Le scénario caressé par Roberto Micheletti, président
de facto depuis le
coup d'Etat du 28 juin
dernier, semble aujourd'hui le moins plausible. Il repose sur la tenue le 29 novembre, date fixée
longtemps avant la crise actuelle, des élections présidentielle,
législatives et municipales sans que d'ici là Manuel Zelaya
ne soit rétabli à la présidence comme l'exige unanimement
la communauté internationale. La campagne électorale est déjà
ouverte.
Elu il y a quatre ans, Manuel Zelaya, constitutionnellement non rééligible,
devait en principe remettre le 27 janvier 2010 l'écharpe présidentielle
à son successeur élu le 29 novembre. Au moment de son éviction,
il était donc pratiquement en fin de mandat et l'essentiel, selon
le scénario Micheletti, serait que l'élection du nouveau président
signifie le retour à la normalité. Accusé de "haute
trahison" tant par le Parlement que par la Cour suprême de Justice, l'armée
et même l'Eglise hondurienne pour avoir tenté d'ouvrir frauduleusement
la voie à la réélection présidentielle prohibée
par la Charte suprême, Manuel Zelaya aurait, selon Roberto Micheletti,
été relevé conformément à la Constitution.
Les sondages indiquent que la présidence
devrait à nouveau se jouer au sein de la droite, c'est-à-dire
entre les deux principales formations politiques du Honduras, le Parti National
et le Parti Libéral. Ce dernier ne considère plus Manuel Zelaya
comme l'un des siens depuis son ralliement inattendu, en 2008,
à la gauche radicale "bolivarienne" du président vénézuélien
Hugo Chavez. Grand propriétaire terrien et magnat de l'industrie du
bois, c'est sous l'étiquette libérale, de laquelle relève aussi Roberto Micheletti,
que Manuel Zelaya fut élu président en 2005.
Son retour à Tegucigalpa, avec domicile provisoire à l'ambassade
du Brésil d'où il harangue ses partisans, et surtout le refus
de la communauté internationale d'avaliser des élections organisées
par un gouvernement qu'elle juge illégal compromettent le scénario
Micheletti. Sa concrétisation, peu probable, signifierait essentiellement,
en principe du moins, la consolidation du renoncement à l'aventure
"bolivarienne" du Honduras tentée par Manuel Zelaya.
Scénario Obama
C'est à ce même résultat essentiel que tend
le scénario Obama, mais avec la différence qu'il prévoit
et même exige le rétablissement de Manuel Zelaya à la
présidence du Honduras jusqu'à la fin, aussi proche soit-elle,
de son mandat institutionnel. Car ni le président des Etats-Unis,
Barack Obama, ni l'Union européenne ni l'Organisation des Etats américains
(OEA) n'entendent cautionner l'expatriation forcée d'un chef d'Etat,
quelle que soit son idéologie, jeté à l'aube du 28 juin
dans un avion à destination du Costa Rica, en pyjama et sous la menace
de mitraillettes.
Le scénario Obama, qui est aussi celui de la majorité de la
communauté internationale, s'appuie sur
l'
Accord de San José,
appelé dans une première version
Plan
Arias, car élaboré par Oscar
Arias, actuel président du Costa Rica et prix Nobel de la Paix 1987.
Il prévoit le rétablissement de Manuel Zelaya à
la présidence du Honduras jusqu'au 27 janvier 2010, une amnistie politique,
la formation d'un "gouvernement d'unité et de réconciliation
nationale", des élections générales anticipées
et une commission de vérification de l'application de l'accord chapeautée
par l'OEA. Mais ce rétablissement de Manuel Zelaya est conditionné
à son respect de la Constitution et à son renoncement à
toute réforme qui viserait à y introduire la réélection
présidentielle.
Le scénario Obama déboucherait lui aussi théoriquement
sur une victoire électorale apparemment inévitable du Parti
National ou du Parti Libéral, qui se succèdent au pouvoir depuis
des décennies. A la présidentielle de 2005, ces deux partis
de droite se répartirent en moitiés quasi égales 96%
des votes valables. Mais l'autonomie, quoique réduite, dont disposerait
Manuel Zelaya s'il revenait à la tête de l'Etat dans le cadre
de l'Accord de San José laisserait une marge d'incertitude quant à
la réussite du scénario Obama.
Scénario Chavez
Le scénario Chavez, lui, est calqué sur l'évolution
politique récente du Venezuela, de la Bolivie et de l'Equateur. Sous
l'inspiration initiale du président vénézuélien
Hugo Chavez, ces trois pays de la gauche radicale latino-américaine
ont balayé leur ancienne Constitution et octroyé un "pouvoir
originel" à des Assemblées constituantes pour couler dans leurs
nouvelles Chartes suprêmes respectives des principes socialisants assortis
de la réélection présidentielle pour assurer la longévité
de la "révolution" et de ses leaders.
Le scénario Chavez prévoit non seulement le rétablissement,
mais aussi le maintien au pouvoir de Manuel Zelaya. La Constitution hondurienne
interdisant la réélection présidentielle (elle prohibe
même toute réforme de cette interdiction), ce scénario
ne peut se développer qu'en marge de la légalité.
En outre, l'ample majorité conservatrice de l'électorat hondurien
ne garantirait pas, que du contraire, la réélection de Zelaya si elle n'était pas légalement
prohibée. D'où la création d'un climat d'agitation-répression
continue par des minorités actives sur lesquelles se focalisent les
médias (des images répétitives de dures interventions
policières et une sensation de chaos peuvent retourner une partie appréciable
de l'opinion). Appels aussi à l'armée à retourner ses armes contre "les ennemis
du peuple", à faire un coup d'Etat contre le coup d'Etat.
La perméabilité des frontières du Honduras avec le Nicaragua,
le Salvador et le Guatemala, trois pays gouvernés par la gauche, pourrait
favoriser le scénario Chavez. Les sandinistes du Nicaragua et le Front
Farabundo Marti du Salvador disposent de groupes de choc.
Manuel Zelaya dit accepter l'Accord de San José qui sous-tend le scénario
Obama. Mais en même temps, il appelle
ses partisans à l'insurrection qui sous-tend le scénario Chavez.
Zelaya veut-il profiter du premier scénario pour revenir à la
présidence et tenter ensuite d'utiliser les rouages de l'Etat pour
concrétiser le second, c'est-à-dire pour se maintenir à
la charge suprême au-delà du 27 janvier 2010, date de
la passation de pouvoirs prévue par l'Accord de San José? (Rappel:
aux termes de la Constitution hondurienne, dont l'Accord de San José
exige le respect, ni Manuel Zelaya ni Roberto Micheletti ne pourront être
candidats à la prochaine élection présidentielle - ndlr).
Pour l'heure, craignant l'arrestation, Manuel Zelaya se cantonne dans l'ambassade
du Brésil, insolitement transformée, au-delà d'un éventuel
asile politique que le président déchu ne prétend pas
solliciter, en centre de presse partisan et en tribune insurrectionnelle,
c'est-à-dire en institution active de la politique intérieure
hondurienne et cela avec la bénédiction du président
brésilien Lula da Silva. Ce type d'ingérence, sous des formes
moins spectaculaires, est vivement condamné en Amérique latine
lorsqu'il est attribué aux représentations diplomatiques des
Etats-Unis. A Brasilia, le Parti Populaire Socialiste l'a rappelé
au gouvernement de Lula.