Cuba - Castro relate sa chute: "La loi de Newton me précipita en avant"...
Outre l'ampleur de sa diffusion officielle, impensable en démocratie, la lettre dévoile le narcissisme paternaliste d'un dirigeant persuadé que son accident fait souffrir son peuple. Les dissidents emprisonnés apprécieront. En outre, le chef communiste cubain, s'exprimant tant à la première qu'à la troisième personne, s'attarde sur des détails qu'un esprit rationnel jugerait insignifiants.
Certaines réactions internationales à la chute de Castro ne relèvent pas d'une noblesse d'esprit supérieure à celle du président cubain. A Washington, le département d'Etat dit ne pas souhaiter un prompt rétablissement de Fidel Castro, ajoutant "attendre un autre type de chute". A Bruxelles, la vice-présidente espagnole de la Commission européenne, Loyola de Palacio, va jusqu'à souhaiter que "le dictateur sinistre meure et j'espère le voir". Malgré sa déchéance progressive, l'aventure castriste souleva parmi les pauvres d'Amérique latine (et 44% des Latino-Américains le sont toujours) un espoir certes déçu, mais qui mérite, lui, le respect. A l'étranger plus qu'à Cuba même, Castro suscite une certaine fascination par sa résistance à l'hégémonie américaine. Paradoxalement, les Etats-Unis ont peut-être contribué à sa longévité politique. Au pouvoir depuis 45 ans, un record planétaire, le président cubain a en effet toujours trouvé dans l'hostilité de Washington -notamment dans son embargo controversé contre l'île- la justification d'atteintes aux libertés et de pénuries qu'engendre d'ordinaire, comme le montre l'histoire du 20e siècle, une organisation communiste de la société. Voici le texte intégral de la lettre de Fidel Castro (traduction littérale) - Les intertitres sont de LatinReporters. "Chers compatriotes: Hier, 20 octobre, en terminant mon discours à la réunion de Santa Clara, je fus affecté d'une chute accidentelle. Quelques agences câblographiques [sic] et d'autres moyens de transmissions de nouvelles divulguèrent diverses versions des causes de l'accident. En tant que protagoniste et témoin affecté, je peux vous expliquer avec toute précision les causes de ce qui est arrivé. J'avais conclu mon discours aux diplômés de l'enseignement de l'art aux environs de 10 heures du soir. Plusieurs compagnons du Parti et du Gouvernement montèrent à la tribune pour nous saluer. Parmi eux se trouvait Elian, comme d'habitude lors de certaines réunions. Nous fûmes là pendant plusieurs minutes et soudain nous sommes descendus pour nous réunir à nouveau, par le même petit escalier de bois utilisé pour accéder à la tribune, rapidement sur le pavement de granit coloré, pour m'asseoir sur la même chaise qu'on m'avait assignée avant que vint mon tour de monter à la tribune, et je marchais sur le pavement de granit tout en saluant de temps en temps les enseignants et plus de 25.000 habitants de la province de Villa Clara invités à la réunion. Newton et la loi de la gravité Lorsque j'arrivai dans la zone en question, à quelques 15 ou 20 mètres de la première rangée de chaises, je ne me rendis pas compte qu'il y avait une bordure relativement haute entre le pavement et la multitude. Mon pied gauche se posa dans le vide, à cause de la différence de hauteur par rapport à la zone où les participants étaient assis sur leurs chaises respectives. L'impulsion et la loi de la gravité, découverte il y a longtemps par Newton, firent en sorte que le faux pas me précipita en avant jusqu'à la chute, en une fraction de seconde, sur le pavement. Par pur instinct, mes bras s'avancèrent pour amortir le coup; sinon, mon visage et ma tête auraient percuté fortement le sol. On ne pouvait en rejeter la faute sur personne. La responsabilité était absolument mienne. Il paraît que l'émotion de ce jour plein de créations et de symboles explique ma négligence. Ce qui survint encore dans les minutes suivantes est plus que connu. Ma plus grande douleur en cet instant était l'idée de la souffrance de cette masse de jeunes diplômés et des habitants de Villa Clara invités à une activité aussi belle et émouvante. Je pouvais à peine bouger. Et après de nombreux obstacles, au milieu de cette consternation, j'ai pu être introduit dans la partie arrière de l'automobile dans laquelle je voyageais et non dans la jeep que j'avais sollicitée. Aucune n'était apparue là-bas. Nous nous sommes dirigés vers la maison qui m'avait été assignée, pour réaliser une première observation des dommages occasionnés par la chute; en fin de compte, on pouvait faire peu là-bas. Une ambulance apparut. Nous décidâmes de l'utiliser pour me