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Analyse, par Christian Galloy

L'Argentine en banqueroute va aux urnes

Elections législatives, provinciales et municipales le 14 octobre

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BUENOS AIRES, 8 octobre 2001 (latinreporters.com) - Au bord d'une banqueroute qu'accélère l'impact dépressif des attentats aux Etats-Unis, l'Argentine va élire le dimanche 14 octobre la totalité de ses 72 sénateurs et la moitié de ses 257 députés. Parlements provinciaux et conseils municipaux seront également partiellement renouvelés. La crise économique argentine et la défaite électorale probable de la coalition gouvernementale du président Fernando de la Rua perturbent les principaux marchés financiers d'Amérique latine.

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10 décembre 1999: le président
sortant, Carlos Menem (à gauche),
transmet le pouvoir au président
Fernando de la Rua (à droite)
© Presidencia de la Nacion-Argentina
Les élections du 14 octobre sont le dixième rendez-vous des Argentins avec les urnes depuis la fin de la dictature militaire, en 1983. Mais pour Fernando de la Rua, investi président en décembre 1999 et dont le mandat expirera en 2003, il s'agit d'un premier test dont dépend l'avenir de sa coalition gouvernementale, déjà largement fissurée.

Cette coalition de centre gauche comprend l'Union civique radicale (UCR, centriste) et le Front Pays solidaire (FPS, gauche). Elle est appuyée par l'Action pour la République (AR, centre droit) de Domingo Cavallo, nommé ministre de l'Economie en mars dernier.

Dans la campagne électorale, nombre de candidats font fi de propositions nouvelles, préférant tirer à boulets rouges sur le gouvernement. Le prestige de l'exécutif, miné par son échec économique et social, est si bas que des candidats de la coalition au pouvoir n'hésitent pas à faire campagne contre Domingo Cavallo, père du dur programme d'austérité actuel, le septième depuis 1999.

"Déficit zéro" en échec

Le départ du ministre Cavallo est même souhaité par l'ex-président Raul Alfonsin, candidat au sénat et dirigeant influent du parti pilier de la coalition gouvernementale, l'UCR centriste du président Fernando de la Rua.

Sa "loi du déficit zéro", applaudie par le Fonds monétaire international (FMI), a fait de Domingo Cavallo le politicien le plus impopulaire d'Argentine.

Le "déficit zéro" signifie l'équilibre absolu entre dépenses publiques et rentrées fiscales, avec pour conséquence actuelle l'amputation de 13% des salaires des fonctionnaires et des retraites dépassant 500 pesos par mois (1 peso = 1 dollar). Mais les revenus fiscaux étant en baisse à cause d'une dépression économique qui entame sa quatrième année, la ponction sur les retraites et les salaires devrait théoriquement s'accentuer, alors que grèves et manifestations témoignent du risque d'explosion sociale. D'autant plus que le tiers des Argentins vit sous le seuil de pauvreté.

La semaine dernière, l'annonce de la baisse de 14% des recettes fiscales de septembre par rapport à celles de septembre 2000 a sans doute condamné Domingo Cavallo et sa politique du "déficit zéro". Décourageant la consommation par la baisse des salaires publics, cette politique accroît en effet le déficit fiscal au lieu de le réduire. Malgré les démentis officiels, il serait surprenant que le ministre Cavallo survive aux élections du 14 octobre. Au-delà de cette date, une dévaluation du peso ou une dollarisation totale de l'économie argentine restent des hypothèses également démenties par le gouvernement.

L'opposition justicialiste (péroniste) de l'ex-président Carlos Menem pourrait être la principale bénéficiaire d'une défaite attendue de l'alliance gouvernementale. Il est toutefois difficile de mesurer l'impact électoral de la détention à domicile de Carlos Menem, arrêté en juin comme " chef présumé d’une association illicite " de contrebande d’armes vers l’Equateur et la Croatie.

Des dissidents centristes et de gauche de la coalition gouvernementale pourraient réaliser un score honorable dans la province de Buenos Aires avec leur nouveau mouvement ARI (Alternative pour une république d'égaux). Concentrant le tiers des 36 millions d'Argentins et 30% du produit intérieur brut du pays, la province de Buenos Aires sera aussi le banc d'essai du "Pôle social", fondé par le prêtre catholique de gauche Luis Farinello, candidat au sénat. Le "Pôle social" a attiré plusieurs dirigeants du syndicalisme péroniste.

Pour secouer l'apathie d'électeurs souvent écoeurés par la politique et la corruption, tous les partis, redoutant une forte abstention malgré le caractère obligatoire du vote, ont recruté des candidats dans le monde des sports et du spectacle.

"L'effet tango" menace l'Amérique latine

Les marchés financiers reflètent l'échec de la politique économique du gouvernement. L'indice Merval, principal indicateur de la bourse de Buenos Aires, est à son plus bas niveau depuis dix ans. Il a baissé de 33% depuis le début du mois de septembre. Le risque pays argentin, qui mesure la méfiance des investisseurs, atteignait vendredi 1868 points, un niveau inégalé depuis le début des années 90. Quant aux prêts interbancaires, ils se concluaient vendredi au taux record de 35%.

La bourse brésilienne de Sao Paulo, première place financière d'Amérique latine, subit de plein fouet ce que les analystes appellent "l'effet tango", provoqué par le marasme argentin. Toutes les bourses et économies latino-américaines sont menacées par la banqueroute probable de l'Argentine. Le Mexique résiste mieux, grâce à son appartenance à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), signé en 1994 avec le Canada et les Etats-Unis.

Pour l'Amérique latine en général, déjà confrontée au ralentissement économique des Etats-Unis et aux incertitudes des marchés financiers ébranlés par l'impact régional de la crise argentine, les attentats terroristes du 11 septembre contre New York et Washington ont été perpétrés au plus mauvais moment. Les institutions économiques internationales soulignent le prix élevé que paiera l'Amérique latine. La Banque mondiale estime même qu'elle sera la région la plus touchée par les effets économiques du terrorisme.

Dans cette morosité mondiale, l'Argentine, pliant sous une dette publique de 132 milliards de dollars, ne pourra sans doute plus mobiliser à nouveau une aide financière internationale suffisante pour échapper à la cessation de paiements.


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