Retransmis par 160 chaînes de télévision Espagne: mariage du prince Felipe avec Letizia Ortiz, désormais Altesse royalePar Christian Galloy
C'est en tout cas devant Mgr Rouco Varela, archevêque de Madrid et président de la Conférence épiscopale espagnole, que Letizia, très belle, presque royale, en robe de soie ivoire avec décolleté, a scellé son union avec le prince Felipe en prononçant la formule "Moi, Letizia, je te reçois, Felipe, comme époux et je me donne à toi et je promets de t'être fidèle dans la prospérité et dans l'adversité, dans la santé et la maladie, chaque jour de ma vie". Felipe, en uniforme de commandant, venait de faire la même promesse après avoir reçu, d'une inclinaison de tête, le consentement du roi Juan Carlos. Avant de s'offrir mutuellement leurs alliances, Felipe et Letizia avaient consenti, comme le prônait l'archevêque, à élever leurs futurs enfants "au sein de l'Eglise". Cette offensive du spirituel dans un Etat qui n'est plus confessionnel n'a pas terni le sourire perpétuel du nouveau président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, mêlé avec ses ministres, sous la nef de l'Almudena, au gotha mondial invité au mariage. Parmi les promesses électorales de Rodriguez Zapatero figure la réduction du poids de la religion dans les écoles. A la fin de la cérémonie religieuse, le prince et la désormais princesse ont traversé Madrid dans une Rolls Royce blindée jusqu'à la basilique d'Atocha, où Letizia a offert son bouquet de mariée à la Vierge. Là, à nouveau devant Mgr Rouco Varela, comme transporté par le Saint-Esprit, une prière a été récitée en hommage aux victimes des attentats islamistes de mars dernier (191 morts et près de 2.000 blessés). Quatre trains de banlieue explosèrent lors de cette offensive terroriste, dont la gare madrilène d'Atocha fut l'épicentre. Donc mariée ravissante, mais curieusement un peu triste, esthétique et solennité religieuse, chapeaux extravagants des nobles invitées, pluie diluvienne, quasi républicaine face à tant d'hôtes royaux, quelques milliers tout de même de Madrilènes -très loin du million espéré- sur les trottoirs pour saluer la Rolls princière et, enfin, avant le banquet, premier baiser d'après-mariage, timide, sur la joue, au balcon de palais royal... Voilà un résumé de l'image publique du mariage espagnol du siècle. On y ajoutera la silhouette, courbée sur sa canne, de Nelson Mandela, octogénaire ex-président d'Afrique du Sud et roi noir sans une goutte de sang bleu ni autres armoiries que les droits de l'homme. Aussi noble, voire plus que les princes Charles d'Angleterre et Albert de Monaco ou que la nuée de souverains sans royaume, de Grèce, de Roumanie et même de Prusse (!), venus garnir le parterre mondain de la noce. Les personnalités blasonnées et autres invités étrangers de marque reprenaient l'avion samedi soir, laissant l'Espagne scruter maintenant dans le miroir des médias ce qu'on pense d'elle. Continuité monarchique et légitimité Cent soixante chaînes de télévision ont retransmis le mariage autour de la planète. Dans quasi chaque foyer espagnol, le petit écran était figé sur la noce. Le Palais a donc pu transmettre massivement l'image d'une continuité monarchique incarnée par le nouveau couple princier et la descendance qu'on lui souhaite. Felipe et Letizia contribuent ainsi à consolider la monarchie espagnole, 29 ans après sa restauration. Courageux face à des militaires putschistes en 1981, le roi Juan Carlos a presque fait oublier que la monarchie fut restaurée grâce au dictateur Franco, qui avait écrasé la République dans le sang. Aussi, plus que monarchiste, l'Espagne actuelle est-elle Juan Carliste. Sera-t-elle aussi Felipiste, laissant en marge la minorité non négligeable de républicains qui ont encore pignon sur rue? Cela dépendra de Felipe et Letizia. L'avenir de la monarchie est entre leurs mains. Comme le roi Juan Carlos, ils devront gagner quotidiennement leur légitimité car, dans une démocratie moderne, la prétendue légitimité dynastique, fût-elle constitutionnelle, ne suffit plus.
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