transporter à la capitale. Evidemment, les douleurs et les symptômes indiquaient la nécessité d'analyses profondes et d'éventuelles interventions chirurgicales immédiates. Ils me transportèrent vers la capitale étendu sur une civière dans l'ambulance. Je n'omettrai pas qu'avec plusieurs médecins très compétents et plusieurs compagnons, tels Carlitos et d'autres, comprimés dans cette ambulance, ce fut confortable et agréable malgré quelques ornières. Des analgésiques m'avaient été administrés et soulagèrent d'une certaine manière le patient de douleurs aiguës Appel de Hugo Chavez Nous nous sommes mis à travailler en chemin. Nous avons appelé notre bureau et divers compagnons pour qu'ils informent des réactions internationales et pour leur communiquer avec précision ce qui s'était passé. Des instructions furent données, des moyens techniques et du personnel médical spécialisé se mobilisèrent afin de disposer des conditions requises pour traiter diverses formes d'affections possibles. Même le président [vénézuélien] Hugo Chavez appela aussitôt après avoir reçu la nouvelle. Il conversa avec Felipe [Perez Roque, ministre des Relations extérieures] et demanda à entrer en communication avec moi, ce qui fut possible grâce aux communications sans fil et malgré leurs difficultés: elles sont difficiles et s'interrompent fréquemment pour des raisons techniques. Je pus converser par le même moyen avec les compagnons enseignants réunis à Santa Clara. Je leur demandai instamment de ne pas suspendre la fête organisée après la réunion. Par l'intermédiaire d'un téléphone mobile placé devant le micro là où ils étaient réunis, je leur parlai directement et je leur transmis le message. Nous sortîmes de Santa Clara aux environs de onze heures du soir. Nous arrivâmes au Palais de la Révolution. Sur la civière et sur les épaules de plusieurs compagnons, je fus conduis immédiatement à la petite installation hospitalière, avec un minimum d'équipements nécessaires pour des cas d'urgence. Aussitôt, des examens cliniques, des radiographies, des prises de sang et d'autres examens. On put préciser que les complications les plus importantes se situaient dans le genou gauche et dans la partie supérieure du bras droit, où l'humérus présentait une fissure. La rotule était fragmentée en huit morceaux. Je pouvais observer chaque image et les examens. De commun accord, les spécialistes et le patient, nous décidâmes de procéder à l'opération immédiate du genou et d'immobiliser le bras droit avec un simple bandage. Opéré pendant plus de trois heures L'opération dura trois heures et quinze minutes. Les orthopédistes se dédièrent à réunir et à placer chaque fragment à l'endroit correspondant à chacun d'eux et, comme des tisserands, les unirent solidement, les cousant avec un fin fil d'acier inoxydable. Un travail d'orfèvrerie. Le patient demanda aux médecins de n'appliquer aucun sédatif et ils procédèrent à une anesthésie par voie rachidienne. L'anesthésie par voie rachidienne endort totalement la partie inférieure du corps et maintient intact le reste de l'organisme. Je leur expliquai qu'étant données les circonstances actuelles il était nécessaire d'éviter l'anesthésie générale pour être à même de gérer de nombreuses affaires importantes. Pour cela, pendant les heures que dura le processus, je maintins le contact avec le chef de cabinet, qui était aussi à proximité de la salle d'opération, portant le vêtement stérile des chirurgiens. Ainsi, tout le temps, je continuai à recevoir des informations et à donner des instructions sur le maniement de la situation créée par l'accident imprévu. L'intervention chirurgicale terminée, on plâtra la jambe gauche, immobilisant en même temps le bras droit. Réellement, compatriotes, ce fut une expérience inoubliable. Les spécialistes et le patient analysèrent et coordonnèrent à la perfection et sans perdre une minute ce qui devait se faire dans les circonstances concrètes que vivait le pays. Dès l'instant de la chute, je n'ai cessé de m'occuper des tâches les plus importantes qui me correspondent, en coordination avec tous les autres compagnons. Je souhaitais vous transmettre ces nouvelles ce soir. J'évolue bien et je ne cesserai de communiquer avec vous. Je vous exprime mes plus profonds remerciements pour vos preuves d'affection et de solidarité que j'ai reçues en ces instants. Chaque révolutionnaire cubain sait ce qu'il doit faire à chaque instant. Faisons-le! Je vous prie de m'excuser un message aussi long. Fidel Castro" Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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