Lettre du dissident-Prix Sakharov à José Manuel Durao
Barroso, Javier Solana et Josep Borrell
Cuba: Oswaldo Paya prie l'UE de rester ferme à l'égard de Castro
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Oswaldo Paya Photo National Democratic Institute |
MADRID, samedi 13 novembre 2004 (LatinReporters.com) - "Abandonner ou affaiblir
la position commune européenne [à l'égard du gouvernement
de Fidel Castro] serait abandonner le peuple cubain et encourager l'arbitraire
et la violation de ses droits" écrit le célèbre dissident
Oswaldo Paya dans une lettre adressée vendredi à trois hautes
personnalités de l'Union européenne (UE). L'Union étudiera
prochainement une éventuelle révision de sanctions
diplomatiques prises contre Cuba l'an dernier après l'incarcération
massive de dissidents.
Prix Sakharov 2002
A deux reprises, en 2002 et 2003, Oswaldo Paya a remis au Parlement cubain
une pétition avalisée par plus de dix mille signataires réclamant
des réformes qui déboucheraient sur des élections libres,
selon un processus baptisé Projet Varela (du nom d'un prêtre
qui s'illustra au 19e siècle dans la lutte pour l'indépendance
de Cuba).
La Constitution cubaine admet en principe le référendum
d'initiative populaire lorsqu'il est proposé par plus de 10.000 citoyens,
mais les pétitions déposées par Oswaldo Paya ont été
ignorées par le pouvoir castriste.
Dirigeant aussi, à Cuba, du Mouvement chrétien de libération,
Oswaldo Paya fut épargné par la répression de mars
2003 contre 75 journalistes, écrivains, défenseurs des droits
de l'homme et opposants, condamnés à des peines comprises
entre 6 et 28 ans de prison.
Cette clémence non sollicitée,
Oswaldo Paya la doit à son auréole internationale. Le 23 octobre
2002, le Parlement européen lui décernait le Prix Sakharov
des droits de l'homme et de la liberté de pensée pour sa lutte
pacifique en faveur d'une transition vers la démocratie à
Cuba. Le Projet Varela en devenait une référence historique
dans la lutte pour les libertés sur l'île de Fidel Castro.
L'Espagne, "putain triste" de Fidel?...
"Mémoire de mes putains tristes" (Memoria de mis putas tristes)
est le titre du dernier roman de l'écrivain colombien Gabriel Garcia
Marquez, prix Nobel 1982 de littérature et ami personnel du président
cubain Fidel Castro.
Un autre géant de la littérature latino-américaine
contemporaine, Mario Vargas Llosa, ex-candidat à la présidence
du Pérou, signait le 31 octobre dernier dans l'influent quotidien madrilène
de gauche El Pais un article qu'il intitulait "Les putains tristes de Fidel". Titre
accrocheur, car rappelant celui de l'ouvrage de Garcia Marquez.
Mario Vargas Llosa y critique au vitriol le souhait de l'Espagne et d'éventuels
autres pays de l'Union européenne de normaliser les relations avec
Cuba.
Il qualifie de "Célestines, complices ou putains tristes" les "intellectuels,
politiciens ou gouvernements qui se disent démocratiques", mais "servent
les intérêts d'un régime ennemi numéro un de
la culture démocratique dans l'hémisphère occidental".
"Nous ne devons pas permettre que l'Espagne démocratique, moderne
et européenne et qui sous tant d'aspects est un exemple pour l'Amérique
latine devienne la putain triste de Fidel" s'exclame Mario Vargas Llosa.
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Adressée à MM. José Manuel Durao Barroso, président
de la Commission européenne, Javier Solana, Haut représentant de la Politique
étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'UE, et Josep Borrell,
président du Parlement européen, la lettre (datée du 11 novembre 2004) a été remise à
la délégation madrilène des institutions européennes
par le frère d'Oswaldo Paya.
"Ces dernières semaines, quelques gouvernements européens
remettent en question l'effet des mesures adoptées par consensus [contre
le régime de Fidel Castro] après l'incarcération de
nos frères en mars 2003" constate le premier paragraphe de la lettre,
dont le contenu a été diffusé par l'agence espagnole
Europa Press.
"Nous ne rejetons pas le dialogue entre l'Union européenne et le gouvernement cubain.
Nous rappelons seulement qu'il n'aura de résultats positifs que lorsqu'on
cessera de réprimer le dialogue que nous menons entre Cubains" poursuit
Oswaldo Paya.
Il estime que "la position commune européenne sur Cuba... est un
acquis moral de l'Union européenne et constitue une véritable
expression de respect à l'égard de l'autodétermination
des Cubains et un appui au peuple de Cuba dans ses aspirations de respect
des droits de l'homme et d'ouverture démocratique pacifique".
Le 5 juin 2003, l'Union européenne et
les dix pays alors candidats qui ont adhéré à l'UE
en mai dernier annonçaient des sanctions diplomatiques contre le
régime castriste après l'emprisonnement de 75 dissidents
et l'exécution de 3 candidats à l'exil qui avaient séquestré
une embarcation transportant des touristes.
Les sanctions, toujours en vigueur, consistent notamment à limiter
les visites gouvernementales de haut niveau, à réduire la
participation de pays de l'UE à des événements culturels
et à inviter lors de dates significatives des dissidents cubains
dans les ambassades européennes à La Havane.
"Ne pas insulter notre intelligence"
Le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero
annonçait en octobre dernier qu'il travaillait au sein de l'UE à
la révision de ces sanctions.
Le chef de la diplomatie espagnole, le ministre Miguel Angel Moratinos,
estime que l'absence de dialogue avec les autorités cubaines ne sert
ni les intérêts de l'UE ni la démocratisation du régime
de Fidel Castro, plus sourd que jamais, depuis l'annonce des sanctions,
à toute requête des ambassadeurs européens.
Le 20 octobre, à Madrid, le ministre Moratinos promettait devant
le Congrès des députés que le succès de ses
efforts en faveur d'un rétablissement de relations normales entre
l'UE et La Havane "se verra plus rapidement qu'on ne le croit". Selon le
ministre, la France et le Royaume-Uni, parmi d'autres pays, appuieraient
l'initiative espagnole.
Parallèlement, plusieurs journaux madrilènes soulignaient l'existence de pressions
en faveur d'une normalisation des relations exercées par des multinationales espagnoles,
soucieuses de la rentabilité de leurs investissements à Cuba.
Dans sa lettre aux trois personnalités de l'UE, Oswaldo Paya avertit
que si certains "gouvernements, diplomates et partis" se sentent "gênés"
par "les pressions" de Castro et abandonnent la fermeté à
son égard, ils devront admettre qu'ils agissent en fonction de leurs
"intérêts" en délaissant leur "position éthique".
"Mais personne ne peut dire, sans insulter notre intelligence, qu'abandonner
cette position [de fermeté]... soit dans l'intérêt de
Cuba et de changements pacifiques" affirme Oswaldo Paya.
En conclusion, le célèbre dissident recommande à la
communauté internationale d'exiger en priorité l'amnistie des
prisonniers politiques à Cuba pour que puisse exister réellement
un dialogue avec le régime castriste.
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