie au sein de la gauche.
L'ampleur de la victoire relative de la droite, pourtant stigmatisée par la corruption, et la stagnation de Podemos démentent tous les sondages, qui ont erré à l'unisson. Il est vrai qu'ils ne pouvaient prendre en compte l'inattendu Brexit, qui a éclaté moins de 72 heures avant le scrutin.
Face à Podemos qui se rapprochait dans les sondages, la droite au pouvoir depuis 2011 en Espagne s'est posée en garante de la stabilité au lendemain du Brexit. « Ce n'est pas le bon moment pour les expérimentations », déclarait le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy.
Son parti, le PP, mais aussi le PSOE et Ciudadanos (centre droit) saisissaient l'occasion pour reprocher à Podemos une prétendue hostilité envers l'idéal européen. Le parti anti-austérité, né en 2014 dans la mouvance de la révolte des indignés, souhaite pourtant une UE solide, mais aussi solidaire et sociale, ce qu'elle n'est plus aujourd'hui.
Secondes élections en six mois
Les élections législatives célébrées hier, dimanche 26 juin, sont les secondes en six mois. Celles de décembre 2015, remportées aussi à la majorité relative par le PP, virent l'émergence au niveau national de Podemos et Ciudadanos.
Ce fut l'avènement du quadripartisme et la fin de près de 40 ans de bipartisme du PP et du PSOE, qui alternaient au pouvoir. Mais aucune coalition gouvernementale n'a pu être formée par les quatre partis. D'où le retour aux urnes.
Une baisse sensible de la participation des 36 millions d'électeurs (69,84 % contre 73,20 % en décembre) aurait, selon les analystes, favorisé le PP. Quoiqu'accompagné d'un démantèlement social déshumanisé, un retour apparent à la croissance économique (3,2 % en 2015) a par ailleurs servi d'argument à Mariano Rajoy.
Le dépouillement de 99,99 % des bulletins de vote crédite son PP de 33,03 % des voix (+4,42 points par rapport à décembre 2015) et 137 (+14) des 350 députés.
En deuxième place, les socialistes du PSOE réalisent un score de 22,66 % (+0,66) et 85 députés (-5).
Troisième du scrutin, la coalition Unidos Podemos obtient 21,10 % des votes et 71 députés, contre 24,27 % et 73 élus que représentait en décembre dernier la somme de ses composantes actuelles. Ces dernières surpassaient alors de plus d'un million de voix le score obtenu dimanche.
Enfin, au centre droit, le quatrième grand parti national, Ciudadanos, recule à 13,05 % (-0,89) et 32 députés (-8).
Gauche et droite sans majorité absolue de députés
À noter que, comme en décembre, ni le bloc de droite (PP et Ciudadanos) ni celui de gauche (PSOE et Unidos Podemos) n'obtiennent la majorité absolue de 176 députés sur 350.
La guérilla au sein de la gauche et de la droite n'étant en outre pas éteinte et le PSOE refusant l'appui éventuel des indépendantistes catalans et basques, la formation rapide d'un gouvernement ne semble à première vue pas plus assurée qu'après les législatives de décembre 2015.
« Nous avons gagné et, réclamant le droit à gouverner, nous parlerons demain avec tout le monde » a lancé dimanche à minuit Rajoy du haut du balcon du siège madrilène du PP. Mais il n'a pas réitéré sa préférence souvent exprimée pour une grande coalition avec les socialistes du PSOE.
La foule qui l'acclamait scandait notamment le slogan « Si se puede » (Oui, on le peut) volé ainsi, en guise de moquerie, à Podemos qui l'avait popularisé.
Brouillard aussi sur les intentions du socialiste Pedro Sanchez, secrétaire général du PSOE. Reconnaissant n'être pas satisfait des résultats du scrutin, il s'est néanmoins réjoui de l'hégémonie conservée au sein de la gauche par le PSOE, que tous les sondages situaient derrière Unidos Podemos.
Sanchez a reconnu la victoire du PP et félicité Mariano Rajoy. Le dirigeant socialiste a affirmé que « le PSOE mettra les résultats du scrutin au service de ses intérêts et de ceux des citoyens, contre la corruption et pour récupérer une Europe sociale ».
Dans la foulée, il a accusé Podemos d'être responsable de la victoire de la droite pour avoir refusé de soutenir, au début de l'année, une coalition PSOE-Ciudadanos.
Difficile, désormais, d'écarter Mariano Rajoy du pouvoir
Auparavant, le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, avait lui aussi reconnu « des résultats non satisfaisants ». Il considère néanmoins que son parti anti-austérité et ses alliés, qui gagnent à nouveau au Pays basque et en Catalogne, se sont « consolidés comme espace politique devant jouer un rôle dans le futur du pays ».
« La victoire du PP nous préoccupe. C'est le moment de réfléchir et de travailler à l'entente des progressistes » a-t-il ajouté.
Pour sa part, le leader de Ciudadanos, Albert Rivera, a invité le PP et le PSOE à s'asseoir avec son parti autour d'une table pour tenter de former un gouvernement qui exprime une véritable volonté de changement.
En conclusion, la nouvelle victoire du Parti Populaire, qui amplifie même sa majorité absolue au Sénat avec 130 (+6) des 208 sénateurs, rend désormais difficile, voire illégitime, les tentatives des autres partis de l'écarter du pouvoir.
À défaut d'une coalition avec le PP, Ciudadanos et même le PSOE pourraient s'abstenir au Congrès des députés pour permettre une nouvelle investiture, à la majorité relative, de Mariano Rajoy à la présidence du gouvernement.
Les néolibéraux majoritaires au sein de l'UE et de la Commission de Bruxelles en seront comblés. La vieille sociale-démocratie européenne, la française par exemple, se réjouira pour sa part de la stagnation de la gauche alternative incarnée par Podemos, l'allié espagnol des Grecs de Syriza.
Mais difficile de sourire pour 28,6 % des 46 millions d'habitants de l'Espagne qui étaient l'an dernier, selon l'Institut national de la statistique (INE), « en risque de pauvreté et d'exclusion sociale ».
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