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Rapport 2002 (relatif à l'année 2001) d'Amnesty International

Brésil: droits de l'homme

Ce texte d'Amnesty International n'engage que la responsabilité de cette organisation

(Retranscrit par latinreporters.com à QUITO, dimanche 2 juin 2002) - A tous les niveaux du système de justice pénale, que ce soit au moment de l'arrestation ou pendant le séjour dans les postes de police, les prisons et les centres de détention pour mineurs, le recours à la torture et aux mauvais traitements demeurait généralisé et systématique.

Dans plusieurs États, des mutineries de grande ampleur ont éclaté dans des prisons et des centres de détention pour mineurs, essentiellement en raison de certains problèmes récurrents dans le système pénitentiaire et du caractère cruel, inhumain et dégradant des conditions de détention.

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Dossier: droits
de l'homme

Des policiers et des escadrons de la mort liés aux forces de sécurité se sont rendus coupables de nombreux meurtres de civils, parmi lesquels des enfants, dans des circonstances laissant à penser qu'il s'agissait d'exécutions extrajudiciaires.

Dans les régions rurales, des personnes militant pour la réforme agraire, des défenseurs de l'environnement et des membres de communautés indigènes ont été tués ou agressés par des policiers militaires et des tueurs professionnels agissant pour le compte de propriétaires terriens. Cette année encore, des défenseurs des droits humains ont été menacés et attaqués.

La plupart des responsables de ces violences continuaient cependant à bénéficier de l'impunité.

Contexte

La criminalité urbaine constituait toujours un problème grave dans l'ensemble du pays. Trouvant souvent son origine dans un contexte lié à la drogue, la violence a fait un grand nombre de victimes, particulièrement dans les grandes villes. L'opinion publique se manifestait largement en faveur d'une répression accrue. Dans plusieurs États, des grèves de policiers ont traduit un fort mécontentement en matière de rémunération et de conditions de travail.

La presse s'est amplement fait l'écho de grands scandales liés à la corruption. Trois sénateurs, parmi lesquels le président du Sénat en exercice et son prédécesseur, ont démissionné à la suite d'enquêtes sur des actes de corruption et des malversations. Partout dans le pays, des individus ayant enquêté sur la corruption des responsables de l'État ou l'ayant dénoncée auraient été menacés et agressés.

Torture et mauvais traitements

Des policiers civils et militaires, des gardiens de prison et des membres des forces armées ont continué à avoir recours à la torture et aux mauvais traitements. La torture était utilisée pour arracher des "aveux" aux détenus, pour les humilier ou les contraindre à l'obéissance et, de plus en plus fréquemment, pour leur extorquer de l'argent. Le nombre d'enquêtes de police menées sur des allégations de torture a augmenté, mais les condamnations au titre de la Loi relative à la torture de 1997 restaient peu importantes.

En avril, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a indiqué dans son rapport à la Commission des droits de l'homme des Nations unies relatif à la visite qu'il a effectuée au Brésil en août et septembre 2000 que la torture et les mauvais traitements étaient "généralisés et systématiques". Le rapport citait 348 cas de torture et mettait en lumière les failles du système de justice pénale qui rendaient possible l'impunité pour les auteurs de ces sévices.

En mai, dix ans après la date prévue, le gouvernement a soumis son rapport initial au Comité contre la torture des Nations unies. Celui-ci a reconnu que le rapport était franc et transparent, mais a critiqué l'ampleur de la pratique de la torture et le manque de volonté de la part des autorités pour punir les responsables.

Au mois d'octobre, le gouvernement fédéral a lancé une campagne de sensibilisation contre cette pratique et mis en place une ligne téléphonique gratuite, gérée par une organisation non gouvernementale (ONG) et destinée à recevoir des plaintes anonymes de torture. Parmi les 518 cas qui ont été signalés durant le premier mois figuraient des actes imputables à des policiers civils et militaires et à des membres du ministère public.

Le gouvernement a également annoncé la création d'une commission nationale chargée d'enquêter sur les allégations de torture et de faire des recommandations concernant des mesures susceptibles de mettre un terme à la torture ainsi qu'à l'impunité dont jouissent les personnes qui en sont responsables. Tout en convenant que cette campagne constituait un premier pas important, de nombreuses ONG, parmi lesquelles Amnesty International, craignaient qu'elle ne s'avère insuffisante pour assurer l'application des recommandations de l'ONU et la mise en place des réformes nécessaires pour mettre fin à l'impunité.

