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Après l'accord avec le FMI et sous les encouragements de George W. Bush

L'Argentine prétend n'assumer que 25% de sa dette envers ses créanciers privés

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Dossier Argentine

BUENOS AIRES, jeudi 25 septembre 2003 (LatinReporters.com) - Le Fonds monétaire international (FMI) et les Etats-Unis semblent approuver la perte la plus gigantesque jamais proposée par un pays à ses créanciers. C'est en effet après un rééchelonnement de sa dette envers le FMI (apparemment généreux, mais qui ne perd rien) et sous les encouragements de George W. Bush que l'Argentine (toujours en crise) du président Nestor Kirchner propose d'honorer à peine 25% de sa dette publique non reconvertie après le moratoire de 2001 et contractée envers des créanciers privés.

Des centaines de milliers de petits porteurs sont visés. Ils perdraient les trois quarts d'un montant évalué à 87 milliards de dollars.

Le total de la dette publique argentine est actuellement de 178,8 milliards de dollars. Plus de la moitié -94,3 milliards de dollars- est en défaut, donc non remboursée à l'échéance. Cela affecte plus de 500.000 créanciers privés italiens, allemands, américains, japonais et surtout argentins, porteurs de 152 types de bons publics, émis en six monnaies pour une valeur globale de 87 milliards de dollars. Outre les trois quarts de leur principal, ils risquent de perdre aussi 13 milliards de dollars d'intérêts impayés, que le gouvernement de Buenos Aires ne reconnaît pas.

En marge des réunions du FMI tenues à Dubaï, le ministre argentin de l'Economie, Roberto Lavagna, proposait lundi aux représentants de ces créanciers trois types de titre pour remplacer les anciens, l'échange devant aboutir à réduire la dette dans une proportion de 75%. Aucun remboursement en liquide n'est envisagé.

Même si elle n'est qu'un prélude à des négociations pouvant durer plus d'un an, cette proposition de choc a soulevé la consternation et la colère. D'autant plus que, selon leurs représentants, la majorité des créanciers lésés sont des petits porteurs "qui n'ont pas un profil de spéculateur". Des fonds de pension sont aussi touchés.

L'avocat d'un groupe de créanciers italiens, Mauro Sandri, n'a pu s'empêcher de crier au "scandale". Il estime que l'accord que viennent de conclure le FMI et l'Argentine sur le rééchelonnement de la dette envers les organismes internationaux n'a pas tenu compte des créanciers privés.

A ce propos, les milieux financiers soulignent que le FMI a accepté la prévision d'un excédent budgétaire primaire d'à peine 3% pour l'Argentine en 2004 (contre 4,25% exigé du Brésil). Ce surplus détermine la capacité de remboursement d'un pays. Le taux de 3% suffirait à peine à honorer les échéances dues aux créanciers privilégiés que sont les organismes internationaux, dont le FMI.

"Les privilégiés d'aujourd'hui sont ceux qui portent la responsabilité de la suspension de paiements (de l'Argentine)" ajoute Mauro Sandri. L'orthodoxie néo-libérale longtemps imposée par le FMI à l'Argentine, puis l'inattendue suspension de son aide financière en 2001 ont, de fait, été considérées par de nombreux analystes -pas nécessairement majoritaires- comme des causes, parmi d'autres, de la débâcle de l'Argentine.

Bush à Kirchner: "Je vous félicite"

Vingt-quatre heures après la douche froide de Dubaï et à 11.000 km de cet émirat de la Côte des pirates (nom géographique authentique), le président américain George W. Bush saluait à New York son homologue argentin Nestor Kirchner. En marge de l'Assemblée générale des Nations unies, il lui lançait: "Je vous félicite à nouveau pour l'accord avec le Fonds monétaire. Maintenant, il faut continuer à négocier fermement avec les créanciers privés".

En juxtaposant cet encouragement du président Bush, l'accord apparemment généreux et social du FMI avec l'Argentine, l'intransigeance de Buenos Aires à l'égard de ses créanciers petits porteurs et l'angoisse de ces derniers, des hypothèses ou conclusions de médias latino-américains deviennent plausibles:

1. La générosité présumée du FMI envers l'Argentine peut avoir été dictée par les Etats-Unis, principal actionnaire du Fonds. Washington redouterait qu'une Argentine désemparée n'accentue, en Amérique du Sud, le virage à gauche imprimé par le Brésil, le Venezuela, l'Equateur et, dans une moindre mesure, le Chili.

2. L'apparence de générosité confère au FMI un premier vernis social, utile pour préserver son influence dans un monde qui globalise l'exigence de justice et d'équité. Le président argentin Nestor Kirchner, lui, est devenu face au FMI le "digne négociateur des intérêts argentins". Cette auréole lui a permis de faire triompher ses candidats aux récentes élections de Buenos Aires (ville et province) et d'asseoir ainsi réellement son pouvoir.

3. Les Etats-Unis, le FMI et le gouvernement argentin se soucient peu du désarroi de centaines de milliers d'épargnants qui avaient investi dans les titres argentins et qui risquent de perdre leur mise. Ces petits porteurs supporteraient ainsi l'essentiel du coût financier d'une crise alimentée notamment par la corruption et le clientélisme de politiciens péronistes, dont le parti est toujours au pouvoir en Argentine. Le président Kirchner ne représente au sein du péronisme qu'une tendance, qu'il qualifie de "sociale-démocrate".

4. Les "gros" créanciers de l'Argentine sont mieux lotis. Les principales banques étrangères avaient reconverti leurs créances après le moratoire de décembre 2001, au prix de pertes nettement moins élevées, proportionnellement et en valeur absolue, que celles qui menacent aujourd'hui les petits porteurs. Quant au FMI, son dernier accord avec l'Argentine lui garantit le remboursement de tous ses prêts. En outre, les lignes générales de cet accord diffusées le 20 septembre à Dubaï par le FMI révèlent que le gouvernement argentin s'est engagé à accélérer à la Chambre des députés l'approbation de la loi qui permettra d'augmenter les tarifs actuellement gelés de services publics privatisés. L'Argentine s'engage aussi à dédommager les banques qui ont souffert de la suppression quasi généralisée du dollar au profit d'un peso dévalué. Au moment de l'annonce de la conclusion de l'accord, le 10 septembre avant d'importantes élections locales, le président Kirchner s'était glorifié de l'absence de tels engagements.

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