WASHINGTON, jeudi 8 novembre 2012 (LatinReporters.com) - Peut-on encore devenir président des États-Unis sans
être au préalable applaudi dans les quartiers latinos ? La réélection
le 6 novembre de Barack Obama, porté par le vote crucial des
Hispaniques, et le galop démographique de cette minorité devenue
la première des États-Unis confèrent à cette
question une pertinence qui conditionnera les prochaines courses à
la Maison blanche.
Selon les statistiques et les sondages respectés
diffusés par Latino Decisions, quelque 12,2 millions d'Hispaniques
ont voté mardi pour élire le président des États-Unis,
contre un peu moins de 10 millions en 2008. Jamais les Latinos ne s'étaient
rendus si nombreux aux urnes. Ils ont totalisé 10% des votants, contre
7,4% quatre ans plus tôt, et 75% d'entre eux ont plébiscité le
démocrate Barack Obama, son rival républicain Mitt Romney n'attirant
qu'un maigre 23% du vote hispanique.
Les trois quarts des Latinos étant concentrés
dans dix des cinquante États (Nevada,
Californie, Arizona, Nouveau Mexique, Colorado, Texas, Illinois, Floride,
New Jersey et New York), leur poids est d'autant plus grand pour faire basculer
plusieurs de ces États en faveur de l'un ou l'autre candidat, lesquels
engrangent la totalité des grands électeurs des États
où leur score est majoritaire. (Pour remporter l'élection présidentielle,
il faut s'assurer au moins 270 grands électeurs. Obama en comptait
mercredi soir 303, contre 206 à Romney, les résultats toujours
attendus de la Floride ne pouvant plus modifier le résultat de l'élection).
Que 12,2 millions de votes latinos aient été, selon de nombreux
journalistes et experts, la clé de la nouvelle victoire de Barack
Obama laisse rêveur si l'on considère le potentiel électoral
théorique, actuel et futur, des Hispaniques. Leur nombre total aux
États-Unis est aujourd'hui de 52 millions (16,7% de la population).
Ces descendants d'immigrés ou immigrés eux-mêmes venus
essentiellement du Mexique voisin, de Porto Rico, de Cuba et du Salvador seront,
selon les projections, 132 millions en 2050, soit 30,2% des habitants vivant
alors sous la bannière étoilée.
Sur les 52 millions de Latinos actuels, qui font des États-Unis le
second pays hispanique de la planète (après le Mexique et devant
l'Espagne), 23,6 millions jouissent du droit de vote, mais seulement 15 millions
se sont inscrits pour pouvoir l'exercer et à peine donc 12,2 millions
l'ont exercé effectivement lors de l'élection présidentielle
de mardi. C'est dire, avis aux prochains candidats à la Maison blanche,
que le potentiel du vote latino est encore largement sous-utilisé.
Le directeur de l'association Mi Familia Vota, Ben Monterroso, n'en considère pas moins
qu'en cette année 2012 l'influence des électeurs latinos a
débordé du niveau des États pour se propulser au niveau
fédéral.
Clarissa Martinez, du Consejo Nacional de La Raza, croit que "les Latinos
répondent dans les urnes aux candidats qui ont construit une relation
avec eux et qui ont mis en avant les dossiers qui les préoccupent".
Barack Obama, précisément, a rencontré lors de sa campagne
ces préoccupations, à savoir l'emploi (qui inquiète
53% des Hispaniques), l'immigration (35%), l'éducation (20%) et la
santé (14%).
Six Latinos sur dix estiment que la candidature de Mitt Romney a souffert
de ses déclarations sur l'immigration. "La position du Parti républicain
sur l'immigration lui a fait perdre de nombreux votes qu'il aurait pu récolter"
affirme Gary Segura, co-directeur de Latino Decisions.
"Les résultats [de la présidentielle] sont un avertissement
clair aux républicains" insiste le syndicaliste Eliseo Medina. Selon
lui, si les républicains "veulent être un parti de poids dans
le futur, ils devront bien travailler pour les Latinos et promouvoir une réforme
migratoire intégrale". Cette réforme est l'un des objectifs
de Barack Obama. Elle soulève quelques réticences au sein de
son Parti démocrate, sans doute moins plébiscité qu'Obama
lui-même.