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Colombie - L'adieu aux armes des paramilitaires servira-t-il la paix?

Le chef paramilitaire Salvatore Mancuso remet son révolver au Haut commissaire colombien pour la Paix, Luis Carlos Restrepo
Photo Felipe Amaya
BOGOTA, dimanche 12 décembre 2004 (LatinReporters.com) - Quelque 2.800 paramilitaires colombiens, y compris les 1.425 démobilisés vendredi avec leur célèbre chef Salvatore Mancuso, ont renoncé à la lutte armée contre la guérilla marxiste depuis novembre 2003. Le processus engagé par le président Alvaro Uribe prévoit la démobilisation des 20.000 "paras" avant la fin de 2005. L'adieu aux armes de ces milices d'extrême droite servira-t-il la paix, introuvable depuis 40 ans en Colombie?

C'est la première fois dans ce pays et dans la plupart des conflits intérieurs qui ont secoué l'Amérique latine que des groupes armés de droite se démobilisent avant leurs adversaires de gauche. Pour la première fois également, des combattants déposent les armes non à la fin, mais au début d'un processus de paix ou du moins de ce que le gouvernement colombien considère comme tel.

Ces deux nouveautés combinées et l'incertitude quant à la sincérité des "paras" empêchent de déterminer dès à présent si leur démobilisation progressive favorisera ou non la pacification de la Colombie.

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Arguments en faveur d'une pacification :

-Malgré ses zones d'ombre, la politique antiterroriste du président américain George W. Bush depuis les attentats islamistes du 11 septembre 2001 empêche désormais toute alliance stratégique (mais non des complicités personnelles) entre l'armée colombienne et les paramilitaires. Les Etats-Unis, l'Union européenne et la Colombie définissent officiellement tant les "paras" que la guérilla comme terroristes. Aussi la défaite ou la démobilisation des "paras" était-elle irréversible à terme. Sous cet angle, leur abandon progressif de la lutte armée serait une réalité et non une simple manoeuvre.

-L'authenticité de la démobilisation des paramilitaires pourrait aussi découler de la conviction, exprimée vendredi par leur principal chef, Salvatore Mancuso, que "le danger d'une prise du pouvoir par la guérilla n'existe plus". Contrairement à la guérilla, les paramilitaires ne visent pas à renverser le régime, mais à "combler ses lacunes" en matière de sécurité et, à cet égard, le président Alvaro Uribe, ferme et très populaire, a sensiblement réduit grâce à l'armée les zones d'influence de la guérilla.

-L'un des préalables posés avec constance par la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) à l'ouverture de véritables négociations de paix avec le gouvernement colombien est le démantèlement des groupes paramilitaires. Cette condition serait remplie si les 20.000 "paras" rendent effectivement leurs armes avant décembre 2005.

-L'Organisation des Etats américains (OEA), qui supervise la démobilisation des paramilitaires, estime que la marche du processus est encourageante.

Mais les facteurs d'incertitude restent importants :

-Aucun cadre juridique n'est défini pour octroyer aux paramilitaires les compensations qu'ils attendent en échange de leur démobilisation. Ni les Etats-Unis ni l'Union européenne ni l'ONU ni les organisations de défense des droits de l'homme n'acceptent une éventuelle amnistie des crimes contre l'humanité perpétrés par les "paras". Washington réclame même l'extradition de Salvatore Mancuso pour trafic de drogue et blanchiment d'argent. La Cour suprême colombienne a donné son feu vert à cette requête et le sort du chef paramilitaire ne dépend que du président Alvaro Uribe.

-Les leaders paramilitaires qui déposent les armes ne cachent pas leurs ambitions politiques, que favoriseraient les réseaux de complicités, de terreur ou même parfois sociaux qu'ils ont créés dans leur zone d'influence. "Par les canaux de leadership constructif que prévoit la démocratie, nous serons plus utiles à la patrie avec de pleins droits civils, politiques et économiques, générant développement et consolidant la paix des communautés que nous défendions auparavant par les armes" déclarait vendredi Salvatore Mancuso avant de remettre symboliquement son révolver au Haut commissaire colombien pour la Paix, Luis Carlos Restrepo.

-Une éventuelle conquête ou reconquête par la guérilla des zones que les paramilitaires démobilisés remettent au contrôle de l'Etat pourrait torpiller tout le processus de démobilisation.

-Le narcrotrafic complique les équations politiques du premier producteur mondial de cocaïne qu'est la Colombie. Tant la guérilla que les paramilitaires contrôlent ou protègent des milliers d'hectares de culture de coca et ont ouvert leurs propres routes de commercialisation de la cocaïne. Comme les enlèvements pour rançon et les "impôts" prélevés à la pointe du fusil, le narcotrafic finance les groupes armés illégaux. L'opulence relative assurée par leurs activités terroristes pourrait éloigner de la paix des groupes, marginaux ou non, de guérilleros et de "paras".

Conclusion

Paradoxalement, c'est le leader paramilitaire Salvatore Mancuso qui résume le mieux l'incertitude actuelle. Il note que "le processus de paix entre le gouvernement et les Autodéfenses [la plupart des paramilitaires sont regroupés au sein des Autodéfenses unies de Colombie, AUC] est un processus atypique, sans antécédent en Colombie ni dans le monde. Ce n'est qu'en marchant que nous, les Colombiens, pouvons tracer le chemin. Cela explique que ni dans le domaine de la justice ni sur sur le plan politique ou académique n'existent, dans ce pays ou dans le monde, suffisamment d'éléments de jugement pouvant orienter la bonne marche du processus ou sa correcte interprétation par l'opinion publique".

Salvatore Mancuso avertit en outre que son éventuelle extradition aux Etats-Unis ou celle d'un chef (Simon Trinidad) de la guérilla des FARC, réclamé aussi par Washington, blesseraient à mort les espoirs de paix en Colombie.

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