En septembre, 17 détenus auraient été torturés au centre de détention provisoire Belém II de São Paulo par des gardiens qui les accusaient de préparer une tentative d'évasion. Ils auraient eu la tête recouverte d'une cagoule durant trois nuits consécutives et auraient été emmenés hors de leurs cellules et battus pendant des périodes pouvant atteindre quarante-cinq minutes. Leurs blessures auraient été à peine soignées. Le secrétariat de l'administration pénitentiaire a informé Amnesty International que les résultats des premiers examens médico-légaux ne pouvaient confirmer ces allégations, mais les détenus ont déclaré qu'ils avaient été examinés de manière superficielle.

Au mois d'octobre, Francisco das Chagas Gomes de Sousa, âgé de vingt-six ans, a été détenu illégalement au 10e poste de police de Teresina, dans l'État du Piauí, par des policiers civils. Lorsqu'il a été remis en liberté après cinq jours de détention, il présentait de nombreuses contusions et coupures, il avait le genou démis et il crachait du sang, apparemment en conséquence des actes de torture que lui avaient infligés des policiers qu'il a identifiés. Il est mort à l'hôpital le lendemain. Des membres de la police fédérale ont par la suite trouvé des instruments de torture au poste de police et établi que la plupart des 800 personnes qui y avaient été détenues au cours de l'année précédente l'avaient été arbitrairement, sans que les autorités judiciaires en soient informées. Ils ont recueilli de nombreuses informations faisant état de torture et d'extorsion d'argent par des policiers civils. Leur rapport a été transmis au ministère public fédéral.

Conditions carcérales et morts en détention

Les personnes détenues dans les postes de police, les centres de détention provisoire, les prisons et les centres de détention pour mineurs enduraient toujours des conditions cruelles, inhumaines ou dégradantes. La forte surpopulation, le placement illégal de prisonniers condamnés dans des structures de détention provisoire, le caractère déplorable des conditions d'hygiène et de santé ainsi que la présence d'un personnel insuffisamment formé et mal payé constituaient autant de facteurs qui, combinés à la présence de gangs puissants à l'intérieur des prisons, favorisaient les affrontements violents et les mutineries.

Les autorités de plus de 10 États, généralement assistées des troupes de choc de la police, ont réprimé des émeutes dans des prisons, des postes de police et des centres de détention pour mineurs. Les faits les plus graves se sont déroulés dans l'État de São Paulo en février, lorsque des mutineries ont simultanément éclaté dans 29 centres de détention répartis sur l'ensemble du territoire de l'État. Seize détenus ont été tués lors de ces événements, la plupart par d'autres détenus.

Un grand nombre de personnes seraient mortes en détention, en raison soit d'un recours excessif à la force par des surveillants ou des policiers, soit de l'absence de soins médicaux, soit encore de violences entre détenus. Les initiatives visant à résoudre les problèmes du système carcéral, par exemple le projet de construction, à São Paulo, de prisons de taille et de capacité plus gérables, ont été compromises, entre autres par l'augmentation du nombre de peines d'emprisonnement prononcées pour des infractions mineures. Dans un État qui compte déjà 40 p. cent de la population carcérale du pays, le système pénitentiaire a ainsi dû absorber chaque mois plus de 800 détenus supplémentaires.

Au mois d'octobre, des délégués d'Amnesty International se sont rendus dans deux postes de police de Belo Horizonte, dans l'État du Minas Gerais. Ceux-ci étaient dépourvus d'installations sanitaires et médicales et leurs cellules étaient surpeuplées en raison de la présence de prisonniers déjà condamnés qui étaient détenus dans ces lieux au mépris de la loi. Au poste chargé de la lutte contre les stupéfiants, le taux de surpopulation s'élevait à 1.000 p. cent, avec 280 personnes - dont 80 p. cent de prisonniers condamnés - enfermées dans un espace prévu pour 28. Les détenus étaient placés dans de petites cellules sombres et n'étaient autorisés à sortir qu'une heure tous les quinze jours ; certains étaient contraints d'utiliser des assiettes jetables pour faire leurs besoins naturels. Dans les deux postes de police visités, des détenus ont affirmé qu'ils avaient été torturés. Ceux du poste affecté à la lutte contre les vols et les cambriolages ont expliqué que les gardiens leur avaient infligé des décharges électriques, avaient tiré des coups de feu dans leurs cellules et les avaient aspergés d'eau froide, entre autres formes de torture.

