Le retour au pouvoir de Manuel Zelaya est désormais possible, moyennant
l'approbation du Congrès national, le Parlement hondurien. Mais la brièveté
de cet éventuel retour, pour moins de trois mois et avec des pouvoirs
limités, ainsi que la reconnaissance internationale des élections
honduriennes du 29 novembre consolideront, comme le souhaite Washington,
la sortie du Honduras du camp de la gauche radicale antiaméricaine
conduit en Amérique latine par le président vénézuélien Hugo Chavez.
Ce dernier est le principal perdant de la crise hondurienne.
POINTS ESSENTIELS DE L'ACCORD du 30 octobre, dit
Accord
Tegucigalpa/San José (texte intégral en espagnol) :
Soumission au vote du Congrès national, qui écoutera
auparavant l'avis non contraignant de la Cour suprême de Justice, du
rétablissement du pouvoir exécutif en vigueur avant le 28 juin,
date à laquelle le président Manuel Zelaya fut expatrié
manu militari au Costa Rica.
La Cour suprême de Justice et le Congrès national avaient avalisé
le 28 juin la "relève constitutionnelle" de Manuel Zelaya par Roberto
Micheletti, porté à la tête de l'Etat à la quasi
unanimité des 128 parlementaires. Vont-ils maintenant se dédire
au nom de la conciliation nationale et rétablir au pouvoir Manuel
Zelaya? C'est sans doute le prix à payer pour la reconnaissance internationale
des élections présidentielle, législatives et municipales
du 29 novembre et le retour du Honduras dans le concert des nations.
Création d'un gouvernement d'unité et de réconciliation nationale, au plus tard le 5 novembre. Curieusement, aucune clause
de l'accord n'assure que Manuel Zelaya sera rétabli à la présidence
à cette date. L'inévitable présence, dans ce gouvernement,
d'opposants au président Zelaya sera en soi une limitation du pouvoir
dont il disposait avant le coup d'Etat du 28 juin.
Renoncement du président Zelaya et du gouvernement d'unité nationale
à la convocation d'une Assemblée constituante ou à la révision des articles de la Constitution dont celle-ci prohibe expressément la modification.
Cette clause consacre à la fois le succès du putsch du 28 juin,
la préservation des intérêts des Etats-Unis, ainsi que
la défaite de Manuel Zelaya et de ses alliés latino-américains
de la gauche radicale.
Ce point de l'accord rend en effet impossible à court et moyen terme un changement
de régime comme celui opéré au Venezuela, en Bolivie et en Equateur pour
assurer la continuité de leur "révolution" et de leur président
respectifs. Le coup d'Etat du 28 juin empêcha une consultation populaire
par laquelle Manuel Zelaya voulait ouvrir la voie par étapes à
une révision de la Constitution pour la tourner vers le socialisme et y introduire la
réélection présidentielle, dont la Charte fondamentale prohibe
expressément toute tentative d'instauration. La Cour suprême de Justice, le Parquet de la
République, le Tribunal suprême électoral et le Congrès
du Honduras avaient déclaré illégale cette consultation avortée
par la défenestration de Manuel Zelaya.
Reconnaissance des élections générales du 29 novembre.
A la fois présidentielle, législatives et municipales, ces
élections étaient programmées à cette date longtemps
avant le coup d'Etat du 28 juin. La communauté internationale et les
partisans du président déchu menaçaient de ne pas reconnaître
leur validité si Manuel Zelaya n'était pas rétabli à
la présidence. Cette menace sera-t-elle maintenue si le Congrès
national disait non, comme l'Accord Tegucigalpa/San José lui en
laisse la latitude, au rétablissement du président déchu?
Ses appels à "l'insurrection du peuple" n'ayant eu que des effets limités, dans l'impossibilité en outre de modifier la Constitution hondurienne pour y introduire les
principes socialisants et la réélection présidentielle
en vigueur au Venezuela, en Bolivie et en Equateur, Manuel Zelaya ne pourra
pas briguer sa propre succession le 29 novembre. Il devra céder
le 27 janvier 2010 l'écharpe présidentielle, pour autant qu'il
l'ait effectivement retrouvée, à son successeur élu.
Celui-ci appartiendra à la droite traditionnelle et au camp pro-américain,
ce qui confirmera le succès des Etats-Unis et la défaite de Hugo
Chavez dans l'issue de la crise du Honduras.
Les sondages indiquent en effet que la présidence se jouera entre
Porfirio Lobo, du Parti national, et Elvin Santos, du Parti Libéral.
Ces partis de droite sont les deux principaux du pays et ils se succèdent
à la présidence du Honduras depuis des décennies. Lors
de la dernière élection présidentielle, en 2005, ils
se partagèrent en moitiés quasi égales 96% (bien 96%)
des votes valables.
Manuel Zelaya, grand propriétaire terrien et magnat de l'industrie
du bois, fut élu en 2005 comme candidat du Parti Libéral, auquel
appartient aussi Roberto Micheletti. Zelaya surprit ensuite son propre parti,
qui le renia, en signant en août 2008 l'adhésion du Honduras
à l'ALBA, l'Alliance [à l'époque Alternative; ndlr]
bolivarienne pour les Amériques, organisation politico-économique
de la gauche radicale dont les principaux membres sont Cuba, le Venezuela,
la Bolivie, le Nicaragua et l'Equateur.
L'Accord Tegucigalpa/San José prévoit aussi la création
d'une
Commission de vérification de son application et d'une
Commission de la vérité pour enquêter sur les
événements survenus avant et après le 28 juin
2009. Il transfère au Tribunal suprême électoral autorité
sur les forces armées jusqu'aux élections du 29 novembre, tansfert prévu
par la Constitution et que le gouvernement de Roberto Micheletti avait déjà
effectué avant la signature de l'accord.
Contrairement au texte dont il s'inspire, celui de l'
Accord de San José,
proposé infructueusement en juillet par le président costaricain Oscar Arias,
l'Accord
Tegucigalpa/San José ne considère pas l'amnistie des délits politiques.
Roberto Micheletti et Manuel Zelaya espèrent-ils chacun que l'autre sera traduit en justice?
Le président déchu est depuis le 21 septembre,
date supposée de son retour clandestin au Honduras, "l'hôte"
bruyant de l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa.