Colombie: Ingrid Betancourt refuse d'être échangée par la guérilla des FARCUne seconde vidéo montre Clara Rojas
Diffusée samedi dans le programme Noticias Uno de la télévision colombienne, la vidéo surprend par son hostilité envers la guérilla, qui devrait l'avoir supervisée. L'ex-candidate des Verts à la présidentielle colombienne y parle même de "gagner la guerre" contre les guérilleros et exhorte le président Alvaro Uribe à lancer des opérations militaires bien préparées pour libérer des otages des rebelles. Autre point étonnant: Ingrid Betancourt s'adresse, dès son premier mot sur la vidéo, à "papa", puis aux êtres qui lui sont chers, surtout ses enfants et sa mère. Dans son monologue de 22 minutes, la séquestrée franco-colombienne parle à nouveau de son père en utilisant le présent. Or son père, Gabriel Betancourt, est mort à 83 ans le 23 mars 2002, dans la tristesse, un mois jour pour jour après l'enlèvement de sa fille. Il passa les dernières 48 heures de sa vie devant le téléphone, espérant un appel d'Ingrid, qui ignorerait donc encore le décès de son père.
"Je suis convaincue, poursuit-elle, que nous ne pouvons pas demander à nos soldats d'être prêts à donner leur vie pour nos institutions, pour défendre nos droits, si nous ne sommes pas nous-mêmes prêts, lorsque nous sommes touchés personnellement, à risquer notre vie pour défendre notre propre liberté... On ne peut pas renoncer à la liberté, même pas par prudence". S'adressant toujours à sa famille, Ingrid Betancourt lance une phrase qui contribuera à sa légende: "Je sais que ce que je vous dis est dur pour vous et aussi dur pour moi, mais je crois que si nous voulons semer la paix en Colombie, nous devons agir en fonction de nos principes et non en fonction de nos seuls intérêts". C'est "à nouveau une position de principe" qu'invoque l'ex-candidate à la présidence pour refuser d'être échangée par les FARC contre des guérilleros emprisonnés. "C'est non et non" insiste-t-elle, car "nous ne pouvons pas accepter que les civils servent de bouclier dans cette guerre. Les civils ne doivent pas faire partie de ce conflit". Ingrid Betancourt estime que, plutôt que d'exiger un échange, la guérilla devrait faire "des gestes unilatéraux de paix" en procédant à la "libération humanitaire" de ses otages civils. Les FARC et leurs 17.000 guérilleros détiennent 21 personnalités politiques, dont Ingrid Betancourt, une cinquantaine d'officiers de l'armée et de la police et plus de 800 civils, y compris des femmes et des enfants, enlevés généralement au hasard de barrages dressés sur les routes. Les rebelles proposent l'échange de leurs otages politiques et militaires contre les guérilleros -près de 500- capturés par l'armée et emprisonnés. Quant aux otages civils, dont les médias européens parlent moins, ils sont condamnés à n'être libérés que contre rançon, parfois après plusieurs années de captivité, pour alimenter les finances de la guérilla. Contrairement à son opinion en ce qui concerne les otages civils, Ingrid Betancourt estime que dans le cas des militaires et policiers séquestrés "l'Etat démocratique a l'obligation morale de les échanger" contre des rebelles détenus. "Je ne peux pas, explique-t-elle, dire à mon fils et à ma fille de revêtir avec orgueil l'uniforme de nos forces militaires et d'aller défendre les drapeaux de notre démocratie, de nos valeurs, de nos institutions, et leur dire à la fois tant pis pour vous si vous êtes capturés, car l'Etat n'en sera pas responsable... Il n'est pas possible que nous pensions gagner la guerre si nous ne donnons pas à nos soldats la certitude que nous serons avec eux pour le meilleur et pour le pire". En outre, selon Ingrid Betancourt, les soldats et policiers qui pourraient être échangés contre des guérilleros "connaissent mieux que quiconque l'ennemi et sont donc des experts qui peuvent aider à gagner la guerre". L'ex-sénatrice ne fait aucun commentaire sur une exigence que la guérilla ne lui a probablement pas communiquée, à savoir que les FARC prétendent que l'échange de leurs otages politiques et militaires ait lieu dans une zone de plus de 100.000 km carrés (plus de trois fois la superficie de la Belgique) que le gouvernement de Bogota devrait démilitariser et céder aux rebelles dans le sud de la Colombie. Le président Uribe estime qu'aucun gouvernement responsable ne peut accéder à une telle prétention. Le visage plus rond et apparemment dans une meilleure condition physique que sur une vidéo enregistrée par les FARC le 15 mai 2002, Ingrid Betancourt a chaleureusement remercié "ceux qui ont pris la décision de ne pas nous oublier, en Colombie et hors de Colombie, et spécialement les Français". Enlevée avec Ingrid, la directrice de sa campagne présidentielle, Clara Rojas, apparaissait sur la vidéo de l'an dernier. Par contre, on ne la voit pas sur celle diffusée samedi. La nouvelle vidéo est l'unique preuve, depuis le 15 mai 2002, qu'Ingrid Betancourt est encore en vie ou en tout cas qu'elle l'était en mai dernier. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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