PRÉTENTION "ILLÉGALE" DE RÉFORME DE LA CONSTITUTION
Honduras en crise: justice, Parlement et armée contre le président Zelaya, soutenu par Chavez
TEGUCIGALPA, vendredi 26 juin 2009 (LatinReporters.com) - La justice,
le Parlement et l'armée du Honduras s'opposent à la prétention
jugée "illégale" du président Manuel Zelaya de réformer
la Constitution et d'être éventuellement réélu. Cette crise institutionnelle risque de se transformer en crise internationale.
Le Venezuela de Hugo Chavez et ses alliés régionaux de la gauche
radicale soutiennent le président Zelaya, le présentant comme
"victime d'un coup d'Etat en marche". L'Organisation des Etats américains
(OEA) a été saisie d'urgence.
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Le président du Honduras, Manuel Zelaya
(à droite), avec le président vénézuélien
Hugo Chavez lors de la cérémonie de signature, le 25 août 2008
à Tegucigalpa, de l'adhésion du Honduras à l'ALBA (photo
ABN / ABI). |
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Grand propriétaire terrien, élu en novembre 2005 comme candidat
du Parti Libéral (droite) pour un mandat présidentiel de quatre
ans constitutionnellement non renouvelable, Manuel Zelaya créait la
surprise en signant en août 2008 l'adhésion de son pays centraméricain
à l'ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques), organisation
politico-commerciale internationale crée en 2004 par Hugo Chavez et
Fidel Castro. Le Congrès national hondurien (Parlement) accéda
à ratifier cette adhésion par attrait pour le pétrole vénézuélien,
mais en biffant par des réserves appropriées d'éventuelles
implications idéologiques et militaires.
Le ralliement personnel du président Zelaya au camp antiaméricain
risque de demeurer sans lendemain. En effet, aux élections générales
du 29 novembre prochain, la présidence devrait à nouveau, selon
les sondages, se jouer au sein de la droite, c'est-à-dire entre les
deux principales formations politiques du Honduras, le Parti National et
le Parti Libéral, qui ne considère plus Manuel Zelaya comme
l'un des siens.
Le président Zelaya pourrait-il néanmoins tenter de se faire
réélire comme candidat d'une autre liste, par exemple celle
du parti de gauche Unification Démocratique (crédité
d'à peine 1% des voix à la présidentielle de 2005)?
Légalement, non, car l'article 239 de la Constitution hondurienne
interdit expressément la réélection, consécutive
ou non, de toute personne ayant déjà exercé la charge suprême.
Pour exercer un second mandat présidentiel et maintenir le Honduras
dans le giron de la gauche pro-chaviste, Manuel Zelaya ne peut même
pas recourir à la ressource d'une réforme légale de
la Constitution, qui nécessite l'autorisation des deux tiers des 128
députés du Congrès national. D'une part, il n'obtiendrait
pas cette majorité des deux tiers. D'autre part, la Constitution elle-même
prohibe à l'article 374 une réforme qui remettrait en question
l'interdiction de la réélection présidentielle.
"Quatrième urne"
En conséquence, Manuel Zelaya a emprunté une voie extra-constitutionnelle,
non prévue par la Charte suprême et donc formellement illégale,
quoique revêtue d'un discours égalitariste et d'une apparence
démocratique pouvant légitimement séduire des secteurs
de la population dans un pays qui compte plus de 50% de pauvres.
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"Tension" titre à la une le 26 juin 2009 le quotidien hondurien Tiempo
sur une photo de l'armée canalisant pacifiquement des partisans du président Zelaya
qui vont récupérer du matériel électoral pour le référendum
"illégal" du 28 juin. | |
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Adoptant le schéma suivi successivement au Venezuela par Hugo Chavez,
en Bolivie par Evo Morales et en Equateur par Rafael Correa, le président
Zelaya propose la convocation d'une Assemblée constituante qui rédigerait
une nouvelle Constitution. Il s'agirait d'ajouter aux élections présidentielle,
législatives et municipales du 29 novembre une "quatrième urne"
dans laquelle les électeurs déposeraient leur oui ou leur non
à la convocation d'une Assemblée constituante.
Et pour légitimer la "quatrième urne", Manuel Zelaya demande
aux Honduriens de répondre dès ce dimanche 28 juin par référendum
à la question: "Approuvez-vous que lors des élections générales
de novembre 2009 soit installée une quatrième urne afin de
décider de la convocation d'une Assemblée nationale constituante
qui approuve une nouvelle Constitution politique?"
Cet échafaudage extra-constitutionnel a été déclaré
"illégal" par la Cour suprême de Justice, par le Tribunal suprême
électoral, par le Parquet de la République et par le Parlement
honduriens. Le président Zelaya prétendant néanmoins
aller de l'avant, les événements se sont précipités.
Coup d'Etat?
Le 24 juin, Manuel Zelaya destituait le chef d'état-major des forces
armées, Romeo Vasquez, qui se refusait, en invoquant les décisions
de la justice, à mobiliser la troupe pour organiser le référendum
"illégal" du 28 juin. En désaccord avec le président,
dont il est pourtant l'ami, le ministre de la Défense, Angel
Edmundo Orellana, présentait sa démission.
Le 25 juin, acceptant un recours du Parquet de la République, la Cour
suprême de justice annulait la destitution du général
Romeo Vasquez, rétabli de facto dans ses fonctions. Des militaires
étaient déployés dans la capitale, Tegucigalpa, pour "éviter des
incidents" que pourraient provoquer, précisait l'armée, des partisans du
président Zelaya.
Le Tribunal suprême électoral ordonnait la réquisition
du matériel prévu pour le référendum "illégal"
du 28 juin. Le président Zelaya, accompagné de quelques centaines
de sympathisants, réussissait néanmoins à obtenir de
la force aérienne la remise de matériel électoral arrivé,
selon les médias locaux, à l'aéroport de la capitale
dans un avion militaire vénézuélien.
Au soir du 25 juin, le Parlement débattait d'une éventuelle
destitution du président Zelaya. Ce débat devait se poursuivre
ce 26 juin en commission spéciale. Le référendum "illégal"
du 28 juin aura-t-il lieu? On ne le saura sans doute que le jour même.
Manuel Zelaya crie au "coup d'Etat". Lui faisant écho, les neuf pays
de l'ALBA (Venezuela, Cuba, Bolivie, Nicaragua, Equateur, Honduras, Dominique,
Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent-et-les Grenadines) ont dénoncé
au Nations unies une "tentative de coup d'Etat" contre le président
hondurien. Mais à Tegucigalpa, le vice-président du Parlement, Ramon Velasquez
Nazar, renvoie l'accusation contre Manuel Zelaya, estimant que son mépris
de la légalité pour obtenir coûte que coûte une
réforme de la Constitution serait, pour reprendre une expression utilisée par le
chef de l'Etat, le véritable "coup d'Etat technique".
Le président vénézuélien Hugo Chavez avertit
que les gouvernements "révolutionnaires" de la région ne
vont pas demeurer "les bras croisés". A Cuba, l'ex-président
Fidel Castro compare le "courageux" président Zelaya au défunt
président chilien Salvador Allende, renversé par le général
Pinochet en 1973. Le leader historique de la révolution cubaine croit
que la crise hondurienne est une épreuve significative pour l'image tant de
l'OEA, dont Manuel Zelaya réclame l'appui, que de l'administration américaine du
président Barack Obama.
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