Colombie: justice internationale contre les crimes de la guérilla?
Ce réquisitoire est considéré par nombre d'observateurs, dont un enquêteur de HRW, comme un premier pas vers une éventuelle action de la justice internationale contre les chefs des FARC, mis sur le même pied que Pinochet ou Milosevic. Dans son réquisitoire, une lettre de 20 pages adressée le 10 juillet au "Commandant Manuel Marulanda, Forces Armées révolutionnaires de Colombie", Human Rights Watch affirme que "les FARC sont responsables d'assassinats et d'enlèvements de civils, de prises d'otages, d'utilisations d'enfants soldats, de pseudo-jugements, de traitement cruel et inhumain de combattants capturés et de déplacement forcé de civils". Signée par le Chilien Jose Miguel Vivanco, directeur pour l'Amérique latine de HRW, la lettre ajoute que "les FARC continuent à employer des armes prohibées qui provoquent des dégâts non ciblés et de terribles blessures. En outre, les FARC poursuivent leurs attaques contre des travailleurs sanitaires et des installations médicales, en violation flagrante du droit international humanitaire et des normes fondamentales du respect de la vie humaine". Chacune de ces accusations fait l'objet d'un chapitre particulier, avec rappels de faits précis et citations de noms de victimes. La lettre réquisitoire de HRW pourrait donc être une pièce à conviction devant le futur Tribunal Pénal International, auquel la Colombie n'a pas encore ratifié son adhésion. Toujours dans l'optique d'éventuelles poursuites judiciaires internationales contre les FARC, principal mouvement de la guérilla colombienne avec plus de 15.000 combattants, il est significatif que la lettre soit adressée à leur chef suprême, Manuel Marulanda. "Il s'agit d'un message personnalisé qui a pour objet de signifier clairement à Monsieur Marulanda qu'en tant que chef de groupe et en cette nouvelle ère des droits de l'homme, il assume une responsabilité personnelle et, s'il ne prend pas de mesures, il peut être poursuivi en justice comme le furent Pinochet ou Milosevic" déclare Rubin Kirk, l'un des enquêteurs de Human Rights Watch sur les crimes des FARC. HRW prie Manuel Marulanda de donner aux combattants des FARC les ordres suivants: -"Cesser les exécutions extra-judiciaires de civils" (496 commises par les FARC au cours de l'année 2000). -"Libérer immédiatement et inconditionnellement tous les otages" (701 enlèvements, y compris d'enfants, perpétrés par les FARC en 2000 pour obtenir des rançons). -"Ne plus utiliser d'enfants soldats et établir les mécanismes de leur démobilisation immédiate". (La proportion des moins de 18 ans parmi les combattants des FARC pourrait atteindre 60%, avec un fort pourcentage de moins de 15 ans.) Selon HRW, les enfants soldats des FARC "utilisent des armes de gros calibre, placent des charges explosives, assassinent d'autres enfants considérés comme traîtres, participent à des enlèvements et à des missions d'espionnage". -"Cesser la tenue de pseudo-jugements, qui n'offrent pas les garanties minimales d'un procès juste". -"Garantir que tous les combattants capturés reçoivent un traitement humain, comprenant une attention médicale adéquate, et puissent recevoir des visites du Comité international de la Croix Rouge". -"Cesser l'emploi d'armes qui, comme les cylindres de gaz, provoquent des dégâts non ciblés". -"Cesser totalement les attaques et les menaces contre les travailleurs sanitaires et les installations médicales, y compris les ambulances, les hôpitaux et les cliniques". -"Protéger les droits des personnes résidant dans la Zone" de détente de 42.000 km2, grande comme la Suisse, octroyée en novembre 1998 aux FARC, en guise de "laboratoire de paix", par le président Colombien Andres Pastrana. -"Permettre immédiatement un système d'observation indépendant national et international dans la Zone", dont la police et l'armée ont été retirées et dont les FARC ont chassé les autorités judiciaires. L'écho donné pendant plusieurs jours par les médias colombiens et internationaux à cette lettre réquisitoire de Human Rights Watch a fortement terni l'image des FARC et réduit leur force de négociation dans les pourparlers de paix ouverts depuis 1999, mais sans cessez-le-feu, avec l'administration du président Andres Pastrana. La revendication des FARC d'une révision de la Constitution qui leur permettrait d'accéder au pouvoir paraît désormais pour le moins exagérée. Selon le vice-président et ministre colombien de la Défense, Gustavo Bell, "la guérilla sait désormais que la communauté internationale condamne son action violente et qu'elle n'accepte pas et n'acceptera pas que ses projets politiques puissent se construire sur l'assassinat, l'enlèvement, l'extorsion et le recrutements de mineurs".
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