Toujours en octobre, des policiers militaires puissamment armés ont pénétré dans le pénitencier de l'État d'Amapá, situé à Macapá, et auraient abattu un prisonnier d'une balle dans la tête. Celui-ci était inculpé pour l'agression d'un policier militaire et attendait d'être jugé. L'agent apparemment responsable a dit qu'il avait tiré en état de légitime défense. Selon les informations recueillies, des témoins qui avaient vu que l'on ordonnait au prisonnier de s'agenouiller avant de l'abattre ont été empêchés par des policiers militaires de rencontrer le directeur de la prison et de l'en informer le lendemain. Les agents auraient tiré des coups de feu et blessé deux détenus et auraient battu et roué de coups de pied deux autres.

Exécutions extrajudiciaires et escadrons de la mort

Cette année encore, des policiers civils et militaires ont été responsables d'un grand nombre de morts, souvent dans des circonstances donnant à penser qu'il y avait eu recours excessif à la force ou qu'il s'agissait d'une exécution extrajudiciaire. A São Paulo, 481 homicides commis par des policiers, en majorité militaires, ont été signalés durant l'année au bureau de médiation de la police, un chiffre nettement supérieur aux 364 homicides recensés en 2000. Dans de nombreux États, les escadrons de la mort continuaient d'agir en toute impunité, avec la coopération ou la complicité de la police. La Commission des droits humains de l'État de Bahía a signalé que des escadrons de la mort, composés en grande partie de policiers civils et militaires agissant quand ils ne sont pas en service, avaient tué 159 personnes dans la ville de Salvador durant les sept premiers mois de l'année.

Dans plusieurs États, des défenseurs des droits humains, des responsables politiques, des journalistes et des militants écologistes ont été victimes de menaces de mort ou d'exécutions extrajudiciaires, souvent après avoir dénoncé ou enquêté sur la corruption des responsables politiques.

Le 7 janvier, le père de Luís Gustavo Romano a signalé la disparition de celui-ci à la police. Selon des rumeurs qui lui étaient parvenues, son fils et Paulo Bezerra dos Santos, tous deux âgés de seize ans, avaient été impliqués dans une fusillade avec des policiers militaires à Jabaquara, dans la ville de São Paulo. Selon des témoins, les deux jeunes gens ont été frappés et arrêtés dans la rue, avant d'être emmenés dans une voiture de police. Le 8 janvier, le corps de Luís Gustavo a été retrouvé à un carrefour et celui de Paulo dos Santos dans un bois. Selon les informations recueillies, les deux adolescents avaient été tués par balle et au moins l'un des deux corps portait des marques de coups. Les policiers ont par la suite déclaré que les jeunes gens avaient été surpris alors qu'ils essayaient de voler une voiture et qu'ils avaient été tués lors d'un échange de coups de feu. Accusés d'homicide, plusieurs policiers militaires ont été arrêtés.

Violences liées au droit à la terre

Des personnes militant pour le droit à la terre ont été harcelées et attaquées par la police militaire lors d'expulsions. La Comissão Pastoral da Terra (CPT, Commission pastorale de la terre) a signalé que, de janvier à septembre, au moins 73 militants avaient reçu des menaces de mort et 25 autres avaient été assassinés par des tueurs professionnels agissant souvent avec le consentement manifeste de la police et des autorités locales.

Au moins neuf militants ont été tués dans le sud de l'État du Pará, où régnait cette année encore une situation d'esclavage, d'impunité et de violence extrême liée à la question de la terre. A la suite d'une visite effectuée dans la région, des membres de la Commission fédérale des droits humains ont indiqué que des sociétés de sécurité privées proposaient ouvertement les services de tueurs professionnels.

Le 9 juillet, José Pinheiro Lima, sa femme et leur fils âgé de quinze ans ont été tués par des hommes armés à leur domicile, près de la ville de Marabá, dans le sud de l'État du Pará. José Pinheiro Lima était un membre dirigeant du syndicat des travailleurs agricoles de Marabá, qui défendait 120 familles dont les droits d'occupation de terres non cultivées étaient contestés par des propriétaires terriens. Deux hommes soupçonnés d'avoir ordonné les homicides ont été arrêtés, mais ils ont été remis en liberté après quelques jours de détention. L'un des auteurs présumés des meurtres a été interpellé, mais s'est échappé durant sa garde à vue, en décembre. L'enquête de police n'avait pas progressé à la fin de l'année.

