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Colombie - FARC: libération d'Ingrid Betancourt liée à celle de Simon Trinidad

L'arrestation à Quito du chef guérillero a-t-elle fait avorter
des contacts avec l'ONU et la France pour libérer des otages?

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Texte intégral du communiqué des FARC
(traduction littérale)

1. L'arrestation du commandant Simon Trinidad  le 2 janvier dernier à Quito, Equateur, tronque la mission clandestine que lui avait assignée le Secrétariat des FARC afin de trouver dans ce pays un lieu adéquat de réunion avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et James Lemoyne (ndlr.: envoyé spécial de l'ONU en Colombie), ainsi que la rencontre prévue avec des représentants du gouvernement français dans le but de trouver une solution définitive à la captivité d'Ingrid Betancourt et d'autres prisonniers de guerre au moyen de l'échange humanitaire. 
 
2. L'action de services de sécurité des Etats-Unis et de Colombie lors de cette capture, outre qu'elle constitue un affront à la souveraineté de l'Equateur, révèle l'existence d'une alliance trouble entre (le président équatorien) Lucio Gutierrez, le fasciste Alvaro Uribe et la Maison Blanche, dans le cadre du Plan colombie, contre les leaders révolutionnaires de nos deux pays. Bien entendu, la conduite de ces gouvernants, soumis à l'ambition hégémoniste de Washington, n'affecte pas la relation historique, bolivarienne, qui a toujours distingué les peuples frères de Colombie et d'Equateur.

3. Simon Trinidad es un important cadre politique des FARC. Lors du processus de paix suspendu il y a deux ans, il oeuvra de manière crédible, d'abord au sein de la commission thématique, puis à la table des dialogues.

4. Nous appelons les peuples du monde, leurs organisations politiques et sociales, les bolivariens du continent et les gouvernements démocratiques à exprimer leur solidarité avec la juste lutte du peuple de Colombie qui affronte dans son conflit interne l'ingérence chaque fois plus forte du gouvernement des Etats-Unis. Nous en appelons à la solidarité avec tous les prisonniers politiques de Colombie et à que soit demandé au gouvernement Uribe de ne pas entraver davantage la signature d'un échange ou accord humanitaire avec les FARC qui rende possible la libération de prisonniers de guerre et politiques au pouvoir des deux parties, échange dans lequel nous incluons, évidemment, le nom de Simon Trinidad.

Secrétariat de l'Etat Major Central
Montagnes de Colombie, 13 janvier 2004

BOGOTA/QUITO, jeudi 15 janvier 2004 (LatinReporters.com) - La libération d'Ingrid Betancourt et "d'autres prisonniers politiques" est liée par la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) à l'inclusion, dans un "échange humanitaire" de prisonniers, du commandant guérillero Simon Trinidad, arrêté le 2 janvier à Quito (Equateur) et livré aux autorités colombiennes.

Dans un communiqué diffusé mercredi sur leur site Internet, les FARC prétendent que l'arrestation de Simon Trinidad l'a empêché de préparer en Equateur "une réunion avec le secrétaire général de l'ONU" et une "rencontre avec des représentants du gouvernement français pour trouver une solution définitive à la captivité d'Ingrid Betancourt".

Cette affirmation doit être considérée avec précaution. De nombreux observateurs estiment que le communiqué des FARC joue à nouveau avec l'émotion internationale liée à la longue séquestration d'Ingrid Betancourt, enlevée par la guérilla le 23 février 2002, pour tenter aujourd'hui de créer un courant d'opinion hostile à l'incarcération de Simon Trinidad (de son vrai nom Juvenal Ovidio Ricardo Palmera), la plus importante personnalité des FARC capturée en 40 ans de conflit intérieur colombien. Son incarcération est une victoire politique de taille pour le président colombien Alvaro Uribe.

