Espagne: mariage du prince héritier Felipe avec Letizia Ortiz critiqué
"Le prince, comme n'importe quel citoyen, peut se marier selon le rite
religieux qui lui plaît sans fournir d'explications, mais si ce rite
se convertit en instrument d'affirmation nationale et institutionnelle,
payé par tous les Espagnols, il conviendrait peut-être de ne
pas se lier à une religion" écrit dans l'influent journal
El Pais le politicien, écrivain et architecte catalan Oriol Bohigas.
"Une religion, en outre, dont les deux contractants se sentent ou se sont
sentis apparemment très peu militants" ajoute-t-il. Une allusion à
peine voilée aux diverses romances attribuées au prince Felipe
et au premier mariage, uniquement civil, de Letizia Ortiz, qui est divorcée.
Le mariage sera célébré dans la cathédrale
madrilène de l'Almudena, qui jouxte le palais royal, par l'archevêque
de Madrid et en présence de dizaines de familles royales et de chefs
d'Etat ou de gouvernement étrangers. Pour assurer la sécurité,
alors que l'Espagne est encore traumatisée par les attentats islamistes
du 11 mars dernier, même l'OTAN a été sollicitée.
Elle fera tourner pendant deux jours dans le ciel espagnol un avion radar
AWACS et ses 15 hommes d'équipage. "Ce festival public, pour autant qu'il soit nécessaire, ne pourrait-il
se concentrer sur le mariage civil, prescrit par le nouvel Etat... reléguant
à une intimité secondaire le rite catholique, qui contredit
d'autres religiosités -et antireligiosités- également
respectables?" s'interroge Oriol Bohigas. Selon lui, un mariage présidé non par des évêques
mais par le maire de Madrid ou par le plus haut magistrat du pays aurait servi
"de pédagogie générale sur la séparation État-Église
et d'affirmation de neutralité". Outre son souhait d'une "laïcité de la scénographie",
Oriol Bohigas se demande pourquoi la noce du 22 mai sera "aussi luxueuse et
pompeuse... Il s'agit sûrement d'un système tonitruant pour obtenir
l'enracinement forcé des oripeaux de la monarchie dans les imaginaires
populaires via les sentiments, vu qu'on ne peut l'obtenir via la raison". "La monarchie, poursuit-il, se sent-elle si faible en tant que structure
d'Etat au point de recourir à ces populismes qui, curieusement, prennent
l'allure d'antipopulismes car, au lieu de répartir argent, santé
et bienfaisance comme d'ordinaire dans la tradition paternaliste, ils exhibent
un luxe et une distanciation aristocratique?" "Il aurait été instructif et porteur d'espoir d'assumer les
responsabilités civiques et égalitaires... Nous avons perdu
une scène possible de démocratisation et de tolérance"
conclut Oriol Bohigas. Nationalistes et communistes déclinent l'invitation Quant aux nationalistes basques et indépendantistes républicains
catalans associés au gouvernement de leur région respective,
ainsi que les nationalistes galiciens et les néocommunistes et écologistes
d'Izquierda Unida (Gauche unie), leurs porte-parole parlementaires ont décliné l'invitation à la noce princière. Ils rappellent qu'un mariage n'est en
principe qu'un acte privé. A partir de sa "distanciation républicaine", le coordinateur général
d'Izquierda Unida, Gaspar Llamazares, souligne qu'il préfère
ne pas assister à des cérémonies "au caractère
religieux marqué" et au cours desquelles le prince héritier
"fera preuve d'ostentation militaire", une référence à
l'uniforme de commandant que devrait porter Felipe de Bourbon le 22 mai. Une dizaine d'organisations féministes, républicaines et
de gauche, regroupées au sein du "Mouvement populaire contre la noce
royale", menacent de manifester à cette date contre "ce spectacle
grotesque, grossier et onéreux d'exaltation des valeurs les plus réactionnaires". Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne Le texte de cet article peut être reproduit s'il est attribué, avec lien, à LatinReporters.com |