Don Quichotte a 400 ans: l'Espagne sait enfin où vivait l'hidalgo!

Villanueva de los Infantes Photo infantes.org

par Christian Galloy

MADRID, dimanche 19 décembre 2004 (LatinReporters.com) - A la veille de l'année Don Quichotte -l'Espagne célébrera au long de 2005 le 400e anniversaire de la publication de ses aventures- une équipe d'experts fait sensation en déterminant que Villanueva de los Infantes serait la bourgade de la Manche où vivait l'illustre hidalgo, mais dont son créateur, l'écrivain Miguel de Cervantes, dit ne pas vouloir se rappeler le nom.

"Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n'y a pas longtemps, un hidalgo de ceux qui ont lance au râtelier...". Ainsi débute le Don Quichotte de la Manche de Cervantes, oeuvre littéraire universelle publiée pour la première fois en 1605 et considérée comme fondatrice du roman moderne.

Don Quichotte nº1 des cadeaux littéraires de Noël Extrait du journal madrilène El Pais du 19 décembre 2004: "Il est déjà le cadeau littéraire vedette de Noël. Les grands-parents l'achètent pour les petits-enfants et les parents pour les enfants... Don Quichotte de La Manche est en tête de la liste des ventes en Espagne, au Chili et en Argentine et est sur le point de l'être aussi au Mexique et en Colombie.... "L'édition populaire de l'Académie royale espagnole, publiée par Alfaguara, a abasourdi ses promoteurs, car en un mois, depuis qu'elle fut présentée au Congrès de la langue à Rosario (Argentine), 500.000 du million d'exemplaires qui devaient être mis en circulation tout au long de l'année du [quatrième] centenaire [2005] sont déjà dans les librairies d'Espagne et d'Amérique latine..."

VOIR AUSSI Villanueva de los Infantes Site du ministère espagnol de la Culture sur le IV Centenaire de Don Quichotte Biblioteca virtual Miguel de Cervantes Dossier Espagne

Si la folie supposée de Don Quichotte, chargeant au galop les moulins pris pour des géants, permettait à Cervantes de railler impunément à travers son anti-héros une Espagne décadente sans risquer les galères du roi ou les bûchers de l'Inquisition, de même l'oubli volontaire du nom du bourg d'origine du chevalier errant contribua sans doute à préserver l'écrivain d'éventuelles tracasseries de notables locaux.

Cette localité clef, anonyme pendant quatre siècles, a dû féconder l'imaginaire de Cervantes, peut-être plus que d'autres bourgs de Castille cités nommément, eux, par l'écrivain. Aussi, que des professeurs d'université affirment aujourd'hui avoir enfin identifié la bourgade où naquit la vocation de redresseur de torts du chevalier à la triste figure contribuera au succès du quatrième centenaire de Don Quichotte.

Et pour Villanueva de los Infantes, car il s'agit d'elle, c'est probablement le coup d'envoi d'une révolution touristique. A 220 km au sud de Madrid, soit deux heures de route, cette petite ville -elle en porte le titre- compte à peine près de six mille habitants, le même nombre qu'à l'époque de Cervantes.

Mais au 17e siècle, 6.000 âmes suffisaient à prétendre à la grandeur administrative et spirituelle. Chef-lieu alors de la région de Montiel, zone de la Manche que sillonnent Don Quichotte et son écuyer Sancho Pança, Villanueva de los Infantes abritait de nombreux palais de ducs et de marquis, des collèges, un hôpital, une caserne de l'ordre de Saint-Jacques et une prison de l'Inquisition.

Plus de 200 armoiries différentes, notamment dans la rue Cervantes, ornent encore aujourd'hui les vieilles façades de pierre dorée de cette ville. On peut y visiter les 4 églises monumentales de ses quatre places principales. On y dénombre aussi trois couvents et de multiples chapelles.

Don Quichotte et Sancho Pança vus par Picasso

Villanueva de los Infantes fut un foyer régional du Siècle d'or espagnol. On y jouait les comédies de Lope de Vega. Un autre immortel des lettres hispaniques, Francisco de Quevedo, y rendit l'âme. Cervantes lui-même devait nécessairement y être entré à plusieurs reprises lorsqu'il sillonnait la région en qualité de commissaire royal au ravitaillement.

L'allure de Rossinante...

L'identification de Villanueva de los Infantes comme étant la bourgade de la Manche où vivait Don Quichotte est le résultat de deux ans de travail de dix experts en géographie, histoire, philologie, sociologie, mathématiques et sciences de l'information de l'Université Complutense de Madrid.

Intégrant dans leur étude 27 localités devant se trouver, selon le roman de Cervantes, dans la région de Montiel, les confrontant à 24 variables et tenant compte de divers critères, dont l'allure probable de Rossinante (le cheval efflanqué de Don Quichotte), ces experts ont suivi sept lignes de recherche différentes (topologique, probabiliste, sociologique, etc.). Six de ces sept recherches ont désigné Villanueva de los Infantes.

Coordinateur de l'équipe d'experts, le professeur de sociologie Francisco Parra estime que Cervantes aurait sciemment parsemé dans les divers chapitres de son Don Quichotte les éléments d'une devinette, d'un puzzle qui, mis judicieusement ensemble, permettaient d'identifier la bourgade dont l'écrivain taisait le nom. Parmi ces éléments, ceux relatifs à la fois au temps et à la distance ("à deux jours et une nuit" de voyage, etc.) seraient capitaux.

Selon les auteurs de l'étude, cet hommage crypté de Cervantes à Villanueva de los Infantes serait "peut-être dû au fait qu'elle représentait le centre géographique, politique et culturel de la région de Montiel".

"Personnellement, je suis convaincu que notre solution est quasi définitive, mais nous la présentons seulement comme l'hypothèse la plus probable" conclut le professeur Parra.

L'ampleur conférée par les médias espagnols et latino-américains à l'identification de Villanueva de los Infantes donnera à cette petite ville un rôle phare inattendu parmi les 2.000 événements culturels programmés en 2005 pour l'année Don Quichotte. D'autant plus qu'autour de l'illustre cité s'étendent les vignobles de Valdepeñas, les plus vastes d'Europe...

Désormais étape obligée sur la route éco-touristique baptisée "Route du Quichotte" (le vent y fait tourner non plus des moulins, mais des éoliennes), Villanueva de los Infantes ne compte que deux hôtels totalisant à peine 34 chambres. Mais son maire socialiste, Mariano Sabina Machado, clame que ne pas visiter la ville en 2005 serait "un péché que la justice devrait châtier".

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