La prétendue préparation en Equateur, selon les FARC, d'une rencontre avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, ou avec des représentants du gouvernement français n'aurait pu se concevoir qu'avec l'aval des autorités équatoriennes. Or,  le président équatorien, Lucio Gutierrez, n'a pas hésité à autoriser l'extradition vers la Colombie de Simon Trinidad dès le lendemain de son arrestation à Quito.
"Cela contribuera à améliorer la sécurité entre nos pays et plût au ciel que ce soit un ingrédient de plus pour que nos peuples comprennent que l'unique chemin à suivre est celui du dialogue, de la paix" déclarait alors Lucio Gutierrez.

Jusqu'il y a peu, des émissaires des FARC tenaient des conférences de presse à Quito. Voisin de la Colombie, l'Equateur était, pour les rebelles colombiens, une base arrière naturelle et un couloir à peine clandestin d'approvisionnement en armes. Dans la capitale équatorienne, Simon Trinidad se faisait apparemment traiter d'un cancer de la prostate.

C'est la fin de cette tolérance et de ces facilités que signifie probablement l'arrestation de Simon Trinidad. Et que sa capture ait été cautionnée par Lucio Gutierrez est d'autant plus significatif que le président équatorien, ex-colonel putschiste, populiste de gauche élu le 24 novembre 2002 avec l'appui de la population amérindienne déshéritée, est considéré comme l'un des tenants de la nouvelle gauche latino-américaine.

Estimant sans doute implicitement que la véritable gauche ne pourrait leur être hostile, les FARC, dans leur communiqué, accusent Lucio Gutierrez de se "soumettre à l'ambition hégémoniste" de Washington.

Pourtant, la gauche colombienne elle-même n'a actuellement d'yeux que pour Luis Eduardo Garzon, plus connu comme Lucho Garzon. Troisième à l'élection présidentielle de mai 2002, cet ex-dirigeant syndicaliste communiste de 52 ans porte depuis le 2 janvier l'écharpe de maire des huit millions d'habitants de Bogota, à la suite d'élections municipales que les FARC avaient tenté d'empêcher à coup de bombes et de menaces.

Comme le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, Lucho a reconverti son marxisme. Il affirme ne plus miser sur la lutte des classes. Il ne montera pas, dit-il, "les riches contre les pauvres". Ses priorités sont la lutte contre la pauvreté et le chômage, ainsi que l'amélioration de l'éducation et de la santé.

Le vice-président de la République colombienne, Francisco Santos Calderon, croit que Lucho Garzon incarne la possibilité d'un changement politique sans la violence prônée par la guérilla. Il note que "Tirofijo (surnom du chef des FARC, Manuel Marulanda) essaie depuis 40 ans de prendre Bogota, alors que Lucho y a réussi en trois mois" (de campagne électorale).

Et Lucho Garzon de déclarer lui-même: "Je ne crois ni à l'insurrection ni à la conquête du pouvoir par les armes. J'espère que la guérilla comprendra la nécessité de trouver des alternatives démocratiques".

Tant les paramilitaires colombiens d'extrême droite que les FARC sont sur la liste noire des organisations terroristes dressée par l'Union européenne, pourtant d'ordinaire compréhensive à l'égard des mouvements dits de libération. L'explosion de voitures piégées sans considération pour les victimes civiles est l'une des facettes du terrorisme guérillero. Ce terrorisme est aussi psychologique lorsque les FARC utilisent systématiquement l'émotion soulevée par l'infortune d'Ingrid Betancourt pour soutenir et renchérir leurs revendications, au point de réclamer (pas dans le dernier communiqué) une zone libre de plus de 100.000 km2 que le gouvernement colombien devrait démilitariser comme condition préalable à une négociation de la libération d'otages en échange de rebelles incarcérés.

Paradoxalement, la mobilisation internationale en faveur d'Ingrid Betancourt semble contribuer à prolonger sa captivité en faisant croire aux chefs des FARC qu'ils détiennent en l'ex-candidate écologiste à la présidence colombienne le passe-partout ouvrant des portes politiques et diplomatiques en principe fermées à ceux dont l'arme principale est la terreur.

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