MADRID, mardi 30 juin 2009 (LatinReporters.com) - "On n'écrase pas
les mouches à coups de canon" répondit un jour le socialiste
Felipe Gonzalez, alors président du gouvernement espagnol, à
une question sur l'opportunité de déployer l'armée au
Pays basque contre les terroristes indépendantistes de l'ETA.
Si cette sagesse avait inspiré la justice, le Parlement et surtout
l'armée du Honduras, le président Zelaya n'aurait pas été
évincé le 28 juin par un coup de force calqué jusqu'à
la caricature sur les traditionnels putschs militaires latino-américains
d'un passé pas encore lointain.
Il aurait suffi de laisser Manuel Zelaya aller seul à la faute définitive,
de le laisser régenter le même 28 juin une consultation populaire
destinée, malgré l'interdit constitutionnel, à ouvrir
la voie à la réélection présidentielle et donc
à la sienne. La Cour suprême de justice, le Parquet de la République,
le Tribunal suprême électoral et le Congrès national
(Parlement) avaient déclaré "illégale" cette consultation.
L'armée refusait en conséquence de participer à l'organisation
du scrutin.
L'Eglise et même le parti du président Zelaya, le Parti Libéral,
assimilaient aussi la consultation à un pied-de-nez à l'Etat
de droit hondurien visant à maintenir le pays dans le giron de la
gauche bolivarienne du Vénézuélien Hugo Chavez. Manuel
Zelaya épousa cette gauche par surprise en 2008. Grand propriétaire terrien, il avait
conquis la présidence en 2005 grâce aux électeurs de la droite
libérale.
Plus encore qu'une entorse à l'Etat de droit, c'est le mépris de l'éthique
politique élémentaire qu'aurait concrétisé la
consultation par l'absence de tout contrôle objectif. Les urnes devaient
être réparties non seulement dans les écoles, mais aussi
dans des supermarchés, des parcs et des places publiques. Aucune liste
des électeurs n'ayant été établie et aucun des grands partis ni aucune
organisation internationale telles que l'ONU, l'OEA ou l'Union européenne ne crédibilisant
le scrutin par la présence d'observateurs, les sympathisants du président
Zelaya auraient pu déposer vingt fois ou plus, le 28 juin, des bulletins
de vote dans des urnes différentes, voire dans la même.
Unique arbitre des résultats, Manuel Zelaya aurait proclamé
son triomphe en soirée, consommant définitivement la violation
de la Constitution et son propre discrédit, sans besoin de la moindre
intervention militaire. Nul de bonne foi n'aurait avalisé son présumé
triomphe, réel ou non. Le Congrès national pouvait
alors ouvrir la procédure légale de destitution présidentielle
sans aucun char dans la rue. La communauté internationale aurait observé
sans s'émouvoir, d'autant que seule l'extrême gauche, soit 5 députés sur
128, soutenait encore le président Zelaya.
Les cris ne seraient venus que de la gauche radicale régionale alliée
au président Zelaya au sein de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques,
l'ALBA, qui englobe le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, l'Equateur,
le Honduras, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, ainsi que Saint-Vincent-et-les
Grenadines. L'ALBA aurait peut-être subi le même discrédit
que Manuel Zelaya, car lors de son VIe Sommet extraordinaire, le 24 juin
au Venezuela, elle s'était solidarisée avec la consultation
populaire déjà déclarée illégale au Honduras.
Malheureusement, à Tegucigalpa, c'est sous la menace du canon des chars autour
du palais présidentiel qu'on a chassé à l'aube du 28
juin le poids mouche politique qu'était devenu dans son pays le président
Zelaya, transformé du coup, hors du Honduras, en héraut du
droit et de la liberté. Pire qu'un délit et certes plus grave
que les illégalités reprochées à Manuel Zelaya,
ce coup d'Etat militaire, déclaré "légal" et "constitutionnel"
par la justice et par le président intérimaire du Honduras, Roberto
Micheletti, est un gâchis politique continental.
Car alors que le Parlement européen documente et dénonce
"la
dérive autoritaire inquiétante" du pouvoir au Venezuela, pays dénoncé
également par le
Rapport
annuel 2008 de la Commission interaméricaine des droits de
l'homme, alors aussi que Cuba prohibe le pluralisme politique et que plus de 200 dissidents encore
emprisonnés y sont toujours assimilés à des "traîtres" recrutés par
"l'impérialisme", qu'en Bolivie des commandos amérindiens empêchent des
élus de l'opposition d'accéder au Parlement lors du vote de lois stratégiques,
qu'en Equateur, comme au Venezuela et au Nicaragua, la justice, dénaturée en arme
politique, combat l'opposition et les médias non-gouvernementaux davantage que la criminalité galopante,
voilà que les présidents de ces pays, Hugo Chavez, Raul Castro, Evo Morales, Rafael Correa et Daniel
Ortega accueillent à Managua devant les télévisions
internationales l'exilé Manuel Zelaya et se présentent comme
un conseil des sages défendant la justice, les droits de l'homme et
la légalité internationale!
Associée aux Etats-Unis, à l'Organisation des Etats américains,
aux Nations unies, à l'Union européenne, à l'Union des
nations sud-américaines, etc. dans la juste et nécessaire condamnation
du coup d'Etat militaire au Honduras, la gauche radicale latino-américaine
en tire une légitimité médiatique providentielle qui camouflera mieux
ses propres dérives. Gare donc au choix d'un modèle inadéquat de
chasse-mouche.