Le Chili a restauré l'image de Salvador Allende 30 ans après le putsch de Pinochet
Si, grâce surtout à l'actuel président socialiste
Ricardo Lagos, le Chili a enfin retrouvé sa mémoire historique,
il faut aussitôt rappeler, pour ne pas sombrer dans le rêve,
que la droite qui avait soutenu Pinochet contrôle 57 des 120 députés
de la Chambre depuis les législatives de décembre 2001. Et
au sein même de la droite, ce sont les ultras de l'UDI (Union démocrate
indépendante) qui avaient alors progressé le plus, bondissant
de 14,45% à 25,19% des votes nationaux. Ils ont ravi ainsi à
la vieille démocratie chrétienne son statut historique de
premier force politique du Chili.
Salvador Allende a été, en ces premiers jours de septembre, la vedette posthume de deux méga-récitals qui rassemblèrent à Santiago des dizaines de milliers de Chiliens et des artistes de toute l'Amérique latine. Au Stade national, transformé il y a trente ans en camp de concentration, le chanteur-compositeur Gilberto Gil (il est également ministre brésilien de la Culture), puis le cubain Silvio Rodriguez exorcisèrent la nouvelle génération. Sur les écrans géants défilaient en noir et blanc des images d'Allende. Le public criait "Se siente, se siente, Allende está presente!" ("On le sent, on le sent, Allende est présent"). "Un peuple sans mémoire ne peut aller de l'avant" avait lancé Gilberto Gil. Malgré les critiques de l'opposition et de certains de ses alliés, le président Ricardo Lagos, deuxième chef d'Etat socialiste de l'histoire du Chili, a officialisé la restauration d'Allende en faisant installer au palais présidentiel de La Moneda, bombardé par l'aviation putschiste le 11 septembre 1973, deux plaques commémoratives et deux tableaux dédiés à celui qui, dans ce palais, s'était suicidé plutôt que de se rendre. La veuve d'Allende, Hortensia Bussi, et leurs filles Isabel et Carmen étaient présentes. Un salon du ministère de l'Intérieur porte aussi, désormais, le nom de Salvador Allende. Ricardo Lagos rouvrait en outre symboliquement, hier, la porte du passé, celle du 80 rue Morandé, entrée latérale du palais présidentiel. Elle était murée depuis 1973. Elle vit sortir le cadavre de Salvador Allende. "Il ne manque plus que la canonisation d'Allende" commente, agacée, Lucia Hiriart, l'épouse d'Augusto Pinochet. A droite encore, l'Union démocrate indépendante (UDI) de Joaquin Lavin, maire charismatique de Santiago (il devrait à nouveau se présenter aux présidentielles en décembre 2005) estime que les éloges officiels adressés à Salvador Allende "interprètent l'histoire de manière tendancieuse". L'UDI, premier parti du Chili depuis 2001, justifie le coup d'Etat de 1973. A l'en croire, le putsch fut "la conséquence de la crise institutionnelle, économique et morale la plus grave de notre histoire". Pour trancher le débat, il faudra attendre la prochaine élection présidentielle. Pour l'heure, la victoire médiatique revient amplement aux sympathisants de Salvador Allende, tant au Chili que sur le plan international. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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