Espagne: mise hors-la-loi de Batasuna, bras politique des séparatistes basques de l'ETApar Christian Galloy
Qu'il ait fallu plus de vingt ans pour considérer indispensable d'interdire une coalition qui applaudit les attentats de l'ETA (plus de 800 morts depuis les années 1970) reflète les complexes dont souffrait la société espagnole après 40 ans de dictature franquiste. Soucieuse de voir sa démocratisation reconnue, l'Espagne post-franquiste du roi Juan Carlos, d'abord centriste, puis socialiste et aujourd'hui conservatrice, semblait craindre jusqu'il y a peu qu'une interdiction de Batasuna ne soulève dans l'opinion internationale l'accusation de retour aux pratiques totalitaires. Autour du dossier basque comme autour d'autres, qu'il s'agisse par exemple du radicalisme islamiste ou de la guerre civile en Colombie, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis ont contribué a dissipé les complexes des démocraties occidentales. Les séparatistes basques de l'ETA, la guérilla colombienne marxiste des FARC et l'Al-Qaïda d'Oussama ben Laden cohabitent actuellement sur les listes officielles des organisations terroristes dressées non seulement par les Etats-Unis, mais aussi par l'Union européenne, longtemps tolérante à l'égard de la violence politique perçue comme étant de gauche. Aujourd'hui terroristes aux yeux des démocraties occidentales, les séparatistes basques furent, pour l'Europe, des "combattants de la liberté" sous la dictature franquiste. Mais aucun dirigeant du Vieux continent ne s'aventure plus à défendre des séparatistes basques qui continuent à massacrer les adversaires, de gauche ou de droite, de l'indépendance et de la société collectiviste qu'ils prétendent imposer par les bombes. C'est dans ce contexte qu'intervient la mise hors-la-loi en cours de Batasuna. Que la suspension judiciaire pénale immédiate, parallèle à la procédure d'interdiction définitive promue par le parlement et le gouvernement espagnols, soit lancée par le célèbre et respecté juge Baltasar Garzon est également un signe des temps. Initiateur des poursuites internationales contre l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet et proposé comme candidat au Prix Nobel de la paix pour sa contribution à l'internationalisation de la justice et des droits de l'homme, le juge Garzon peut difficilement être soupçonné d'être, comme le prétend Batasuna, "un mercenaire au service d'un régime fasciste". "Ni le gouvernement ni les partis démocratiques ni, je l'espère, aucun tribunal ne laisseront une minute de répit" à Batasuna déclarait samedi le président du gouvernement conservateur espagnol, José Maria Aznar. Il estime que la mise hors-la-loi de la coalition indépendantiste basque va mettre fin au "sanctuaire institutionnel de l'ETA". Des sources gouvernementales précisent que la suppression du financement institutionnel et de l'accès aux informations réservées dont bénéficiait, comme tout parti légal, Batasuna réduira les ressources financières et les capacités opérationnelles des terroristes de l'ETA. Batasuna est visée par la récente loi, approuvée il y a deux mois, interdisant les partis politiques qui soutiennent implicitement ou explicitement le terrorisme. Pour réclamer son application par le Tribunal suprême, la majorité absolue parlementaire du Parti Populaire (PP) de José Maria Aznar est appuyée par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), principale formation de l'opposition. Juan José Ibarretxe, président du gouvernement régional basque dominé par le PNV (Parti nationaliste basque, considéré comme "modéré") avertissait dès le 31 mai dernier que la mise hors-la-loi de Batasuna donnerait, selon lui, de l'oxygène à l'ETA et compliquerait la pacification de la région. Le dirigeant historique et président du PNV, Xabier Arzalluz, prétend même que l'interdiction de Batasuna risque d'être suivie de poursuites contre ceux qui ne se déclarent pas "constitutionnalistes". (Le PNV n'a jamais approuvé explicitement la Constitution espagnole de 1978, estimant qu'elle limite l'autonomie du Pays basque). "Nous n'accepterons pas que les principes démocratiques et, plus encore, les principes moraux ne soient pas situés au-dessus de l'idéologie nationaliste" affirmait samedi José Maria Aznar. Il répliquait ainsi tant aux Basques du PNV qu'aux nationalistes modérés au pouvoir en Catalogne. Ces derniers ont choisi, lors des débats parlementaires sur l'interdiction de Batasuna, une abstention critiquée par Madrid. Quant à l'ETA, elle a, dans un communiqué, menacé de représailles les formations politiques qui contribueraient à l'interdiction de Batasuna. Cette dernière vient d'appeler publiquement à "la résistance à l'Etat espagnol, qui veut détruire non un sigle, mais un peuple". Selon la coalition indépendantiste, le chef de l'exécutif espagnol, José Maria Aznar, subira au Pays basque son "Stalingrad politique". Aux dernières élections régionales basques, en mai 2001, Batasuna avait récolté 143.139 voix, soit 10,12% des suffrages exprimés. Ce pourcentage signifiait un recul important de Batasuna par rapport à son score historique de 17,91%, aux élections régionales de 1998. Batasuna compte par ailleurs 890 conseillers municipaux et contrôle 62 mairies dans les trois provinces basques et en Navarre, région dont les indépendantistes réclament le rattachement au Pays basque. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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