Prise d’otages record: les "paras" enlèvent 190 Colombiens
Adversaires acharnés de la guérilla, les " paras ", surnom des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC, fortes de 8.000 hommes), veulent eux aussi être reconnus comme interlocuteurs obligés du pouvoir, qui s’y refuse. En recourant à la séquestration massive, pratiquée d’ordinaire par la guérilla, les paramilitaires cherchent peut-être à forcer la main au gouvernement. Plusieurs chefs militaires colombiens, dont le général Ramiro Bautista Mejia, croient néanmoins que l’enlèvement collectif, mené par environ 80 " paras " selon des témoins, vise à recruter de force de nouveaux combattants pour renforcer les AUC. Les 190 séquestrés auraient tous moins de 30 ans et auraient été " sélectionnés " en fonction de leur âge parmi 800 travailleurs agricoles interceptés par les " paras " à la sortie de palmeraies. Les plus âgés, qui ont donc été libérés, indiquent que les ravisseurs ont harangué leurs victimes pour les convaincre de combattre sous la bannière des AUC. Le procureur général de Colombie, Alfonso Gomez, n’écarte pas l’hypothèse de représailles des paramilitaires contre les propriétaires des palmeraies où travaillaient les séquestrés pour non paiement d’une contribution au combat des AUC. " Cela démontrerait, estime le procureur général, que les paramilitaires utilisent exactement les mêmes méthodes que la guérilla ". (Qui exige, elle, un " impôt révolutionnaire " sous peine d’attentat ou d’enlèvement). Le chiffre de 190 séquestrés est confirmé par le général Fernando Tapias, commandant des Forces armées colombiennes. " Cet enlèvement collectif présente des caractéristiques inconnues auparavant dans le pays ", affirme le général. Il souligne que jamais autant de personnes n’avaient été séquestrées à la fois en Colombie. Le général Tapias précise qu’une femme et plusieurs mineurs d’âge sont parmi les otages et que les recherches de l’armée pour localiser et libérer les séquestrés se heurtent à la géographie de la région, ainsi qu’à l’insuffisance de moyens de communication. Apparus peu après 1980 pour protéger les populations des attaques de guérillas d’extrême gauche nées quinze ans plus tôt, les paramilitaires se sont réellement organisés en 1997 en formant les AUC. Leur chef, Carlos Castaño, commença à lutter contre la guérilla à l’âge de 16 ans, après l’enlèvement et l’exécution de son père par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes). Dans cette guerre civile colombienne qui a fait 200.000 morts depuis 1964, les paramilitaires commettent des massacres qui n’ont d’égal que ceux perpétrés par la guérilla. Ils surgissent dans les villages pour torturer et abattre ceux qu’ils soupçonnent d’aider les FARC ou l’ELN (Armée de Libération Nationale, procubaine). Comme la guérilla, les paramilitaires assurent une partie de leur financement en protégeant la culture de coca et le trafic de cocaïne. Mais les AUC reçoivent aussi des contributions volontaires de commerçants, de villageois et de propriétaires terriens exaspérés par les massacres, les extorsions et les enlèvements perpétrés par la guérilla. La presse colombienne s’inquiète de la popularité croissante des " paras " parmi la population, lasse de l’inefficacité gouvernementale contre la guérilla. Sur la plan international, les AUC de Carlos Castaño n’ont aucun crédit. Les Etats-Unis viennent de les inscrire sur leur liste des mouvements considérés comme terroristes. Ils y ont rejoint les FARC et l’ELN.
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