Honduras: le Parti national favori d'élections axées sur la sécuritéUn millier "d'enfants des rues" exécutés depuis 1998
Homme d'affaires et banquier de 55 ans formé aux Etats-Unis, Ricardo Maduro et son Parti national (conservateur) actuellement dans l'opposition pourraient mettre fin à huit ans de pouvoir du Parti libéral (également conservateur). Le dernier sondage octroie 45% des voix à Ricardo Maduro, contre 35% à son adversaire libéral, Rafael Pineda Ponce, enseignant et président sortant du Congrès national des députés. Trois autres candidats de partis minoritaires, représentant la gauche et la démocratie chrétienne, ne totalisent ensemble que 5% des intentions de vote.
Pour la première fois, le 25 novembre, les votes présidentiel, législatif et municipal seront exprimés sur des bulletins distincts. "L'effet présidentiel" en sera-t-il atténué sur la composition du Congrès et des conseils municipaux? Les partis minoritaires l'espèrent. Misère accentuée par les catastrophes Longtemps colonie bananière de la United Fruit américaine, base arrière des contre-révolutionnaires qui combattaient dans les années 1980 le pouvoir sandiniste au Nicaragua et vivant encore dans la tension de différends frontaliers avec le Salvador et le Nicaragua, le Honduras compte 66% de pauvres. Il est avec la Bolivie, le Guatemala, Haïti et le Nicaragua l'un des cinq pays les plus démunis du continent américain. Environ 650.000 émigrés Honduriens vivent légalement ou illégalement aux Etats-Unis. La pauvreté a été accentuée par les catastrophes qui ont marqué le mandat de l'actuel président libéral Carlos Flores. Fin 1998, l'ouragan "Mitch" laissait au Honduras 5.657 morts, 8.000 disparus, un million et demi de sinistrés et cinq milliards de dollars de dégâts. Au printemps et l'été derniers, le Honduras fut le pays le plus touché par la sécheresse catastrophique qui a frappé l'Amérique centrale. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies avertissait alors qu'un million et demi de personnes étaient menacées de famine au Honduras, au Salvador, au Guatemala et au Nicaragua. Très visible dans les "ceintures de misère" qui entourent Tegucigalpa (capitale du Honduras - 1,4 million d'habitants) et San Pedro Sula (2e ville du pays), l'indigence alimente la délinquance et l'insécurité. Les autorités attribuent l'essentiel de la violence à 475 bandes juvéniles qui comptent près de 100.000 membres. Outre la délinquance qu'elles génèrent, ces bandes s'affrontent entre elles. Vivant "en proie à la terreur", selon l'hebdomadaire "Fides" de l'Eglise catholique, les Honduriens clament ouvertement leur besoin de sécurité amplifié par les médias. Les candidats à la présidence ne pouvaient l'ignorer. "Tous contre le crime, car le crime est contre tous" clame le libéral Rafael Pineda. "Tolérance zéro à l'égard des délinquants" réplique le Parti national de Ricardo Maduro, dont le fils aîné fut assassiné en 1997 lors d'une tentative d'enlèvement. Escadrons de la mort Les deux candidats prennent toutefois des distances orales à l'égard des "escadrons de la mort". Selon l'organisation humanitaire nord-américaine "Casa Alianza", 967 adolescents ont été assassinés au Honduras entre 1998 et octobre dernier. Abattus parfois par la police, ces "enfants des rues" appartenaient pour la plupart aux bandes juvéniles de délinquants. Rapporteur des Nations unies aux Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, la pakistanaise Asma Jahangir estimait en août que "la négligence coupable" de l'Etat hondurien favorise cette tuerie de mineurs. Lors d'une enquête de deux semaines au Honduras, Asma Jahangir a constaté que "l'immense majorité des cas ne sont pas éclaircis", mais que rien ne démontre que les exécutions extrajudiciaires soient la conséquence d'une politique d'Etat. Près de 90% des assassinats des "enfants des rues" ne sont en effet pas perpétrés par les forces de l'ordre, que "Casa Alianza" estime coupables dans 12% des cas. Asma Jahangir a dénoncé la tendance, alimentée par les médias, à attribuer aux "enfants des rues" la majorité des crimes et des délits commis au Honduras. L'envoyée des Nations unies estimait à ce propos que la partie "la plus déprimante" de sa visite fut de découvrir qu'au moins deux importants médias électroniques incitaient sur Internet à l'exécution des membres des bandes de jeunes. La criminalité gangrène aussi les institutions censées la combattre. Au cours des deux dernières années, 3.800 policiers honduriens accusés de violer la loi ont été destitués. Nombre d'entre-eux sont impliqués dans des enlèvements, des attaques de banques et des vols de véhicules. Promettant tous deux d'enrayer la criminalité et partageant une vision néolibérale de la société, le Parti national et le Parti libéral ne se sont vraiment affrontés, au cours de la campagne électorale, que pour mettre en doute la nationalité hondurienne du candidat adverse. Ricardo Maduro étant né au Panama et Rafael Pineda étant soupçonné d'avoir vu le jour au Guatemala, la reconnaissance de leur qualité de Hondurien n'intervint qu'après des polémiques volontairement populistes. Ce débat passionna les électeurs, plus même que celui sur la sécurité. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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