Malgré une ostentation religieuse suggérant un gigantesque exorcisme
JMJ Madrid : "Un grand succès pour l'Église et pour l'Espagne"
MADRID, mardi 23 août 2011 (LatinReporters.com) - Internet, télévision,
écrans géants, confessionnaux design et autres couches de modernité
n'ont pu masquer l'essentiel : Madrid a brutalement remonté le temps
jusqu'au Moyen Âge, lorsque la couronne, l'épée et le
goupillon formaient la trinité absolutiste, à l'occasion des
26èmes Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) présidées
la semaine dernière par le pape Benoît XVI dans la capitale
de l'Espagne.
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Le pape Benoît XVI lors de la messe de clôture des 26èmes
JMJ, le 21 août 2011 à la base aérienne madrilène
de Cuatro Vientos. (Source photo : www.madrid11.com) |
Les représentants du pouvoir temporel, le roi Juan Carlos et la reine
Sofia, le président du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez
Zapatero, les présidents de la Chambre et du Sénat, l'état-major
militaire, la présidente de la région de Madrid, le maire de
la capitale, le chef de l'opposition conservatrice et de grands banquiers
se sont tous inclinés, moralement et parfois physiquement, devant
le souverain pontife. Le faisaient-ils devant le chef d'État ou devant
l'infaillible interprète de la volonté divine qu'est à
la fois Joseph Ratzinger? Se poser la question est en soi perturbant dans
une Espagne constitutionnellement aconfessionnelle.
Un aéroport militaire a été cédé pour
la messe finale, qui a réuni le 21 août un million et demi de
jeunes pèlerins des cinq continents. Un détachement de légionnaires
a participé au chemin de croix dans le centre de Madrid, interdit
pendant deux semaines à la circulation automobile pour la préparation,
le déroulement et le démontage des JMJ. Messes, chants liturgiques,
crucifix, pèlerins et prélats se sont emparés six jours
durant de la capitale. Comme pour exorciser le pays écrit Juan Cruz
dans le journal de centre gauche El Pais. Jamais en plus de trois décennies
de démocratie postfranquiste l'espace public n'avait été
dominé avec pareille ostentation par ceux qui avertissent, comme Benoît
XVI, qu'en dehors du Christ il n'y a point de salut.
Il n'empêche, malgré ces réserves, que les JMJ 2011
sont globalement considérées comme un succès par la
majorité des observateurs. Pour illustrer ce diagnostic, LatinReporters
traduit ci-dessous l'éditorial publié le 22 août par
El Mundo. L'éditorial est d'autant plus significatif que ce quotidien, le plus
influent d'Espagne après El Pais, défend un libéralisme
de centre droit souvent éloigné des positions de l'Église,
notamment en matière d'avortement et de mariage entre homosexuels,
deux dossiers qui ne cessent d'opposer l'Espagne socialiste au Vatican.
"Un grand succès pour l'Église
et pour l'Espagne"
(El Mundo, éditorial du 22 août 2011; traduction : LatinReporters)
Un succès complet. Ainsi faut-il qualifier ces Journées
Mondiales de la Jeunesse (JMJ) clôturées hier [dimanche
21 août] à Madrid. Le monde a vu avec étonnement la
vitalité de l'Église catholique, capable de réunir un
million et demi de jeunes de toutes les nationalités. Ceux qui espéraient
qu'à la mort de Jean-Paul II se dissolve une ferveur qualifiée
de culte de la personnalité se sont trompés et, ainsi, un vieux
prêtre [Benoît XVI] sans le charisme de son prédécesseur
a surpassé tous les records antérieurs. Un succès que
personnifie le cardinal Rouco Varela [archevêque de Madrid et président
de la Conférence épiscopale espagnole], promoteur de la
venue des Journées dans la capitale et tête de l'organisation
en tant que responsable du diocèse dans lequel elles ont été
célébrées.
En outre Madrid - la marque Espagne - sort renforcée de ces journées.
C'était une tâche titanesque de procurer logement, nourriture
et transport aux centaines de milliers de pèlerins qui se sont rassemblés
dans la capitale et l'effort s'est soldé par un résultat brillant
grâce à l'impeccable collaboration civile et ecclésiastique.
Les faits ont démontré l'absurdité de l'opposition
au financement avec les deniers publics des infrastructures ou de la sécurité
et la stupidité des critiques aux remises octroyées aux pèlerins
dans les transports publics. En paraphrasant l'Évangile, si on nous
le permet, l'Espagne a reçu le "cent pour un" de son investissement.
Personne ne doute, par exemple, que les belles images de la tombée
du jour sur le boulevard de la Castellana orné de pasos emblématiques
de la Semaine sainte supposent une grande publicité touristique aux
yeux des amants de l'art.
Il y aura, pour l'Église espagnole, un avant et un après des
JMJ. Les jeunes catholiques qui ont acclamé Benoît XVI l'ont
entendu parler d'un engagement de vie, de fidélité au couple,
d'embrasser la souffrance. L'homélie d'hier a résumé
ses messages : la fête, c'est très bien, a-t-il dit, mais maintenant
le "fondamental" est d'aller à la messe le dimanche, de se confesser
et de communier. Un défi qu'il a posé avec une exigence sans
palliatifs à la jeunesse croyante, dont une partie seulement en tiendra
compte. Mais le pape a aussi parlé de tolérance, d'éducation
ou de recherche de la vérité et de la paix, valeurs qui doivent
être acceptées par tout citoyen, croyant ou non, et qui contribuent
à améliorer la société.
Il faut aussi souligner le bon ton qui a prévalu entre le gouvernement
et l'Église. Ne s'agissant pas d'une visite d'État, mais d'un
événement pastoral de caractère global, Benoît
XVI a été doublement prudent dans le traitement des sujets les
plus épineux et, pour sa part, l'exécutif s'est comporté
de manière exquise, tant dans l'organisation que dans les détails
protocolaires.
Le fil des jours a dilué l'atmosphère de confrontation que
certains milieux du militantisme laïque avaient stimulée artificiellement.
Durant ces journées, les confessionnaux ont rempli le parc du Retiro,
des centaines de messes ont été célébrées
dans des centres sportifs municipaux et des milliers de crucifix et de chapelets
ont empli les collèges publics. Mais l'Espagne n'en est pas moins laïque
qu'il y a une semaine. Cette expérience nous porte à une réflexion
: l'État est aconfessionnel et le gouvernement ne doit pas légiférer
en suivant une quelconque morale religieuse, mais il doit aussi être
conscient qu'on ne peut pas mépriser les sentiments d'une partie importante
de la population. C'est un enseignement que laissent ces Journées
: la collaboration loyale entre l'Église catholique et l'État
- qui représente une société aux racines chrétiennes
- doit être la règle et non une exception provoquée par
un événement de cette grandeur.
Et c'est une ironie que le président du gouvernement [José
Luis Rodriguez Zapatero] qui a le plus légiféré contre
la morale catholique et qui semblait résolu à éradiquer
les signes religieux de la société clôturera sa carrière
politique peu après la plus grande manifestation du catholicisme que
l'Espagne ait vécu.
[NDLR - Au pouvoir depuis 2004, le dirigeant socialiste ne se présentera
pas aux élections législatives anticipées du 20 novembre
prochain.]
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Vue partielle de la base aérienne madrilène de Cuatro Vientos
sur laquelle un million et demi de jeunes pèlerins assistent le 21
août 2011 à la messe de clôture des 26èmes JMJ.
(Source photo : www.madrid11.com) |
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