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Honduras après le retour de Zelaya : 3 scénarios s'entrechoquent
TEGUCIGALPA, jeudi 24 septembre 2009 (LatinReporters.com) - Trois scénarios de sortie de crise s'excluent mutuellement et s'entrechoquent au Honduras après la réapparition théâtrale à Tegucigalpa, le 21 septembre à l'ambassade du Brésil, du président déchu Manuel Zelaya. Au risque de personnaliser à l'excès, on peut les appeler scénario Obama, scénario Chavez et scénario Micheletti. Le scénario caressé par Roberto Micheletti, président de facto depuis le coup d'Etat du 28 juin dernier, semble aujourd'hui le moins plausible. Il repose sur la tenue le 29 novembre, date fixée longtemps avant la crise actuelle, des élections présidentielle, législatives et municipales sans que d'ici là Manuel Zelaya ne soit rétabli à la présidence comme l'exige unanimement la communauté internationale. La campagne électorale est déjà ouverte. Elu il y a quatre ans, Manuel Zelaya, constitutionnellement non rééligible, devait en principe remettre le 27 janvier 2010 l'écharpe présidentielle à son successeur élu le 29 novembre. Au moment de son éviction, il était donc pratiquement en fin de mandat et l'essentiel, selon le scénario Micheletti, serait que l'élection du nouveau président signifie le retour à la normalité. Accusé de "haute trahison" tant par le Parlement que par la Cour suprême de Justice, l'armée et même l'Eglise hondurienne pour avoir tenté d'ouvrir frauduleusement la voie à la réélection présidentielle prohibée par la Charte suprême, Manuel Zelaya aurait, selon Roberto Micheletti, été relevé conformément à la Constitution. Les sondages indiquent que la présidence devrait à nouveau se jouer au sein de la droite, c'est-à-dire entre les deux principales formations politiques du Honduras, le Parti National et le Parti Libéral. Ce dernier ne considère plus Manuel Zelaya comme l'un des siens depuis son ralliement inattendu, en 2008, à la gauche radicale "bolivarienne" du président vénézuélien Hugo Chavez. Grand propriétaire terrien et magnat de l'industrie du bois, c'est sous l'étiquette libérale, de laquelle relève aussi Roberto Micheletti, que Manuel Zelaya fut élu président en 2005. Son retour à Tegucigalpa, avec domicile provisoire à l'ambassade du Brésil d'où il harangue ses partisans, et surtout le refus de la communauté internationale d'avaliser des élections organisées par un gouvernement qu'elle juge illégal compromettent le scénario Micheletti. Sa concrétisation, peu probable, signifierait essentiellement, en principe du moins, la consolidation du renoncement à l'aventure "bolivarienne" du Honduras tentée par Manuel Zelaya. Scénario Obama C'est à ce même résultat essentiel que tend le scénario Obama, mais avec la différence qu'il prévoit et même exige le rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence du Honduras jusqu'à la fin, aussi proche soit-elle, de son mandat institutionnel. Car ni le président des Etats-Unis, Barack Obama, ni l'Union européenne ni l'Organisation des Etats américains (OEA) n'entendent cautionner l'expatriation forcée d'un chef d'Etat, quelle que soit son idéologie, jeté à l'aube du 28 juin dans un avion à destination du Costa Rica, en pyjama et sous la menace de mitraillettes. Le scénario Obama, qui est aussi celui de la majorité de la communauté internationale, s'appuie sur l'Accord de San José, appelé dans une première version Plan Arias, car élaboré par Oscar Arias, actuel président du Costa Rica et prix Nobel de la Paix 1987. Il prévoit le rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence du Honduras jusqu'au 27 janvier 2010, une amnistie politique, la formation d'un "gouvernement d'unité et de réconciliation nationale", des élections générales anticipées et une commission de vérification de l'application de l'accord chapeautée par l'OEA. Mais ce rétablissement de Manuel Zelaya est conditionné à son respect de la Constitution et à son renoncement à toute réforme qui viserait à y introduire la réélection présidentielle. Le scénario Obama déboucherait lui aussi théoriquement sur une victoire électorale apparemment inévitable du Parti National ou du Parti Libéral, qui se succèdent au pouvoir depuis des décennies. A la présidentielle de 2005, ces deux partis de droite se répartirent en moitiés quasi égales 96% des votes valables. Mais l'autonomie, quoique réduite, dont disposerait Manuel Zelaya s'il revenait à la tête de l'Etat dans le cadre de l'Accord de San José laisserait une marge d'incertitude quant à la réussite du scénario Obama. Scénario Chavez Le scénario Chavez, lui, est calqué sur l'évolution politique récente du Venezuela, de la Bolivie et de l'Equateur. Sous l'inspiration initiale du président vénézuélien Hugo Chavez, ces trois pays de la gauche radicale latino-américaine ont balayé leur ancienne Constitution et octroyé un "pouvoir originel" à des Assemblées constituantes pour couler dans leurs nouvelles Chartes suprêmes respectives des principes socialisants assortis de la réélection présidentielle pour assurer la longévité de la "révolution" et de ses leaders. Le scénario Chavez prévoit non seulement le rétablissement, mais aussi le maintien au pouvoir de Manuel Zelaya. La Constitution hondurienne interdisant la réélection présidentielle (elle prohibe même toute réforme de cette interdiction), ce scénario ne peut se développer qu'en marge de la légalité. En outre, l'ample majorité conservatrice de l'électorat hondurien ne garantirait pas, que du contraire, la réélection de Zelaya si elle n'était pas légalement prohibée. D'où la création d'un climat d'agitation-répression continue par des minorités actives sur lesquelles se focalisent les médias (des images répétitives de dures interventions policières et une sensation de chaos peuvent retourner une partie appréciable de l'opinion). Appels aussi à l'armée à retourner ses armes contre "les ennemis du peuple", à faire un coup d'Etat contre le coup d'Etat. La perméabilité des frontières du Honduras avec le Nicaragua, le Salvador et le Guatemala, trois pays gouvernés par la gauche, pourrait favoriser le scénario Chavez. Les sandinistes du Nicaragua et le Front Farabundo Marti du Salvador disposent de groupes de choc. Manuel Zelaya dit accepter l'Accord de San José qui sous-tend le scénario Obama. Mais en même temps, il appelle ses partisans à l'insurrection qui sous-tend le scénario Chavez. Zelaya veut-il profiter du premier scénario pour revenir à la présidence et tenter ensuite d'utiliser les rouages de l'Etat pour concrétiser le second, c'est-à-dire pour se maintenir à la charge suprême au-delà du 27 janvier 2010, date de la passation de pouvoirs prévue par l'Accord de San José? (Rappel: aux termes de la Constitution hondurienne, dont l'Accord de San José exige le respect, ni Manuel Zelaya ni Roberto Micheletti ne pourront être candidats à la prochaine élection présidentielle - ndlr). Pour l'heure, craignant l'arrestation, Manuel Zelaya se cantonne dans l'ambassade du Brésil, insolitement transformée, au-delà d'un éventuel asile politique que le président déchu ne prétend pas solliciter, en centre de presse partisan et en tribune insurrectionnelle, c'est-à-dire en institution active de la politique intérieure hondurienne et cela avec la bénédiction du président brésilien Lula da Silva. Ce type d'ingérence, sous des formes moins spectaculaires, est vivement condamné en Amérique latine lorsqu'il est attribué aux représentations diplomatiques des Etats-Unis. A Brasilia, le Parti Populaire Socialiste l'a rappelé au gouvernement de Lula. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |