Confirmation de la position déjà exprimée par son
agence officieuse ANNCOL
Colombie: la guérilla des FARC rejette l'échange humanitaire proposé par Uribe
Texte intégral (traduction) du communiqué de
l'état-major des FARC
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Membres de l'état-major des FARC. Au centre, le nš2, Raul Reyes. Des rumeurs démenties par la guérilla parlent du décès du nš1 historique, Manuel Marulanda, alias "Tirofijo" - Photo FARC-EP |
BOGOTA, lundi 23 août 2004 (LatinReporters.com)
La guérilla des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie, marxistes) a confirmé dimanche
soir sur son site Internet son rejet de la proposition inédite d'échange
humanitaire lancée au nom du président colombien Alvaro Uribe.
La proposition, rendue publique le 18 août, portait sur l'échange
de 50 rebelles emprisonnés contre 59 otages retenus par les FARC,
à savoir la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, des mandataires
politiques et des officiers colombiens, ainsi que trois Américains.
Ce revirement, pour des motifs électoralistes et/ou sous la pression
internationale, de l'attitude inflexible du président Uribe à
l'égard d'un échange humanitaire avec la guérilla avait
soulevé l'espoir des familles des otages. La presse colombienne estimait
que la balle était désormais dans le camp des FARC, qui ont
toujours accusé le président Uribe de refuser l'échange.
Mais dès jeudi dernier, l'agence officieuse des FARC, ANNCOL (Agencia
de Noticias Nueva Colombia) faisait craindre que le refus ne vienne cette
fois des insurgés. (Article de LatinReporters du 19 août 2004).
C'est le haut commissaire à la Paix du gouvernement colombien, Luis
Carlos Restrepo, qui avait présenté le 18 août à
Bogota la brève proposition officielle d'échange humanitaire,
en affirmant qu'elle avait été adressée aux FARC dès
le 23 juillet dernier.
Le France et la Suisse avaient aussitôt exprimé leur disposition
à faciliter cet échange, dans lequel auraient aussi été
impliqués l'Eglise colombienne et le Comité international
de la Croix-Rouge.
"Conformément aux lois colombiennes et de manière unilatérale,
le gouvernement libère[ra] 50 guérilleros poursuivis ou condamnés
pour rébellion, leur offrant une alternative pour s'incorporer à
la société" disait le texte de la proposition gouvernementale.
L'alternative, "sous la garantie de la France et de l'Eglise colombienne",
était "voyager à l'étranger" ou adhérer "au programme
de réinsertion du gouvernement national".
"Ensuite, la guérilla libère[ra] les séquestrés
politiques et les membres de la force publique en son pouvoir. Pour leur
libération, on comptera sur l'appui de la Suisse, de la France et
du CICR [Comité International de la Croix-Rouge]" indiquait le paragraphe
final de la proposition officielle.
La guérilla a donc répondu non, tout en laissant une hypothétique porte
ouverte à ce qui devrait être à ses yeux une véritable négociation.
Si le président Uribe
se sent talonné par l'échéance électorale de
2006 (mais il faudrait au préalable que le Congrès amende la
Constitution pour mettre à un président de briguer un second
mandat consécutif), la guérilla, elle, comme d'ordinaire, estime
à tort ou à raison, après 40 ans de lutte, que
le temps joue pour elle. Les efforts pour la paix de l'ex-président
Andres Pastrana, prédécesseur d'Alvaro Uribe, avaient déjà
buté sur la perception différente du temps qu'ont les guérilleros
et le gouvernement. Les trente mois de captivité d'Ingrid Betancourt
attestent de l'utilisation par la guérilla de l'arme du temps.
Ci-dessous, la traduction du communiqué des FARC, diffusé le 22 août, mais daté du 20:
Communiqué diffusé sur le site Internet des FARC le 22 août 2004
La traduction française dans la colonne de gauche, les mots entre crochets
et les explications dans la colonne de droite sont de LatinReporters.com
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Communiqué
1. Le traitement de thèmes aussi sensibles et prioritaires pour la
société colombienne que l'échange, l'échange
humanitaire ou la possibilité même d'une solution non sanglante
à la crise du pays doit être dépouillé de la politicaillerie
et de la démagogie qui caractérisent l'effort pour la réélection
présidentielle.
2. L'attention est attirée par le fait qu'après deux ans d'efforts
manqués de sauvetage [des otages], le gouvernement a effectué
à propos de l'échange un virage qui, même si nous l'évaluons
à sa juste mesure, contraste notoirement avec le danger grave et croissant
auquel sont soumis aujourd'hui les prisonniers à cause de l'intensification
des opérations de sauvetage.
3. Elle manque de réalisme et de sérieux cette proposition
officielle d'échange qui refuse à la guérilla la faculté
discrétionnaire de définir qui et combien sont ses prisonniers,
ou [qui refuse] la discussion sur les conditions ou circonstances de la libération
des insurgés contre l'Etat ou sur le caractère connexe de certains
délits et du droit à la rébellion. Où se situe
l'échange si le gouvernement conserve les guérilleros? C'est
en outre une proposition absurde par sa prétention d'imposer le renoncement
aux principes du guérillero en tant que transformateur révolutionnaire
actif de la réalité sociale et politique du pays.
4. Le haut commissaire [à la Paix du gouvernement colombien, Luis
Carlos Restrepo] manifeste sa décision d'utiliser les moyens [les
FARC veulent sans doute dire "les médias"] pour envoyer ses propositions,
comme il le fit effectivement le 18 août, éludant ainsi l'octroi
de garanties aux négociateurs des FARC déjà désignés.
Les porte-parole officiels installent un bureau dans les cabines des stations
de radio et dans les studios de télévision afin que leur discours
sature et fasse pression sur les médias pour qu'ils passent sous silence
nos communiqués. C'est la loi de l'entonnoir.
Il convient de rappeler qu'un accord se fait en conversant face à
face et se matérialise par la volonté expresse des parties.
5. Nous démentons catégoriquement avoir pris connaissance avant
le 18 août de la proposition officielle d'échange, lue à
la Maison de Nariño [palais présidentiel].
6. L'opinion majoritaire favorable à l'échange qui se manifeste
dans tous les coins du pays et qui est partagée par de vastes secteurs
de l'opinion internationale, la lutte des familles et des amis des prisonniers,
l'effort et l'engagement du mouvement populaire, des défenseurs des
droits humains et d'importantes personnalités parmi lesquelles se
distinguent d'ex-présidents de la République, sont un véritable
stimulant de la poursuite de la bataille pour l'échange immédiat.
7. Nos négociateurs plénipotentiaires sont désignés
depuis plusieurs mois. Quelles garanties leur octroie le gouvernement? Quelles
garanties aux prisonniers dans l'attente de l'accord? Qui sera ou seront
ceux qui vont négocier au nom du gouvernement? Les nôtres sont
prêts.
Secrétariat de l'état-major central des FARC-EP
Montagnes de Colombie, 20 août 2004
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Au point 1, la guérilla attribue la proposition gouvernementale d'échange
humanitaire à un geste démagogique du président colombien
Alvaro Uribe pour favoriser son éventuelle réélection
en 2006. A ce propos, des sondages confirmant la toujours grande popularité
d'Alvaro Uribe (plus de 70% d'opinions favorables) indiquent que son attitude
la plus vulnérable d'un point de vue électoral serait une inflexibilité
à l'égard d'un échange humanitaire avec la guérilla.
Le point 2 critique notamment et implicitement l'opération Patriote
lancée depuis plusieurs semaines par l'armée colombienne dans
les départements méridionaux qui sont la principale assise
de la guérilla. Les FARC ont répété et
prouvé qu'ils tueraient leurs otages plutôt que d'accepter leur
libération par l'armée.
Le point 3 est celui qui exprime le refus net de la proposition gouvernementale.
Aux yeux des FARC, elle manquerait "de réalisme et de sérieux"
et elle est qualifiée "d'absurde". Les FARC reprochent à la
proposition de ne pas permettre à la guérilla de définir
le nombre et la qualité de ses militants emprisonnés qui seraient
échangés, de ne pas préciser les circonstances de leur
libération (les FARC ont plusieurs fois exigé qu'elle s'effectue
dans une zone préalablement démilitarisée) et de ne
concerner que des guérilleros qui seraient accusés du délit
politique de rébellion, à l'exclusion de ceux qui auraient
du sang sur les mains et que le gouvernement qualifie de terroristes. En
outre, les FARC n'acceptent pas que les guérilleros éventuellement
libérés ne puissent pas rejoindre la guérilla. La proposition
gouvernementale leur offre pour alternative l'exil à l'étranger
ou la réinsertion sociale dans le cadre d'un programme gouvernemental.
Le point 4 reproche au gouvernement de lancer sa proposition d'échange
humanitaire via les médias, sans prendre la peine de rencontrer des
émissaires des FARC pour entamer une véritable négociation.
Au point 5, la guérilla nie même avoir reçu le 23 juillet
dernier, comme le prétend le gouvernement, la proposition officielle
d'échange humanitaire.
Enfin, aux points 6 et 7, les FARC laissent la porte ouverte à la
négociation d'un échange humanitaire qui répondrait
aux conditions de la guérilla. Ces conditions ne sont pas rappelées,
mais elles sont connues: négociation directe guérilla-gouvernement
(sans exclure un éventuel appoint international), libération
de tous les guérilleros emprisonnés ou choix par la guérilla
de ceux qui pourraient être libérés si l'échange
était limité, retour dans les rangs de la guérilla des
insurgés libérés et négociation de l'échange
humanitaire dans une zone démilitarisée. A ce propos, les FARC
ont revendiqué à plusieurs reprises le retrait de l'armée
des départements méridionaux du Caqueta et du Putumayo, qui
s'étendent sur 114.000 km2.
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