Des membres de communautés indigènes ont également été victimes de menaces, d'agressions et d'homicides dans le cadre de litiges fonciers. Au moins dix membres de communautés indigènes ont été tués par la police ou par des tueurs professionnels à la solde de propriétaires terriens, qui agissaient au vu et au su des autorités ou même avec leur approbation. De nombreux autres ont reçu des menaces de mort.

Le chef xucuru Francisco de Assis Santana, également connu sous le nom de Chico Quelé, a été tué dans une embuscade le 23 avril. Il a été abattu de deux balles de fusil de calibre 12 à Pesquerira, dans l'État de Pernambouc. Chico Quelé allait rencontrer des membres de la Fundação Nacional do Indio (FUNAI, Fondation nationale de l'Indien, organisme public responsable des questions indigènes) afin d'évoquer la question des indemnités à verser aux propriétaires terriens dont les terres devaient être délimitées comme appartenant aux populations indigènes. La police fédérale a fait savoir qu'elle enquêtait sur l'éventualité de conflits internes au sein de la communauté xucuru, qui pourraient être à l'origine de ce meurtre. Cependant, selon des informations reçues par Amnesty International, des éléments probants laissent à penser qu'un propriétaire terrien aurait ordonné cet assassinat, ainsi que celui, commis en mai 1998, de Francisco de Assis Araújo, connu sous le nom de Chicão Xucuru.

Impunité

La lenteur de la justice brésilienne a permis à de nombreux auteurs de violences de demeurer impunis. Des procès concernant certaines affaires anciennes ont cependant eu lieu, grâce à la persévérance de militants des droits humains.
CARANDIRU
En juin, le colonel Ubiratan Guimarães, un ancien responsable de haut rang de la police militaire, a été condamné pour son implication dans le massacre de 111 détenus du centre de détention de Carandiru, tués à la suite d'une mutinerie en 1992. Dans une décision historique, le jury a conclu que le colonel était responsable des troupes de choc de la police militaire de São Paulo et que ces unités avaient pénétré dans la prison avec l'intention de faire un massacre. Le colonel a été condamné à six cent trente-deux années d'emprisonnement, mais a été remis en liberté dans l'attente de l'examen de son appel. A la fin de l'année, 105 autres policiers militaires attendaient d'être jugés pour leur participation au massacre. Les autorités de São Paulo ont annoncé leur intention de fermer la prison au début de l'année 2002.
TUCUNA
Au mois de mai, 13 hommes ont été reconnus coupables d'avoir ordonné ou perpétré, en 1988, une attaque contre une centaine d'Indiens tucuna à Capacete, dans l'État de l'Amazone, au cours de laquelle 14 personnes, dont six enfants, avaient été tuées. Ils ont été condamnés à des peines allant de quinze à vingt-cinq ans d'emprisonnement. Un certain nombre ont été jugés par contumace. Il s'agit des premières condamnations pour génocide prononcées par un tribunal de l'État de l'Amazone.
ELDORADO DE CARAJAS
En juin, le nouveau procès de 153 policiers militaires inculpés d'homicide qualifié a été encore une fois différé. Ces policiers sont accusés d'avoir tué 19 militants pour le droit à la terre qui protestaient sur une route dans le sud de l'État du Pará en 1996. Le tribunal a rejeté de nouvelles expertises médico-légales produites par l'accusation et de nouveaux examens ont été effectués par des légistes nommés par le tribunal. L'accusation, affirmant que le juge n'avait pas fourni de motifs suffisants pour rejeter les éléments de preuve et les témoignages de ses spécialistes, a fait appel de la décision. a la fin de l'année, aucune date n'avait été fixée pour le début du nouveau procès.

Visites d'Amnesty International

Des délégués d'Amnesty International ont assisté aux séances du Comité des Nations unies contre la torture qui se sont tenues à Genève en mai. Ils se sont rendus au Brésil et ont présenté un rapport sur la torture en octobre.

Traités ratifiés ou signés en 2001

Protocole facultatif à la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.


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