Colombie: le problème de la guérilla s'internationalise davantageAnalyse, par Christian Galloy
Tant Washington que son ambassadrice à Bogota, Anne Patterson, comparent publiquement les FARC, que financerait essentiellement la cocaïne, au mouvement islamiste d'Oussama ben Laden, accusé de commercialiser l'héroïne afghane.
Voisins menacés Cette année, l'Equateur, le Pérou, le Venezuela et le Panama -soit tous les pays limitrophes de la Colombie, à l'exception du Brésil- ont dénoncé des incursions de la guérilla colombienne. L'extorsion sous menace de commerçants et de fermiers, ainsi que des enlèvements contre rançon sont attribués aux rebelles dans les zones frontalières. En août dernier, l'Union européenne s'était émue autant que les Etats-Unis à l'annonce de l'arrestation, à Bogota, de trois terroristes de l'IRA (Armée républicaine irlandaise) accusés d'avoir entraîné les FARC au maniement d'explosifs. Les liens des FARC avec l'IRA sont prouvés. Ceux avec les indépendantistes basques de l'ETA sont supposés en fonction de la similitude entre des attentats commis en Colombie et en Espagne. Le secrétaire général d'Interpol, Ronald Kenneth, relevait cette similitude en juin dernier après un attentat meurtrier à l'explosif perpétré à Bogota et attribué aux commandos urbains des FARC. Au début du mois d'octobre, le ministère allemand des Affaires étrangères estimait que si les négociations entre FARC et gouvernement colombien sont une affaire intérieure, par contre des actions terroristes de la guérilla peuvent avoir des conséquences internationales. Cette remarque soulignait implicitement l'impuissance du président colombien Andres Pastrana à propos de l'enlèvement de trois coopérants allemands, séquestrés pendant plusieurs mois par les FARC avant de retrouver la liberté. Violations du droit humanitaire international En juillet dernier, de "graves violations du droit humanitaire" étaient attribuées aux FARC dans un réquisitoire détaillé dressé par l'organisation humanitaire internationale Human Rights Watch (HRW), d'ordinaire critique de la violence de l'armée et des paramilitaires colombiens. Ce réquisitoire est considéré comme un premier pas vers une éventuelle action de la justice internationale contre les chefs des FARC, mis par HRW sur le même pied que Pinochet ou Milosevic. Human Rights Watch affirmait notamment que "les FARC sont responsables d'assassinats et d'enlèvements de civils, de prises d'otages, de recrutement d'enfants soldats, de pseudo-jugements, de traitement cruel et inhumain de combattants capturés et de déplacement forcé de civils". La plupart de ces exactions sont commises dans le "laboratoire de paix" (appelé aussi "zone de détente") de 42.000 km2 -la superficie de la Suisse- offert en novembre 1998 aux FARC par le président Pastrana, qui a retiré de ce territoire l'armée et la police. Destiné en principe à abriter des négociations de paix vaines jusqu'à présent, le "laboratoire de paix" est devenu une base fortifiée de la guérilla, un nouvel "Afghanistan" disent les paramilitaires de l'extrême droite colombienne. En déloger les FARC nécessiterait une véritable guerre. Les Etats-Unis sont "assez préoccupés" par la zone de détente, qui devrait être "une zone de négociation et non un refuge de terroristes" a déclaré cette semaine Anne Patterson, l'ambassadrice américaine à Bogota. Anne Patterson souhaite l'extradition aux Etats-Unis, pour les y juger, des chefs "des trois groupes terroristes" colombiens impliqués, selon Washington, dans le trafic de drogue et le blanchiment d'argent sale. Les trois mouvements colombiens figurant sur la liste des organisations considérées comme terroristes par Washington sont les FARC, la guérilla pro-cubaine de l'ELN (Armée de libération nationale) et les paramilitaires des AUC (Autodéfenses unies de Colombie), adversaires acharnés des deux guérillas. Cette conviction américaine du caractère narcoterroriste des FARC est réaffirmée au moment où le président Pastrana tente de sauver des négociations qui n'ont cessé de fortifier politiquement la guérilla. Washington semble ainsi inviter Bogota à un retour à l'éthique, sous-entendant que des narcoterroristes ne devraient plus, dans une démocratie, être des interlocuteurs après l'attaque du 11 septembre contre les Etats-Unis. "La patience de Bush à l'égard du processus de paix colombien est-elle épuisée?" s'interroge à ce propos à Bogota l'influent quotidien libéral El Tiempo. Afghanistan et Colombie: "le même problème" Contre les trois organisations colombiennes qu'ils considèrent comme terroristes, les Etats-Unis pourraient faire "usage de la puissance militaire, comme en Afghanistan, si nécessaire" menaçait le 15 octobre Francis Taylor, coordinateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat. Selon Francis Taylor, "les FARC sont aujourd'hui le groupe terroriste international le plus dangereux basé dans notre hémisphère. Depuis 1980, les FARC ont assassiné 13 citoyens américains et en ont enlevé des centaines. Non seulement les chefs des FARC ont applaudi les attaques du 11 septembre (contre New York et Washington), mais en outre, ensuite, ils ont renouvelé leur appel aux attaques contre des citoyens des Etats-Unis". A la question de savoir si les Etats-Unis établissent un parallélisme entre l'Afghanistan et la Colombie, dans la mesure où la production et le trafic de drogue financeraient le terrorisme dans les deux pays, Francis Taylor répond que la situation en Colombie "fait partie du même problème". Le lien entre l'Afghanistan et la Colombie est accentué par l'ambassadrice Anne Patterson. Elle annonce "l'élaboration d'une nouvelle stratégie", non précisée, qui devrait permettre aux Etats-Unis d'empêcher que la production afghane d'héroïne, compromise par l'offensive américano-britannique contre les talibans, soit transférée en Colombie, déjà premier producteur mondial de cocaïne. Anne Patterson révèle que les livraisons d'héroïne colombienne s'accroissent depuis peu sur la côte est des Etats-Unis.
© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne Nos textes peuvent être reproduits s'ils sont clairement attribués à LatinReporters.com avec lien actif vers notre site (ou mention de notre adresse http://www.latinreporters.com si reproduction sur support autre qu'Internet). |