Prix Nobel de la Paix 1987 pour sa contribution à la pacification
de l'Amérique centrale, meurtrie par des guerres civiles idéologiques
à l'époque de la guerre froide, Oscar Arias est soutenu dans
son rôle de médiateur par les Etats-Unis, l'Union européenne,
le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon,
et le secrétaire général de l'Organisation des Etats
américains, José Miguel Insulza.
Par contre, au sein de la gauche radicale latino-américaine, les
présidents Hugo Chavez (Venezuela), Daniel Ortega (Nicaragua), Evo
Morales (Bolivie) et Rafael Correa (Equateur) critiquent durement la médiation
d'Oscar Arias. Ils jugent non négociable le rétablissement
de la légalité au Honduras après le coup d'Etat du 28
juin, qualifié comme tel par la communauté internationale,
unanime à le condamner.
Grand propriétaire terrien et magnat de l'industrie du bois, élu
en 2005 président du Honduras comme candidat du Parti libéral
(droite), Manuel Zelaya avait surpris en ralliant ensuite le camp de la gauche
antiaméricaine. Il concrétisait ce virage en signant en août
2008 l'adhésion du Honduras à l'Alternative [aujourd'hui Alliance;
ndlr] bolivarienne pour les Amériques, l'ALBA, qui englobe actuellement
le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, l'Equateur, le Honduras, la
Dominique, Antigua-et-Barbuda, ainsi que Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
Hugo Chavez coordonna le 5 juillet dernier une tentative avortée de retour
au Honduras de Manuel Zelaya dans un avion vénézuélien.
Utilisant même le mot "guerre", le président Chavez mise explicitement
sur "l'insurrection du peuple", à laquelle appelle aussi Manuel Zelaya,
pour renverser Roberto Micheletti, élu au soir du 28 juin nouveau
chef de l'Etat hondurien par le Congrès qu'il présidait jusqu'alors.
Mais sans le renfort éventuel de contingents d'activistes que pourraient
dépêcher clandestinement le Salvador, le Guatemala et surtout le Nicaragua,
trois pays gouvernés à gauche frontaliers du Honduras, et malgré les manifestations
médiatiques de milliers de sympathisants de Manuel Zelaya, il n'est
guère aisé de soulever la majorité des 7,3 millions
de Honduriens au nom d'un socialisme révolutionnaire. Explication:
en 2005, à la dernière élection présidentielle,
96% (bien 96%)
des votes valables se répartirent en moitiés quasi égales
entre les candidats des deux grands partis de droite dont sont issus les
présidents du Honduras depuis des décennies, le Parti National
et le Parti Libéral de Manuel Zelaya et Roberto Micheletti. Cinq candidats s'affrontaient
pourtant à la présidentielle, qui se joue à tour unique.
Aussi inacceptable que maladroit, le coup d'Etat du 28 juin empêcha
ce jour-là une consultation populaire par laquelle Manuel Zelaya voulait
ouvrir la voie par étapes à une révision de la Constitution
pour y introduire notamment la réélection présidentielle,
strictement prohibée, et favoriser peut-être ainsi la sienne
propre. La Cour suprême de justice, le Parquet de la République,
le Tribunal suprême électoral et le Congrès du Honduras
avaient déclaré illégale cette consultation et l'armée
refusait en conséquence de participer à son organisation. Mépriser
ces institutions et s'arroger leurs prérogatives en prétendant
faire passer en force sa consultation fut de la part de Manuel Zelaya, désavoué
même par son propre parti, un abus de pouvoir multiple et manifeste.
Le coup d'Etat, plus expéditif qu'une destitution constitutionnelle
du Président, fut un abus plus grave encore.
LE PLAN ARIAS
C'est dans ce panorama que les délégués de Manuel
Zelaya et de Roberto Micheletti sont appelés à se prononcer
à San José, capitale du Costa Rica, sur ce plan de conciliation
en sept points que leur propose et qu'a résumé en ces termes
devant la presse le président costaricain Oscar Arias (les mots entre
guillemets sont exactement ceux prononcés par le président
Arias):
1. Rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence
de la République du Honduras, "charge qu'il assumera jusqu'à
la fin de la période constitutionnelle pour laquelle il fut élu
et qui se termine le 27 janvier de l'année prochaine, date à
laquelle il remettra le pouvoir au candidat désigné librement
et démocratiquement par le peuple lors d'élections supervisées
et reconnues par la communauté internationale". [NDLR - Le retour et rétablissement
à la tête du pays du président déposé est la concession essentielle,
et la plus difficile à obtenir, exigée du gouvernement de Roberto Micheletti issu du coup d'Etat].
2. Formation d'un gouvernement d'unité et de réconciliation
nationale, composé de représentants des principaux partis politiques.
3. Amnistie générale concernant exclusivement tous les
délits politiques commis dans le cadre du conflit en cours, avant
et après le 28 juin dernier. [NDLR - Ce serait une concession réciproque. Manuel Zelaya ne chercherait
pas à traduire en justice les putschistes et ces derniers, parmi lesquels
figurent tout de même l'ensemble du pouvoir judiciaire et la quasi
totalité des députés du Congrès, ne poursuivraient
pas Manuel Zelaya pour décisions anticonstitutionnelles et abus de
pouvoir antérieurs au coup d'Etat du 28 juin].
4. "Renoncement explicite du président Zelaya et de son gouvernement
à la prétention de placer une ‘quatrième urne’ aux prochaines
élections ou de réaliser toute consultation populaire non autorisée
expressément par la Constitution de la République du Honduras".
[NDLR - Pour Manuel Zelaya et ses alliés latino-américains de la gauche
radicale, cette condition est dure. Elle rendrait impossible à court
terme un changement de régime par la voie d'une Assemblée constituante,
voie suivie par le Venezuela, la Bolivie et l'Equateur. Manuel Zelaya voulait
ajouter aux prochaines élections générales, à
la fois présidentielle, législatives et municipales, une "quatrième
urne" pour dire oui ou non à la convocation d'une Assemblée
constituante. La première étape de cette prétention extraconstitutionnelle,
une consultation populaire tout aussi extraconstitutionnelle fixée
au 28 juin par Manuel Zelaya pour autoriser ou non la "quatrième urne"
aux élections générales de novembre, fut le détonateur
du coup d'Etat].
5. Anticipation au 25 octobre, dernier dimanche du mois, des
élections générales (présidentielle, législatives
et municipales) prévues avant le conflit pour le 29 novembre et ouverture
dès les premiers jours d'août de la campagne électorale
prévue initialement pour septembre.
6. "Transfert du commandement des forces armées du pouvoir exécutif
au Tribunal suprême électoral un mois avant les élections
afin de garantir la transparence et la normalité du scrutin, conformément
aux termes de la Constitution de la République du Honduras".
7. "Commission de vérification composée de notables Honduriens
et de membres d'organismes internationaux, spécialement de représentants
de l'Organisation des États Américains, pour surveiller l'accomplissement
de ces accords et superviser le retour correct à l'ordre constitutionnel".