Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers   | Forum 
Google
 
Web LatinReporters.com

Le Chili a restauré l'image de Salvador Allende 30 ans après le putsch de Pinochet

11 septembre 2003: Ricardo Lagos, président socialiste du Chili, va rouvrir la porte du 80 rue Morandé, entrée latérale du palais présidentiel de La Moneda. Elle était murée depuis 1973. Elle vit sortir le cadavre de Salvador Allende, qui s'était suicidé après le bombardement du palais par l'aviation putschiste. En superposition, en haut, Salvador Allende.
Photos Presidencia de la República
SANTIAGO DU CHILI, vendredi 12 septembre 2003 (LatinReporters.com) - Inédit malgré le rétablissement progressif de la démocratie depuis 1990, le couronnement officiel et public de l'image de l'ex-président socialiste Salvador Allende a dominé le 30e anniversaire du 11 septembre chilien. Premier marxiste porté au pouvoir par les urnes sur le continent américain, Salvador Allende s'était suicidé le 11 septembre 1973 pour ne pas tomber aux mains des putschistes qui allaient, ce jour-là, donner le pouvoir au général Augusto Pinochet.

Si, grâce surtout à l'actuel président socialiste Ricardo Lagos, le Chili a enfin retrouvé sa mémoire historique, il faut aussitôt rappeler, pour ne pas sombrer dans le rêve, que la droite qui avait soutenu Pinochet contrôle 57 des 120 députés de la Chambre depuis les législatives de décembre 2001. Et au sein même de la droite, ce sont les ultras de l'UDI (Union démocrate indépendante) qui avaient alors progressé le plus, bondissant de 14,45% à 25,19% des votes nationaux. Ils ont ravi ainsi à la vieille démocratie chrétienne son statut historique de premier force politique du Chili.

C'est peut-être pour cela que l'idée d'une responsabilité partagée, un sentiment de "nous sommes tous responsables", se dégage des hommages, reportages, analyses, livres, débats et spectacles commémoratifs qui entourent le 30e anniversaire de la tragédie du 11 septembre 1973. (Le bilan du coup d'Etat et de 17 ans de dictature fut de quelque 3.000 morts et disparus, 40.000 torturés et 200.000 exilés).

La restauration tardive de l'image de Salvador Allende a été facilitée non seulement par la démocratisation progressive, mais aussi par la disparition de la violence comme instrument politique, sauf, sporadiquement, lors de manifestations convoquées par le parti communiste, comme celle de jeudi soir à Santiago. Un développement économique important a favorisé la normalisation. La croissance moyenne annuelle du produit intérieur brut chilien fut de 8% de 1991 à 1997, soit probablement un record mondial pour la même période.

La droite assimile cette prospérité à un héritage d'Augusto Pinochet. Dans les rues de Santiago, on respire néanmoins l'impression que le jugement du temps, de l'histoire et des nouvelles générations a rejeté dans l'ombre -pas encore dans l'oubli- l'ex-dictateur, malade et âgé de 87 ans.

VOIR AUSSI

Chili de Pinochet
et Etats-Unis de George
Bush: leçon de deux
11 septembre tragiques

Chili: droits de l'homme.
Rapport 2003
d'Amnesty International

Dossier Chili

L'auréole de dignité d'un Allende défendant jusqu'à la mort l'ordre constitutionnel l'emporte désormais, malgré les excès marxistes de son gouvernement d'Unité populaire, sur la reconnaissance des bienfaits supposés de l'ordre et de la prospérité souvent attribués à la dictature militaire. La force de la réapparition multimédia de l'ex-président est surprenante. Salvador Allende et le tragique 11 septembre 1973 sont au menu de tous les journaux, radios et chaînes de télévision. Les chansons de Victor Jara, torturé et assassiné par les militaires, sont redécouvertes.

Salvador Allende a été, en ces premiers jours de septembre, la vedette posthume de deux méga-récitals qui rassemblèrent à Santiago des dizaines de milliers de Chiliens et des artistes de toute l'Amérique latine. Au Stade national, transformé il y a trente ans en camp de concentration, le chanteur-compositeur Gilberto Gil (il est également ministre brésilien de la Culture), puis le cubain Silvio Rodriguez exorcisèrent la nouvelle génération. Sur les écrans géants défilaient en noir et blanc des images d'Allende. Le public criait "Se siente, se siente, Allende está presente!" ("On le sent, on le sent, Allende est présent"). "Un peuple sans mémoire ne peut aller de l'avant" avait lancé Gilberto Gil.

Malgré les critiques de l'opposition et de certains de ses alliés, le président Ricardo Lagos, deuxième chef d'Etat socialiste de l'histoire du Chili, a officialisé la restauration d'Allende en faisant installer au palais présidentiel de La Moneda, bombardé par l'aviation putschiste le 11 septembre 1973, deux plaques commémoratives et deux tableaux dédiés à celui qui, dans ce palais, s'était suicidé plutôt que de se rendre. La veuve d'Allende, Hortensia Bussi, et leurs filles Isabel et Carmen étaient présentes. Un salon du ministère de l'Intérieur porte aussi, désormais, le nom de Salvador Allende.

Ricardo Lagos rouvrait en outre symboliquement, hier, la porte du passé, celle du 80 rue Morandé, entrée latérale du palais présidentiel. Elle était murée depuis 1973. Elle vit sortir le cadavre de Salvador Allende.

"Il ne manque plus que la canonisation d'Allende" commente, agacée, Lucia Hiriart, l'épouse d'Augusto Pinochet.

A droite encore, l'Union démocrate indépendante (UDI) de Joaquin Lavin, maire charismatique de Santiago (il devrait à nouveau se présenter aux présidentielles en décembre 2005) estime que les éloges officiels adressés à Salvador Allende "interprètent l'histoire de manière tendancieuse". L'UDI, premier parti du Chili depuis 2001, justifie le coup d'Etat de 1973. A l'en croire, le putsch fut "la conséquence de la crise institutionnelle, économique et morale la plus grave de notre histoire".

Pour trancher le débat, il faudra attendre la prochaine élection présidentielle. Pour l'heure, la victoire médiatique revient amplement aux sympathisants de Salvador Allende, tant au Chili que sur le plan international.

Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum


  Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers  
 

© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Le texte de cet article peut être reproduit s'il est clairement attribué
à LatinReporters.com avec lien actif sur le mot LatinReporters.com