La Colombie dépénalise... la bigamie!
Est-ce la soif de vivre intensément dans l'un des pays les plus violents de la planète, où l'actuelle guerre civile a fait 200.000 morts en près de 40 ans? Difficile en tout cas d'expliquer la psychologie des législateurs colombiens, qui font cohabiter d'un seul coup dépénalisation partielle de l'avortement et dépénalisation totale de la bigamie, jusqu'à hier passible de un à quatre ans de prison. La mésaventure du professeur d'université colombien Luis Carlos Zarate, expert en droit international, est encore dans toutes les mémoires. Dans les années 60, il se maria à 8h du matin devant un prêtre et à 11h, il disait "oui" à une autre femme dans une autre église de la capitale. Cette bigamie provocatrice luit valut plusieurs années derrière les barreaux. Alfonso Gomez, procureur général de Colombie lorsque le Congrès approuva le nouveau code pénal, explique que la justice n'a été saisie que de trois plaintes pour bigamie depuis 1936. (Dont celle contre Luis Carlos Zarate). Alors, à quoi bon prétendre encore pénaliser le mariage multiple dont s'accommoderaient plus que volontiers, selon un éditorialiste du journal libéral "El Tiempo", les Colombiens riverains de la mer des Caraïbes et des plages du Pacifique. "La véritable sanction contre la bigamie sera désormais le second mariage" commente avec philosophie Alfonso Gomez. Quant à l'Eglise colombienne, elle invite, sous menace d'excommunication, les catholiques à obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Les évêques défient le nouveau code pénal en appelant à manifester en masse ce mardi autour de la cathédrale du centre historique de Bogota, mais plus contre l'avortement que contre la bigamie. Plusieurs avocats estiment la bigamie contraire à la Constitution. La Charte suprême oblige en effet l'Etat à protéger la famille en tant qu'institution de base de la société. "Maintenant, les chasseurs de fortune ont la voie libre" se lamente Me Lopez Jaramillo. En général, la presse bogotanaise préfère en rire qu'en pleurer. Pour éviter les naufrages émotionnels, écrit en substance l'éditorialiste Daniel Samper Pizano, les Colombiens viennent d'inventer la troisième voie si débattue en Europe. Car, explique-t-il, avec la bigamie, plus besoin de liaisons extraconjuguales parfois dangereuses ni de divorce traumatisant. Quelque peu machiste, Daniel Samper ne cache pas sa satisfaction. "Je remarque, dit-il, que les Colombiennes sont désormais plus affectueuses. Je les comprends: elles doivent s'assurer un mari, fût-ce en le partageant".
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